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30 juillet 2016 6 30 /07 /juillet /2016 21:11
Echenoz Jean, Envoyée spéciale

Décidément j'aime beaucoup les histoires farfelues et si ingénieuses de Jean Echenoz. Voilà Constance kidnappée à Paris puis mise au vert dans la Creuse, puis cachée par des gardiens au sommet d'une éolienne pour la protéger des commanditaires de l'enlèvement. Il y a bien une demande de rançon mais le conjoint fait la sourde oreille, il y a aussi l'envoi de la dernière phalange d'un auriculaire (mais pas celui de Constance ! ), sans plus de succès. Lou Tausk, le conjoint en question a bien consulté un avocat (son frère) mais très vite il s'est mis en ménage avec la blonde secrétaire de l'avocat. Plus tard, quand son frère aura changé de secrétaire, il remplacera aussi la première par la suivante ! Pendant ce temps, Constance est envoyée en Corée du Nord pour jouer les Mata-Hari et aussitôt séduite par un haut dignitaire, Gang Un-ok elle n'a aucun mal à obtenir des confidences sur l'oreiller. Mais voici que Gang Un-ok est victime d'un processus "que l'on nomme plâtrage des éléments antiparti" dont je vous laisse découvrir les subtilités p 274/275 et c'est grâce aux gardes de Constance qu'il parvient à s'échapper. On les retrouve bientôt dans la DMZ et c'est là l’élément documentaire de l'histoire. En ce qui me concerne j'ignorais l'existence de cette zone paradoxalement démilitarisée mais truffée de mines.

Bref, Echenoz excelle à raconter des histoires rocambolesques mais ce que j'apprécie le plus, c'est qu'il s'amuse sans cesse avec le lecteur. Par exemple, P. 54 l'auteur s'associe au narrateur (?) et dit "nous, qui sommes toujours mieux informés que tout le monde, savons très bien où se trouve Clément Pognel. Nous n'avons eu aucun mal à le localiser"... ou encore page 293, il indique parlant de la DMZ "Tout au plus pouvait-on déduire de leur présence qu'outre les animaux rares déjà cités, devaient aussi traîner dans le coin quelques éléphants, pour les raisons exposées au chapitre 13." En effet, presque 200 pages plus tôt, alors qu'il évoquait la faune de la Creuse, il avait raconté les théories du docteur L Elizabeth, L Rasmussen sur la parenté des éléphants et ... des papillons. Plus loin, page 296, il traite le lecteur avec désinvolture déclarant à propos de Constance et d'Objat qui l'accompagnait pour traverser la DMZ "Dès cet instant, nous perdons leurs traces." (p 296)... Et le récit est sans cesse entrecoupé de ces clins d’œil qui lui donnent son relief et font le bonheur du lecteur qui se laisse mener comme les personnages.

Et l'on croirait entendre l'auteur parlant de ses personnages et de son intrigue lorsque p.124/125 Paul Objat dit à son Général "ça mijote [...] c'est comme en cuisine [...] Il faut surveiller de temps en temps, faire revenir, déglacer, rajouter des épices au bon moment [...] j'ai monté mon dispositif. J'ai dû prendre un peu de temps pour distribuer les rôles. ça ne se fait pas tout seul, un casting, ça se fignole, mais là je crois que ça va. Tout est en place et chacun joue sa partie. Ils n'ont aucune idée de ce qu'ils font, mais ils font tout comme je l'avais prévu. Parfait, a soupiré le général [... ] ça me rappelle le titre d'un roman de Balzac, s'est-il laissé aller, Les Comédiens sans le savoir, je ne sais pas si vous connaissez." ( p 124/125)

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