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7 octobre 2019 1 07 /10 /octobre /2019 21:14

Ce roman est le récit d'un deuil et pas n'importe lequel, celui d'un père, alcoolique, autrefois violent,

négligeant, sale, handicapé, ex informaticien.  Or voilà que cette disparition bouleverse le héros ou l'héroïne, au moins celui ou celle qui raconte.  Le deuil se prolonge jusqu'à la fin du roman où l'on assiste à la réconciliation avec le frère qui, lui, avait pris ce décès avec détachement.

Or dans ce livre, l'essentiel semble se trouver entre les lignes, dans une zone de l'implicite suggéré.

extrait choisi :

"Ma joie de vivre s’était affaissée comme un vieux pont un jour de crue et je ne pouvais que constater les dégâts en attendant des réparations dont je savais qu’elles prendraient des mois. Pour qui exister et agir désormais ? Vers quoi tendre, à qui s’adresser et quelle direction prendre depuis le milieu de rien ? Ça donnait le vertige. Heureusement, pour m’accompagner dans cette chute, je disposais tout de même de ses trois importants conseils principaux :

  1. 1.Le temps passe, tu sais.

  2. 2.La vie est comme la corde d’un instrument : pas assez tendue elle sonne faux, trop tendue elle casse.

  3. 3.Tout s’enchaîne, tout a une conséquence, et si tu fais pas gaffe, en deux minutes, t’es baisé."

Premier roman de cette écrivaine, c'est à n'en point douter un roman largement autobiographique. J'ai personnellement eu quelques difficultés à m'y intéresser.

 

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27 septembre 2019 5 27 /09 /septembre /2019 15:35

Mass critique Babelio et les éditions Thélème m’ont conduite à de curieuses expériences.

Une dizaine de textes/chansons/poèmes de Mâya HEUSE-DEFAY accompagnés et parfois comme engendrés par la musique de Quentin POURCHOT se succèdent pour laisser ici entrevoir un peu sans doute de ce que Rimbaud dans son « Alchimie du verbe » craignait de ne pas atteindre : le dérèglement de tous les sens, l’hallucination, la voyance. Ici j’ai cru les retrouver dans « C’est, C’était », appel au secours d’une personne à terre au milieu d’un festival, personne ne l’entend, il n’arrive pas à crier ou dans « Évaporation neuronale » avec « J’ai le verbe solitaire et le stylo qui fuit, Phèdre prend racine de mes anesthésies, comme c’est épique ! » ou encore dans « Elise à la grise mine » qui nous transporte dans le rêve d’Elise à la manière d’un « Bateau ivre » et plus encore dans « Joëlle » où la perte d’identité le mal être l’errance aboutissent à un cri « Je veux flirter avec le chaos du désordre » !

Mais à chacun son époque et la verve rimbaldienne contre les bourgeois de Charleville cède ici la place à des textes incisifs et caustiques comme « Je n’atariemp lup altar » contre les « technogogos téléguidés » qui « se câme au toc » et « baissent l’échine, esclaves de la machine » ou « coïto  ergo soy orgasum un vito veritas ejaculum »  qui caricature le monde  du selfie et des réseaux sociaux ou « No pain, No gain (objet) », blason moderne d’une femme d’aujourd’hui totalement artificielle.

J’ai bien aimé aussi « Les Têtes », tourbillon de mots autour des têtes, où j’ai retrouvé cette fois la fraîcheur et la fantaisie d’un Prévert.

En somme, une belle découverte, pleine d’inattendu !

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27 juillet 2019 6 27 /07 /juillet /2019 20:42

On retrouve ici l’écrivain Nathan Zukerman sorte d’alias de l’auteur déjà rencontré dans J’ai épousé un communiste et dans La Contrevie. Cette fois encore il collecte des témoignages.

Celui de Coleman Silk, soixante-et-onze ans, doyen de l’université d’Athéna et professeur de Lettres Classiques, mis au ban deux ans plus tôt pour une accusation de racisme puis décrié pour sa liaison avec une jeune femme de trente-quatre ans, illettrée, Faunia. On découvrira finalement qu’il vit depuis sa jeunesse dans le mensonge puisqu’il se fait passer pour un blanc alors qu’il ne l’est pas vraiment.

