Paula, héroïne de ce roman a obenu un diplôme très spécifique dans le domaine de la peinture de décor et plus spécifique du trompe-l'oeil, "l'art de l'illusion".
Une première section du roman, Imbricata, constituée de 13 chapitres relate ses études en ce domaine dans une école de Bruxelles : "Parler un peu de la rue du Métal maintenant. Revoir Paula qui se présente devant le numéro 30 bis ce jour de septembre 2007 et recule sur le trottoir pour lever les yeux vers la façade – c’est un moment important. Ce qui se tient là, dans cette rue de Bruxelles au bas du quartier Saint-Gilles, rue quelconque, rue insignifiante, rue reprisée comme un vieux bas de laine, est une maison de conte : cramoisie, vénérable, à la fois fantastique et repliée. Et déjà, pense Paula qui a mal aux cervicales à force de renverser la tête en arrière, déjà c’est une maison de peinture, une maison dont la façade semble avoir été prélevée dans le tableau d’un maître flamand : brique bourgeoise, pignons à gradins, riches ferrures aux fenêtres, porte monumentale, judas grillagé, et puis cette glycine qui ceint l’édifice telle une parure de hanches. Alors, exactement comme si elle entrait dans un conte, exactement comme si elle était elle-même un personnage de conte, Paula tire la chevillette, la cloche émet un tintement fêlé, la porte s’ouvre, et la jeune fille pénètre dans l’Institut de peinture ; elle disparaît dans le décor"
Une seconde partie, Le Temps revient, relate les premiers chantiers de Paula dans la rue de ses parents puis en Italie et particulièrement sur le site de Cineccita.
Puis une troisème partie Dans le rayonnement fossile, présente le travail de Paula chargée de travailler sur une réplique de la grotte de Lascaux.
Chaque découverte de Paula est l'occasion d'une analyse précise, fouillée, documentée sur les sites comme sur les matériaux ou sur les techniques artistiques de telle sorte que les lieux, matières, couleurs, les histoires se dessinent dans l'esprit du lecteur grâce aux mots comme ils se créent sous les princeaux "à lavis, les petit-gris à soies de porc, les épointés, les stripers, les effilés à hampe de bois en martre Kolinsky, le pinceau à laque en poils d’ours d’Alaska" de Paula Karst.
Finalement il semble bien que l'art du trompe-l'oeil soit aussi celui de l'auteure qui par son écriture nous rend présents voire palpables les marbres cerfontaine ou skyros, les dessins préhistoriques de Lascaux comme les décors de cinéma de Cineccita.
Si je n'en retenais qu'une phrase, ce serait peut-être celle-ci qui, bien qu'incomplète révèle cette tentative de la phrase de cerner une réalité complète pour la rendre palpable au lecteur :
"[...] elle repense à ce bleu que l’on obtenait au Moyen Âge dans des fioles emplies d’essence de bleuet coupée avec du vinaigre et « de l’urine d’un enfant de dix ans ayant bu du bon vin », et à cet outremer que l’on finit par utiliser aux premiers temps de la Renaissance en lieu et place de l’or, mais qui était plus éclatant que l’or justement, et plus digne encore de peinture, un bleu qu’il fallait aller quérir au-delà de la mer, derrière la ligne d’horizon, au cœur de montagnes glacées qui n’avaient plus grand-chose d’humain mais recelaient dans leurs fentes des gouttelettes cosmiques, des perles célestes, des lapis-lazulis que l’on rapportait dans de fines bourses de coton glissées sous la chemise à même la peau, les pierres pulvérisées à l’arrivée sur des plaques de marbre, la poudre obtenue versée dans un mortier puis mélangée selon la recette avec « du blanc d’œuf, de l’eau de sucre, de la gomme arabique, ou de la résine de prunier, de cerisier – de la merdaluna comme on disait alors à Venise – et broyée plus finement encore avec de l’eau de lessive, de la cendre, du sel d’ammoniac », avant d’être finalement filtrée dans une étoffe de soie ou de lin[...] "