L'arrivée de la grand-mère chez sa fille provoque un grand moment de distraction dans la vie de toute la famille : de nombreuses péripéties se produisent car la grand-mère leur joue beaucoup de tours : à cause de sa maladie, parfois elle est persuadée que c'est la guerre, parfois elle pense que sa fille est sa mère...
C'est un livre assez intéressant et qui est facile à lire.
Extrait du roman (qui a aussi été mis en scène au théâtre) :
Avant, je ne remarquais pas les changements de saison. Avant ? Quand j'étais petite fille et que les saisons étaient rythmées par les jeux, les furieuses envies de jouets neufs, les achats de vêtements et de chaussures à la mode, le spectacle de l'école de danse, les anniversaires... Accessoires, soumises à mes désirs, les saisons n'étaient qu'une toile de fond sur laquelle se détachait ma précieuse petite personne. Enfant, on ne pense qu'à soi. Et puis un beau jour le décor s'anime, l'univers se met à exister à vos yeux, et vous dégringolent sur la tête tous les malheurs du monde, qui vous oppressent le cœur. C'est probablement cela, grandir.
Hier encore - façon de parler, hier : l'année dernière - je n'aurais pas su écrire de l'automne que cette saison balbutie, qu'elle hésite entre l'été et l'hiver, comme on hésite entre mettre ou enlever un pull. Et puis soudain, un dimanche, après que la tempête a soufflé pendant une semaine entière, vous rendant sourde et aveugle, le froid vous saisit. C'est un soleil pâle qui éclaire maintenant votre lucarne. Des raclements sur le toit vous intriguent. C'est papa qui nettoie les gouttières engorgées de feuilles mortes. Comment se peut-il que vous ne vous souveniez pas avoir vu ces feuilles s'envoler ? Frissonnant dans votre chemise de nuit, vous soufflez sur la vitre. Elle se couvre de buée et les peupliers déplumés, au fond de la prairie, semblent se diluer dans l'air comme un trait d'encre sur du papier buvard. Vous songez alors à votre mamie et une idée saugrenue vous vient à l'esprit. Mamie est un arbre et les feuilles étaient sa mémoire. La maladie les a détachées, comme les feuilles d'un éphéméride se détachent et s'envolent, dans les vieux films en noir et blanc, pour bien vous faire comprendre que le temps s'est enfui.
Extrait de la lettre de Hervé Jaouen à une élève du collège Rollinat de Brivela- Gaillarde.
[...] Oui, le livre s'inspire d'une réalité.
Celle que j'ai appelée Mamie-Mémoire était la Mamie de nos meilleurs amis avec qui
nous passons presque tous les week-ends et presque toutes nos vacances, en Irlande
principalement. C'est dire que ma femme et moi l'avons beaucoup fréquentée, puisque, quand elle a commencé à perdre la mémoire, elle est venue habiter une semaine sur deux chez la plus jeune de ses filles, notre amie.
[...] La maladie d'Alzheimer est un sujet grave. Alors comment le traiter sans trop de
gravité ?
Pendant plusieurs années, j'ai pris des notes. Nos amis ont pris des notes pour moi : ils
me racontaient les réparties de Mamie, ses nouvelles bêtises commises pendant la
semaine précédente.
Un jour, j'ai vu comment traiter ce sujet.
[...] Ceci dit, il est très rare que la réalité suffise à faire un livre. Il faut inventer, en plus.
Qu'est-ce que j'ai gardé ? Qu'est-ce que j'ai inventé ? La liste complète serait trop longue.
Grosso modo, j'ai gardé : le passé de Mamie (ses deux maris), sa beauté, son éducation, son humour (volontaire ou non ), le fait qu'elle ait été choyée par ses deux filles jusqu'à son dernier souffle, tout ce qui a trait à sa maladie et à son évolution...[...]
J'ai inventé les Dallas People. La famille de Mamie est exceptionnelle. Point de méchants. Or, il m'en fallait. Vous savez ce qu'on dit, plus les méchants sont réussis, meilleure est l'histoire. Dans presque toutes les familles il y a des conflits dans de telles
circonstances. Mes Dallas People existent ailleurs. Je n'ai pas totalement inventé l'histoire de la broche. Dans la réalité, c'était un collier.[...]
Continuez à lire. Ceux qui lisent seront sauvés. Je veux dire par là qu'ils ne s'ennuieront
jamais, qu'au fur et à mesure qu'ils liront, ils comprendront de mieux en mieux la complexité des âmes et leurs propres émotions."
Hervé Jaouen