Celui d'Ernestine, le soeur de Coleman qui fera de nouvelles révélations.

Celui de Lester Farley, enfin, l’ex-mari de Faunia, un homme violent qui fait trembler ceux qui croisent son chemin. Nathan Zukerman est persuadé qu’il a provoqué la mort de Faunia et de Coleman mais lorsqu’il le rencontre et parvient à le rencontrer, celui-ci lui explique qu’il vit désormais à l’écart du monde, « près de Dieu » car il a souffert de STPT « Stress et Troubles Post-Traumatiques » depuis son retour du Vietnam et que cela l’a conduit à faire beaucoup de mal, notamment à Faunia. Il reste meurtri et amer, « ça, le gouvernement, il vous le dit jamais. Ils vous disent ce qu’ils veulent bien vous dire. C’est jamais Willie l’Anguille qui se fait prendre. C’est le gars qui est parti pour servir son pays. A tous les coups. » dit-il. Zukerman le craint encore mais son isolement volontaire à la pêche sur un lac gelé ne semble pas propice à la violence.

Mais le récit ne se réduit pas à ce que Nathan Zukerman nous apprend : notamment il permet de découvrir aussi les tribulations d’une jeune parisienne en Amérique : Delphine Roux, ex élève d’Henri IV, diplômée de l’École normale supérieure de Fontenay et de Yale. Celle-ci, pétrie d’ambition, veut avant tout réussir pour montrer à sa mère qu’elle peut réussir brillamment seule, sans sa famille mais elle se trouve bien seule dans ce pays : « Elle qui est si fière de parler l’anglais couramment, qui le parle en effet couramment, elle ne parle pas la langue, en fait. Je crois que je les comprends, et je les comprends. Ce que je ne comprends pas, ce n’est pas ce qu’ils disent, c’est tout ce qu’ils ne disent pas, quand ils parlent. Ici, elle ne se sert que de cinquante pour cent de son intelligence, alors qu’à Paris elle comprenait chaque nuance. Quel est l’intérêt d’être intelligente, ici, puisque du fait que je ne suis pas du pays, je deviens bête ipso facto... Elle se dit que le seul anglais qu’elle comprenne vraiment bien — non, le seul américain —, c’est l’américain universitaire, qui n’est guère américain justement. »

 

Dans ce roman véritablement foisonnant, la vie en Amérique en 1998 est examinée à travers le kaléidoscope d’un regard ou des discours d’une multitude de personnages, mais l’enjeu est exprimé avec véhémence : « La force des convenances est protéiforme, leur domination se dissimule derrière mille masques : la responsabilité civique, la dignité des wasps, les droits des femmes, la fierté du peuple noir, l’allégeance ethnique, la sensibilité éthique des Juifs, avec toute sa charge émotive. » « Un siècle de destruction sans précédent dans son ampleur vient de s’abattre comme un fléau sur le genre humain — on a vu des millions de gens condamnés à subir privations sur privations, atrocités sur atrocités, maux sur maux, la moitié du monde plus ou moins assujettie à un sadisme pathologique portant le masque de la police sociale, des sociétés entières régies, entravées par la peur des persécutions violentes, la dégradation de la vie individuelle mise en œuvre sur une échelle inconnue dans l’histoire, des nations brisées, asservies par des criminels idéologiques qui les dépouillent de tout, des populations entières démoralisées au point de ne plus pouvoir se tirer du lit le matin, sans la moindre envie d’attaquer leur journée... voilà ce qui aura marqué le siècle, et contre qui, contre quoi, cette levée de boucliers ? Faunia Farley. Ici, en Amérique, on prend les armes contre Faunia Farley ou Monica Lewinsky ! »

Quelques pages cependant nous tiennent à l’écart du brouhaha du monde et sont pleines de poésie : celles de la pêche de Lester en montagne sur le lac gelé ou celles de la traite des vaches par Faunia ou encore celles de l’apologie des corneilles par Faunia :

