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21 septembre 2020 1 21 /09 /septembre /2020 18:01

Je viens de finir ce nouveau roman de Yaa Gyasi dont j'avais beaucoup aimé le premier roman No Home.

Dans Sublime Royaume, on retrouve la cause des Africains, ici Ghanéens immigrés aux États-Unis mais cette fois à travers de courts chapitres qui vont et reviennent pour ressasser une petite trentaine d'années qui semblent pourtant presque insondables.

L'héroïne Gifty est née aux Etats-Unis, sa mère ayant gagné le "billet vert" pour quitter le Ghana et rejoindre les USA. Son père est aussi venu mais il n'a pas supporté les regards insistants, la disqualification sociale et finalement la nostalgie, il est retourné au pays et a refait sa vie. Le frère ainé de Gifty, né au Ghana, est arrivé aux USA avec sa mère et il y est resté. Gifty nous raconte alors comment ils sont passés de quatre, puis trois, puis deux, puis une. La survivante, c'est Gifty elle-même, jeune et brillante chercheuse  en neurologie, seule personne de couleur et seule femme de sa branche. Elle mène ses recherches par rapport à la question de l'addiction et à la possibilité de la faire cesser. Par ailleurs, élevée selon l’éducation de l’Église Pentecôtiste, elle a pris des distances mais elle continue à écrire à Dieu dans son journal. C'est qu'elle a bien besoin à la fois de la science et de Dieu pour faire face à la disparition de son frère, un sportif d'un bon niveau devenu dépendant des paradis artificiels suite à un accident. Elle doit  alors surmonter sa douleur et aussi celle de sa mère. Alors elle lutte et cherche dans la science une solution aux maux de l'âme. Elle sait pourtant à quel point cela exige de la précision. Elle a pu l'observer elle-même :

"Dans la stimulation cérébrale profonde, ou SCP, les zones du cerveau qui contrôlent le mouvement sont stimulées par des signaux électriques. On pratique parfois une intervention chirurgicale chez des personnes souffrant de la maladie de Parkinson afin d’améliorer leurs fonctions motrices. J’assistai à l’une de ces interventions durant ma première année de troisième cycle parce que je voulais voir comment la procédure se déroulait et savoir si elle pouvait être utile dans mes propres recherches. Le patient ce jour-là était un homme de soixante-sept ans chez qui la maladie de Parkinson avait été diagnostiquée six ans plus tôt. Il réagissait modérément aux médicaments, et le neurochirurgien, un collègue qui avait consacré une année sabbatique à la recherche dans mon labo, gardait le patient éveillé en plaçant soigneusement une électrode dans le noyau sous-thalamique avant d’activer le générateur d’impulsions. Je vis le tremblement affectant le patient, plus prononcé dans sa main gauche, se calmer. C’était un spectacle étonnant, comme si on avait perdu les clés d’une voiture pendant que le moteur tournait, et continuait à tourner, tourner. Puis, une fois les clés retrouvées, le contact coupé, le moteur s’arrêtait. « Comment ça va, Mike ? demanda le médecin. — Plutôt bien », dit Mike. Puis, incrédule : « Dites donc, ça va vraiment bien. » Quelques secondes plus tard, Mike s’était mis à pleurer. Des pleurs inconsolables, désespérés comme si le « ça va vraiment bien » n’avait été que le fruit de notre imagination. J’avais eu l’occasion d’être témoin d’un des problèmes associés à la SCP et à d’autres méthodes semblables, le fait que les aimants et les électrodes ne puissent faire la différence entre des neurones individuels. Le chirurgien déplaça alors l’électrode dans le cerveau de Mike d’un millimètre pour essayer de corriger la vague de tristesse qui l’avait soudain submergé. Cela avait fonctionné, mais que serait-il arrivé dans le cas contraire ? Un millimètre était tout ce qui séparait ce « vraiment bien » d’un chagrin incommensurable. Un millimètre dans un organe sur lequel nous ne connaissons pas grand-chose, en dépit de nos efforts."

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