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7 janvier 2025 2 07 /01 /janvier /2025 14:56

Prix Goncourt 2024, ce livre a retenu mon attention et m'a été conseillé par une amie et pourtant… que j'ai eu du mal à le lire ! j'avoue, je ne l'ai même pas fini. Oui, je sais, il relate des faits réels, trop réels, qu'il convenait de raconter puisqu'à ce jour, il reste interdit, en Algérie, d'évoquer cette boucherie fratricide.

Dans une première partie, l'auteur fait parler une femme qui n'a plus de voix depuis que toute petite, elle a été égorgée, perdant ses cordes vocales. Cette rescapée parle à son enfant qui n'est pas encore né et dont elle ne souhaite pas la naissance. Elle ressasse sa rancœur et sa révolte, narguant l'imam qui officie juste à côté de son salon de coiffure jusqu'au jour où son salon est massacré par on ne sait qui.  J'ai trouvé cette voix d'une femme aphone difficile à supporter et finalement artificielle. 

Dans la seconde partie, Le Labyrinthe, la voix d'un homme, libraire ambulant, mais analphabète, se mêle à celle de cette femme. Cet homme est le seul rescapé de sa famille et depuis il roule, encore et encore de peur de s'arrêter et de faire face au malheur. Il ne peut pas écrire, mais il a une mémoire fabuleuse qui lui permet de dire pour chaque date quelles horreurs ont été perpétrées, envers combien de personnes et en quel lieu. Pour lui, la jeune femme est précieuse, car son cou fendu en un horrible sourire est une preuve vivante.

Bref, ce livre est plutôt qu'un roman, un témoignage sur l'indicible et, pour moi, l'insupportable. Comment peut-on comprendre une telle sauvagerie ? Comment la supporter ? Comment lire cela, tranquillement dans un fauteuil ou dans son lit ?

Extrait : "Je te parle et je te parle, alors que je devrais me taire, prendre ma petite voiture et aller inspecter l’état de mon salon de coiffure pour me changer les idées. Oh oui, j’en ai un, très fréquenté et qui me fait vivre. Depuis trois jours il est fermé, car mes deux apprenties sont rentrées chez elles. Durant cette semaine de l’Aïd, les femmes ne se coiffent pas et ne soignent pas leur corps. Elles se destinent aux cuisines et aux cuissons, au gras et aux entrailles des bêtes égorgées. Alors, je n’attends pas de clientes. Et sans clientes, je libère les deux filles qui me détestent un peu, m’aiment un peu, et m’imitent en se taisant en ma présence. J’en souris et ce sourire apparaît sincère, comparé à l’autre, sous mon cou, qui pétrifie les gens autour de moi comme du fil de fer barbelé. C’est la longue signature calligraphiée du meurtrier qui ne m’acheva pas faute de temps. Le fou rire du prophète qui voulut égorger son fils. Je te parle et je prolonge le délai dans ce beau ciel oranais, alors que je gagnerais à me taire et à te couper la tête une fois pour toutes. Avec trois pilules, ou des pinces froides, des sirops interdits, des coups de poing au ventre, en sautant à pieds joints pendant des heures, en avalant de l’acide, en chutant volontairement dans un escalier ou en mâchant des herbes bannies. Ne viens pas ici, dans ce pays, s’il te plaît !

Pars"

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