"Des beaux oiseaux. Ensuite je me suis installée ici, et vu que j’étais seule, que je le suis toujours, je me suis mise à connaître ces corneilles comme jamais avant. Et elles à me connaître. Leur sens de l’humour. C’est de l’humour, chez elles ? Peut-être pas, mais moi, en tout cas, c’est ce que j’y vois. Leur démarche. Leur façon de se cacher la tête sous l’aile. De m’engueuler quand j’ai pas de pain à leur donner. Allez, Faunia, va chercher le pain. Elles ont une démarche majestueuse. Elles font la loi aux autres oiseaux. Samedi, j’ai fait un brin de causette avec une buse à queue rousse, dans Cumberland Street, et puis je suis rentrée et j’ai entendu deux corneilles, derrière, dans le verger. J’ai compris qu’il y avait du grabuge. Elles poussaient leur cri d’alarme. Et en effet, j’ai vu trois oiseaux, deux corneilles qui croassaient et qui faisaient déguerpir la buse. C’était peut-être celle à qui je venais de parler. Elles la chassaient. C’est vrai que la buse avait l’air de préparer un mauvais coup. Mais s’en prendre à une buse, tout de même, je vous demande un peu ? Ça les pose auprès des autres corneilles, mais, moi, je sais pas si j’oserais. Même à deux, se prendre une buse. C’est qu’elles sont agressives, ces bestioles. Vachement teigneuses. Un bon point pour elles. J’ai vu une photo, un jour, d’une corneille qui allait carrément chercher la bagarre à un aigle en lui aboyant dessus. Tu penses que l’aigle, il en avait rien à secouer, il la voyait même pas. Mais c’est un sacré numéro, la corneille. Cette façon qu’elle a de voler. Elle est pas aussi jolie que le grand corbeau, quand il vole, qu’il fait tous ces loopings, ces acrobaties merveilleuses. Elle a ce long fuselage à faire décoller, et pourtant, elle a pas besoin de courir pour prendre son élan. Il lui suffit de quelques pas. J’ai observé ça. C’est plutôt une question d’effort, elles font un effort énorme, et elles s’arrachent."

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20 juillet 2019 6 20 /07 /juillet /2019 18:23

Paru en 2018 et couronné la même année des prix Fémina et Renaudot, ce livre est le récit d’une lente et patiente reconstruction physique mais aussi d’une lente et patiente quête d’une identité nouvelle qui puisse enfin être habitée.

 

L’attentat contre Charlie Hebdo le 7 janvier 2015 est l’élément déclencheur ; l’auteur en sort plus mort que vif, L’acharnement des chirurgiens de La Pitié-Salpêtrière parvient au prix de dix-sept opérations au moins à remettre l‘auteur dans le monde des vivants, presque de force ! Il faudra encore plusieurs mois aux Invalides et l’entêtement des kinésithérapeutes et psychiatres puis la remise à neuf de son appartement pour enfin tirer l’auteur vers la vie. Il est tout juste tiré d’affaire quand lui parvient lors de son séjour à New-York la nouvelle de l’attentat du Bataclan le 13 novembre 2015. Et le récit s’achève là. Ces onze mois racontés en 512 pages sont donc la traversée du désert dans ce qu’il a de plus concret et de plus aride, Pas de place pour autre chose que la réalité: «Si écrire consiste à imaginer tout ce qui manque, à substituer au vide un certain ordre, je n’écris pas : comment pourrais-je créer la moindre fiction alors que j’ai moi-même été avalé par une fiction ? Comment bâtir un ordre quelconque sur de telles ruines ? Autant demander à Jonas d’imaginer qu’il vit dans le ventre d’une baleine au moment où il vit dans le ventre d’une baleine. » (p 93).

