Romain Gary alias Roman Kacew alias Émile Ajar est sans doute plus connu pour son autobiographie, La Promesse de l'Aube, et pour son roman, La Vie devant soi que pour ses nouvelles. Les six nouvelles présentées dans le recueil J'ai soif d'innocence dans la collection "Les contemporains classiques de demain" chez Larousse sont tirées du recueil Les Oiseaux vont mourir au Pérou, publié par Romain Gary en 1975 avec 15 nouvelles.
L'édition Larousse est une édition scolaire dans laquelle un appareillage scolaire très conséquent s'ajoute aux textes. On peut s'en servir ou l'oublier et se laisser porter par la lecture cursive. Les six nouvelles ont toutes un atout non négligeable : elles sont très courtes, de 130 à 500 lignes et réservent toutes une surprise en guise de chute. Elles sont aussi emplies des valeurs humanistes chères à l'auteur et teintées de son ironie.
"J'ai soif d'innocence" présente la quête d'innocence d'un narrateur fatigué des "fausses valeurs" de la civilisation, ses rêves semblent se réaliser sur cette île du Pacifique où il s'installe, avec la bienveillance d'une veille femme,Taratonga, pour commencer un nouvelle vie...
"Un humaniste" nous transporte à Munich, au moment où Hitler accède au pouvoir. Karl Loewy, un fabricant de jouets, jovial, bon vivant et doté d'une inébranlable confiance en la nature humaine, finit par se résoudre à se réfugier dans sa cave en attendant "la bonne saison". Ses domestiques se chargent d'apporter à leur patron nourriture, vin, nouvelles du dehors. Au début, il reçoit même les journaux et écoute la radio mais comme les nouvelles restent désespéreantes, il finit par y renoncer, ...
"Le faux" est une nouvelle qui se déroule dans le milieu huppé des marchands d'art qui achètent des Van Gogh et des Rembrandt. S... a acquis dans ce milieu la réputation d'un expert incontesté aussi lorsqu'il déclare que le Van Gogh acheté par Beretta est un faux, Beretta est furieux et menace S... : "Vous verrez que l'on apprend dans les rues de Naples des coups aussi foireux que dans celle de Smyrne" siffle-t-il avant de s'en aller....
"Citoyen pigeon" se passe à Moscou en 1932. Le narrateur et son associé Rakussen viennent de "subir à la Bourse de New-York des pertes désastreuses", ils quittent Wall Street pour l'URSS en quête de "valeurs nouvelles"...
"Tout va bien sur le Kilimandjaro" présente l'histoire de l'énigmatique et fabuleux Albert Mézigue. Ses concitoyens de Touchehagues, sur la route d'Aix, ont ouvert une salle de la mairie en guise de musée pour exposer "plus de mille cartes postales envoyées de tous les coins du monde" par cet "illustre pionnier de la géographie et conquérant des terres vierges" mais qui était réellement Albert Mézigue et pourquoi envoyait-il ainsi des cartes à tous ses concitoyens, sans même oublier son rival en amour ?
"Je parle de l'héroïsme" est l'histoire du narrateur, conférencier littéraire, invité à l'Institut français d'Haïti pour faire une conférence sur un sujet de son choix. Sans hésiter, il choisit l'héroïsme. Il réussit une brillante prestation devant un public de choix mais il est frappé par l'attention particulière d'une personne au premier rang. Lorsqu'il quitte l'estrade à la fin de son discours, cette personne vient vers lui, c'est le docteur Bonbon, il est chargé de transmettre au narrateur une demande particulière de ses lecteurs...
Ces nouvelles sont à la fois modernes, variées, imprévisibles, elles illustrent parfaitement le genre de la nouvelle à chute et peuvent constituer de jolis tremplins vers l'écriture.