Avec ce petit roman (moins de 200 pages), moi qui suis une admiratrice de l'oeuvre de Milan Kundera, j'ai bien failli perdre patience tant l'auteur se joue de nous en mêlant dans une architecture très complexe, autobiographie, essai, fiction et au cœur de la fiction deux histoires qui se développent en symétrie et finissent pourtant par se rejoindre quand se croisent d'une façon très improbable le chevalier du XVIIIe empruntant sa chaise à porteur et Vincent, jeune homme de notre époque, enfourchant sa moto. Tous deux, comme l'auteur et son épouse va, quittent à ce moment-là le château où se déroule tout le roman. Chacun des deux _ Vincent et le Chevalier_ vient de vivre une expérience érotico-amoureuse exceptionnelle dont aucun des deux ne sait au juste s'il en sort ridicule ou glorieux.
Mais comment rendre compte du foisonnement de ce petit roman : essai sur l'hédonisme, sur la vitesse et la lenteur, sur l'intime et le public, sur le secret et la médiatisation mais aussi galerie de portraits plus loufoques les uns que les autres dans un congrès d’entomologistes réunis eux aussi dans ce fameux château "un carré de verdure perdu dans une étendue de laideur sans verdure; un petit morceau d'allées, d'arbres, d'oiseaux au milieu d'un immense filet de routes". Chacun de ces portraits mériterait qu'on s'y attarde !
Voila, je ne hurlerai pas avec "les loups" dont Éva prédit l'attaque quand le romancier évoque son désir d'"écrire un roman où aucun mot ne serait sérieux" (p 110): l'expérience du lecteur est déconcertante bien sûr mais Kundera est passé maitre en la matière.
Si "le degré de la lenteur est directement proportionnel à l'intensité de la mémoire ; le degré de la vitesse est directement proportionnel à l'intensité de l'oubli"(p.52), alors surtout ne lisez pas trop rapidement ce petit roman !