 

Pourtant outre l’indéfectible présence de son frère, de ses parents, de ses proches, de l’équipe médicale, le monde de la fiction ou au moins celui de la création littéraire et artistique constitue pour l’auteur une sorte de viatique : La mort de la grand-mère dans Le Côté de Guermantes relue avant chaque descente au bloc opératoire puis La Montagne magique de Thomas Mann, les pages où « où les morts sont descendus dans la neige sur des bobsleighs », les lettres de Kafka à Milena Jesenská, l’art de la fugue de Bach, les tableaux de Vélazquez… « Ma seule prière passait pour l’instant par Bach et Kafka : l’un m’apportait la paix, et l’autre, une forme de modestie et de soumission ironique à l’angoisse. » dit-il p 274. Tout cela accompagne l’auteur dans son parcours de douleur et le lecteur dans sa lecture.

 

Extrait : « Le lundi 2 février, je lis la mort de la grand-mère et je descends au bloc, dans l’après-midi. Comme l’attente n’en finit pas, je lis aussi quelques pages de La Montagne magique, celles où les morts sont descendus dans la neige sur des bobsleighs. Je ferme les yeux. Je suis chacun d’eux. La neige sur laquelle ils glissent a une odeur faite de cire chaude, de gazole et de tilleul menthe. Peu après être remonté du bloc, c’est la panique autour de moi : la saturation baisse, le pouls s’accélère, je sue comme la neige fond, je ne parviens pas à respirer, l’interne ne sait pas quoi faire. Mon père et mon frère me regardent, bras ballants, très pâles, littéralement interdits. J’ai le sentiment de descendre dans un puits humide et chaud, sans air. C’est épouvantable et c’est enivrant. C’est mystérieux et c’est intéressant. En me jouant des tours, mon corps m’initie. En m’échappant, il m’appartient. J’observe la descente que je subis, je me sens le père de mon père et l’ancêtre du frère dont je dépends. »

 

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10 juillet 2019 3 10 /07 /juillet /2019 15:12

Ce roman paru chez Acte Sud en 2012 raconte en trois parties constituant trois étapes de son itinéraire les aventures et mésaventures du jeune Lakhdar.

Un héros attachant, une odyssée fabuleuse et une enquête/découverte sur ces années 2011 2012 traversées par de grands mouvements de contestation et l’émergence d’extrémismes violents, voilà de quoi bien remplir quelques heures de lecture.

Lakhdar est originaire d’un bas quartier de Tanger, d’un père rifain et d’une mère arabe de Tanger. Lorsqu’il est surpris dans ses ébats amoureux avec sa cousine Myriem, il est violemment battu par son père et rejeté par tous. Il s’enfuit pour ne plus jamais revenir. Il traverse une période difficile d’errance. Ses consolations : les balades au détroit avec bière et kif, son ami Bassam et les romans policiers français achetés chez le bouquiniste. Il trouve un logis et un travail de libraire grâce à Bassam dans le « groupe musulman pour la Diffusion de la Pensée coranique » dirigé par le Cheik Nourredine. Toutefois les activités du groupe auquel appartient son ami Bassam l’inquiètent. Un jour ils disparaissent lui laissant une coquette somme d’argent.
Lakhdar poursuit donc son itinéraire et son goût pour les livres et pour les langues lui permet une nouvelle fois de trouver un travail dans la zone franche de Tanger : il numérise au kilomètre des livres et avis de décès datant de la grande guerre.  Plus tard son patron lui trouve un travail sur les ferries qui font des allers retours Tanger / Algesiras car Lakhdar rêve de retrouver Judit la jeune espagnole dont il s’est épris. Il mène sur ces navires une existence bien difficile jusqu’au jour où son navire est confisqué car les armateurs ont des dettes. Lakhdar grâce à un ami marin réussit à entrer en Espagne mais le travail qu’il trouve est encore plus difficile que le précédent et son patron le traite comme un esclave. Pourtant il réussit à s’échapper et à atteindre Barcelone où il s'installe, rue des Voleurs. Il y retrouve Judit et même plus tard le cheik et Bassam!
Durant tout son périple le souvenir d’Ibn Batouta accompagne Lakhdar tout comme les aventures de Casanova et celles de ses romans policiers mais c’est aussi le contexte historique de ses aventures qui donne au roman un riche arrière plan : le printemps arabe qui parcourt la Tunisie, l’Égypte, la Libye et se poursuit en Syrie, la montée de l’extrémisme et la multiplication des attentats, le mouvement indignados en Espagne.

