Ce premier roman signé Romain Gary a été écrit entre 1941 et 1943 alors que son auteur combat comme aviateur des Forces Aériennes Françaises Libres sous son nom d'origine Roman Kacew. En 41, il est en Afrique du Nord et en 43, il est en Angleterre d'où il remplit des missions de bombardement avec la R. A. F. sur l’Allemagne.
L’action se déroule à Vilnius, ville d'origine de l'auteur, et dans la forêt près de cette ville en 1942-1943 pendant les combats de Stalingrad. Le jeune Janek Twardowski, âgé de 14 ans est envoyé par son père dans la forêt où un trou a été préparé pour mieux le protéger. Ses deux frères ont été tués par les Allemands, sa mère a été capturée et peu après, son père a été tué en cherchant à la libérer. Lorsqu’il rejoint les partisans, il suit son « éducation » qui consiste à apprendre toutes sortes de choses qui ne figurent pas dans les cursus d’institutions traditionnelles d’enseignement : survivre au froid et à la faim, aux bombes, aux massacres, tuer... Avec les Nazies c'est l'Europe de la culture qui disparait : la littérature, la musique, les grandes universités, l'humanisme.
Pourtant, Janek rencontre bien plus malheureux que lui : la jeune Zosia se prostitue pour soutirer vivres ou informations aux Allemands, mais elle y renonce par amour pour Janek ; le jeune juif Wunderkind, de son vrai nom Moniek Stern, est maltraité au milieu d’une bande de jeunes criminels à Vilnius. Pourtant, Stern « réhabilite » le monde en jouant de son violon devant Janek, et plus tard, lorsqu’il l’accompagne à la forêt, devant les partisans, mais il ne survit pas au froid de l'hiver en forêt. Janek rêve de paix et de musique, il écoute son ami Dobranski lire dans son cahier son livre en projet, Éducation européenne, et il entend au loin les canons de Stalingrad qui annoncent la victoire. "J'espère que je ne me ferai pas descendre avant d'avoir fini mon livre" confie-t-il à Janek comme en écho des circonstances dans lesquelles Gary a écrit ce livre. Le roman finit sur une paix retrouvée et une note d'espoir.
Extrait choisi : "Quand nous aurons des enfants, nous leur apprendrons à aimer et non à haïr.
- Nous leur apprendrons à haïr aussi. Nous leur apprendrons à haïr la laideur, l’envie, la force, le fascisme…
- Qu’est-ce que c’est, le fascisme ?
- Je ne sais pas exactement. C’est une façon de haïr. - Nos enfants n'auront jamais faim. Ils n'auront jamais froid.
- Ni faim, ni froid.
- Promets-le-moi.
- Je te le promets. Je ferai de mon mieux.
Ce roman nous parvient après plusieurs rééditions, en 44 en Angleterre, en 45 en France puis en 56 dans une nouvelle édition. Il comporte de nombreux récits en abyme et la figure mythique du partisan Nadedja, sorte de symbole de la résistance, revient à plusieurs reprises en leitmotiv. Ce n'est sans doute pas le meilleur roman de Gary, mais on y trouve déjà l'humanisme viscéral de cet auteur.