extrait:

"Pour toute trace matérielle de mon enfance, il me reste les deux photos que j’ai toujours gardées dans mon portefeuille, une de Meryem petite, en vacances au village, assise contre un arbre, et une autre de ma mère avec ma petite sœur Nour dans ses bras. Rien de plus. Je me suis longtemps demandé ce qui se serait produit si, au lieu de fuir toujours plus loin, au lieu d’essayer d’échapper aux conséquences de mes actes j’étais retourné chez mes parents, si j’avais insisté, si j’avais essayé de m’imposer coûte que coûte, de faire pénitence, d’accepter tous les châtiments, toutes les humiliations, je me suis longtemps demandé s’ils auraient fini par me reprendre, si j’aurais pu retrouver une place auprès d’eux. Très certainement la question ne se pose pas, il faut accepter les voyages, qui sont l’autre nom du Destin. Comme ces soldats de 1914, partis de leurs villages ou de leurs douars sans savoir ce qui les attendait, le 21 septembre 2011 je grimpais sur le ferry Ibn Batouta de la compagnie Comanav-Comarit au port de Tanger Méditerranée pour ma première traversée du Détroit en direction d’Algésiras, en tant que serveur au bar et homme à tout faire, enfin surtout homme à tout faire. Mousse, quoi. Le nom du navire, Ibn Batouta, me semblait un Signe, un bon présage."
 

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5 juillet 2019 5 05 /07 /juillet /2019 18:08

Dans ce récit biographique, Patrick Deville nous fait découvrir un inconnu qui a pourtant libéré le monde de la peste, fait avancer les connaissances sur la tuberculose et la diphtérie, un Suisse naturalisé français devenu citoyen d’honneur du Vietnam, un bactériologiste mais aussi explorateur qui a côtoyé Pasteur, son maître, mais aussi Doumer, le président de la république Calmette, l’inventeur du BCG contre la tuberculose et bien d’autres célébrités.

Il faut dire que ce génie ne s’était pas lancé dans la course aux honneurs. Loin des agitations du monde occidental il préférait se créer un paradis pour lui tout seul à Nha Trang où il peut s’adonner à ses diverses passions : la photographie, la météorologie, l’élevage des volailles, la culture des glaïeuls et autres fleurs venues de loin, la culture de l’hévéa qui lui permet de fournir en caoutchouc les usines Michelin en plein essor, la culture du cacao, du café et aussi du cinchona d’où l’on extrait la quinine pour combattre le paludisme. Alors le siècle « vaurien » peut bien tourner en siècle des « barbarie », Alexandre Yersin pour ses explorations en solitaire, loin de l’agitation du monde.

Pourtant ce génie solitaire a vécu une partie de sa vie au temps de Rimbaud ou de Céline et l’auteur se plaît à nous le rappeler, évoquant le jeune Rimbaud qui après avoir « dynamité la poésie » « convoie à dos de chameau deux mille fusils et soixante mille cartouches pour le roi Ménélik en Abyssinie. Celui-là qui fut un poète français promeut l’influence française, s’oppose aux visées territoriales des Anglais et des Égyptiens menées par Gordon. », Rimbaud l’auteur d’un Projet de constitution Communiste et qui avait publié un rapport de son exploration de l’Afrique à la Société de Géographie !

De Céline, on découvre que comme Yersin, il est pasteurien, il a été formé comme médecin à l’institut Pasteur de Paris, il a aussi mené des recherches sur les algues à Roscoff avant de se retirer pour écrire Voyage au bout de la nuit.

L’auteur se plaît à se présenter comme « un enquêteur, un scribe muni de son carnet à couverture en peau de taupe, un fantôme du futur sur les traces de Yersin ». Mais à travers cette biographie, Patrick Deville nous fait revivre tout une époque de cette fin XIXe s et première moitié du XXe siècle. La lecture n’est cependant pas un long fleuve tranquille car l’auteur se plait à bousculer la chronologie, au risque de perdre son lecteur.

« À mi-chemin du retour vers Nha Trang, à Suôi Giao, aujourd’hui Suôi Dầu, une grille peinte en bleu à l’entrée d’un champ, un cadenas, un numéro de téléphone à composer pour alerter le gardien. De l’autre côté, un berger au chapeau conique et long bâton mène un troupeau de moutons qu’accompagnent de grands oiseaux blancs. Le chemin vers la ferme expérimentale longe des lantanas en fleurs, de la canne à sucre, du tabac, du riz en herbe. Puis c’est un raidillon pavé au bord duquel des paysans manient métaphoriquement la faux. La tombe bleu ciel en haut d’une petite colline. Aucun signe d’obédience. Cette seule formule en capitales :

ALEXANDRE YERSIN

1863 – 1943

À gauche un pagodon orange et jaune piqueté de bâtonnets d’encens. Les deux mètres carrés bleu ciel de territoire vietnamien qui furent au milieu du royaume. Il a trouvé ici le repos, trouvé le lieu et la formule. On pourrait écrire une Vie de Yersin comme une Vie de saint. Un anachorète retiré au fond d’un chalet dans la jungle froide, rétif à toute contrainte sociale, la vie érémitique, un ours, un sauvage, un génial original, un bel hurluberlu. »

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26 juin 2019 3 26 /06 /juin /2019 10:52

Paru en 2013, ce roman de Thomas B Reverdy plonge son lecteur dans l’atmosphère trouble et singulière d’un Japon encore englué dans la triple catastrophe de 2011, séisme, tsunami puis catastrophe nucléaire de Fukushima et empêtré dans l’univers économicopolitique corrompu, dirigé d’une main de fer par les   des yakusas.

C’est dans ce contexte, que les laissés-pour-compte du système s’entassent dans le quartier des travailleurs pauvres de San’ya à Tokyo où chaque matin, ils tentent de décrocher un travail pour la journée : ceux qui viennent du Nord, de la zone désormais interdite, ont « le privilège » d’être choisi en priorité pour aller faire les travaux de dégagement dans la zone interdite, de devenir « nettoyeurs », munis de gants et de bottes ! C’est dans ce contexte aussi que s’accélère une tradition ancestrale de l’évaporation : des hommes quittent leur famille, leurs amis, leur travail, seuls, sans crier gare et sans intention de retour, pour toujours or ni la police, ni qui que ce soit d’autre ne les recherche, ils sont évaporés, c’est tout, leur famille doit vivre avec ce mystère et cette honte. « Ceux que nous appelons ici johatsu remonte à l’époque Edo. Les criminels ou les gens qui avaient une dette d’honneur allaient se purifier aux sources du mont Fuji. Il y a là des sources chaudes et des établissements de bains, ce sont des villes d’hôtels. Ils prenaient une auberge, ils entraient dans les bains de vapeur et ils disparaissaient. C’est pour cela qu’on les appelle des évaporés. Peut-être certains se suicidaient en prenant le chemin de la forêt. Mais d’autres réapparaissaient, quelques années plus tard, ailleurs ». Or l’évaporé amène la honte sur sa maison et pour cette raison des étudiants se font payer pour occuper leur logis, le temps qu’il redevienne assez « propre » pour être de nouveau loué ou vendu.

Kazechiro, justement doit s’évaporer suite à des malversations financières qu’il a faites sans savoir qu’il était manipulé et qu’il s’agissait de malversations. Nous le voyons quitter sa maison avant le lever du jour et nous le suivons dans ses pérégrinations, devenir Kaze et monter son entreprise de nettoyeur puis une agence d’évaporateur. Il est accompagné une partie de son chemin par Akainu, un jeune garçon qui lui aussi fuit les yakusas car il a été témoin du meurtre de son ancien patron. Cet enfant est seul car il a perdu la trace de ses parents lors de la catastrophe. Nous suivons aussi de retour de Yukiko, la fille unique de Kazechiro, installée depuis de nombreuses années à San Francisco. Elle arrive avec son ex-petit-ami, Richard, poète et détective. Tous deux sont bien décidés à retrouver Kazechiro et la mère de Yukiko sait bien que personne d’autre ne le cherchera.

En réalité, tandis que Richard mène une enquête improbable, perdu dans un pays dont il ne connaît ni la langue, ni les mœurs, Yukiko redécouvre ses racines et les traditions ancestrales de son pays. Cela nous offre de belles pages de pure poésie.

Un rêve à Kyoto


Vous êtes à Kyoto. La ville serpente, elle s’étale – ses immeubles ne sont jamais très hauts – la ville se répand comme de l’eau qui aurait fini par remplir une vallée plus plate et plus grande que les autres, s’arrêtant de tous côtés aux pentes des montagnes. Des collines boisées la trouent tels des îlots. C’est un lac.

Il flotte dans l’air un parfum d’iris et de jasmin. Ce n’est pas normal en hiver.

On dirait une odeur de femme.

Vous marchez dans la brume scintillante du petit matin, dans un quartier de machiya en bois, petites maisons carrées dont l’étage avance légèrement sur la rue, au-dessus d’un jardin nain, sorte de vestibule constitué d’un camélia et de quelques fleurs en pots, devant l’entrée. Certaines habitations arborent des lanternes de papier qui s’éteignent une à une à la fin de la nuit. Des kakémonos de tissu blanc calligraphiés au nom du propriétaire de la boutique ou de l’auberge ondulent devant des portes à claire-voie qui ne s’ouvrent pas mais coulissent, s’effacent, ainsi que les parois de la maison et les fenêtres toujours closes, le shoji rond et jaune de la chambre où filtrent, au soir et à l’aurore, une lumière douce qui vient de l’intérieur, et des ombres japonaises.

Un peu plus loin vous apercevez un pont arqué sur un canal au lit de pierres à peine plus gros qu’un ruisseau, ondulant au milieu de deux allées d’arbres qui se penchent, allongent démesurément leurs branches du côté de l’eau comme des bras suppliants étirés à quelques dizaines de centimètres de leur but.

Ce sont les cerisiers qui penchent, les saules sur le pont ne font que pleurer.

Ce n’est pas vraiment une rue. Malgré les pavés qui la tapissent et luisent en reflétant la brume, on dirait un chemin qui court. Il s’enfonce entre les maisons vers un passé sans âge.

Il n’y a personne dans ce quartier à cette heure le long de ce canal, sous ces frondaisons, par ce froid, dans cette lumière grise étale, sur ces pavés luisant de brume, personne, il n’y a que vous et les fantômes de la capitale.

Les temps se brouillent et s’empilent. C’est peut-être la brume. Ou c’est peut-être les noms qui sont restés les mêmes depuis si longtemps. Héian n’est plus qu’un temple aujourd’hui. Ce fut, sous le nom de Héian-kyo, pendant mille ans, la capitale d’un empire qui se déchire. À l’ère Muromachi – aujourd’hui devenue une artère longeant la Kamo River –, les quartiers de Kamigyo et de Shimogyo qui se partagent encore la ville se dessinent, ce sont les quartiers des deux armées des daimyo qui s’affrontent, manœuvrant pour faire et défaire les shoguns. Samouraïs et paysans armés de lames courbes, d’arcs longs, déferlent dans les rues. Ils portent des armures légères articulées de couleurs vives, des sabres forgés à Bizen et des poignards sans garde passés dans leurs ceintures. Vous les voyez, leurs casques surmontés de croissants de lune, d’ailes ou de bois de cerf, semblables à des cornes. Ils passent en hurlant, grimaçant, la bouche ouverte tordue, les yeux ronds comme les statues des généraux célestes, sur leurs chevaux au triple galop, les pieds fermement campés dans leurs étriers en forme de socques de bois recourbés, ils se dressent, l’épaule gauche penchée sur la crinière qu’ils tiennent d’une main fermée sur des rênes courtes en tissu, l’autre bras tendu à l’horizontale portant sabre au clair, dont le fourreau laqué fait une sorte de flèche à leurs ceintures, dans leurs dos. À cette vitesse ils pourraient décoller des têtes sans même s’en apercevoir, passant au travers comme de la brume.

Pourtant vous n’avez pas peur, ce ne sont que des spectres. » (p 97 à 99) 

Kaze pourra longtemps poursuivre son activité au Nord, sans papiers et sans la moindre reconnaissance officielle, à moins que ses nouvelles habitudes de toujours fumer les cigarettes par deux, alliée à ses allers-retours dans le Nord ne mettent un terme à son exil, le roman ne le dit pas.

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15 juin 2019 6 15 /06 /juin /2019 09:10

Voyage de noces a été publié en 1990 soit sept ans avant Dora Bruder. De la même manière dans les

deux œuvres, il est question d’une jeune femme juive qui s’est enfuie de chez elle et pour laquelle est paru dans un journal un avis de recherche. Dans les deux cas, le père de la jeune femme est déporté, dans les deux cas aussi, le narrateur enquête mêlant sa vie personnelle à la vie de son héroïne. Comme dans Dora Bruder, le récit se déroule dans les années sombres de la guerre 39 45 à Paris.


Toutefois Voyage de noces n’est pas Dora Bruder  : le récit de la vie de l’héroïne, Ingrid, est le sujet de l’enquête menée par le narrateur mais celui-ci parvient à rencontrer Ingrid à au moins deux reprises. De plus, à l’aide de quelques documents trouvés, il parvient à reconstituer l’histoire d’Ingrid pendant de très nombreuses années.

Cette histoire reste plein de non-dits, de trous, de pistes jamais vraiment explorées, de suggestions jamais confirmées.  Rigaud , l’homme qui accompagnait Ingrid en soi-disant voyage de noces à Juan les pins en zone libre, est lui aussi revu plusieurs années plus tard à Juan les pins mais ensuite disparu sans que cela étonne d’autres que le narrateur.

« La lampe projetait des ombres sur les murs, et j'aurais pu croire que mon rêve continuait si j'avais été seul. Mais la présence de cet homme me semblait bien réelle. Et sa voix sonnait, très claire. Je me levai.

« Vous avez déjà des couvertures... »

Il me désignait les plaids écossais qui recouvraient les lits.

« Ils ont appartenu à M. Rigaud ? ai-je demandé.

– Certainement. C'est la seule chose qui est restée ici, à part les lits et l'armoire.

– Alors, il vivait ici avec une femme ?

– Oui. Je me souviens qu'ils habitaient là quand il y a eu le premier bombardement sur Paris... Tous les deux, ils ne voulaient pas descendre à la cave... »

Il vint s'accouder à côté de moi, à la fenêtre. Le boulevard Soult était désert et il y soufflait une brise.

« Vous aurez le téléphone, dès le début de la semaine prochaine... Heureusement, l'eau n'est pas coupée et j'ai fait réparer la douche dans la cuisine.

– C'est vous qui entretenez l'appartement ?

– Oui. Je le loue de temps en temps pour me faire un peu d'argent de poche. »

Il aspirait une longue bouffée de cigarette.

« Et si M. Rigaud revenait ? » lui ai-je demandé

Il contemplait le boulevard, en bas, d'un air songeur.

« Après la guerre, je crois qu'ils habitaient dans le Midi... Ils venaient rarement à Paris... Et puis, elle a dû le quitter... Il est resté seul... Pendant une dizaine d'années je le voyais encore de temps en temps. Il faisait des séjours ici... Il venait chercher son courrier... Et puis, je ne l'ai plus revu... Et je ne crois pas qu'il reviendra. »

Le ton grave sur lequel il avait prononcé cette dernière phrase m'a surpris. Il fixait un point, là-bas, de l'autre côté du boulevard.

« Les gens ne reviennent plus. Vous ne l'avez pas remarqué, monsieur ?

– Si. »

J'avais envie de lui demander ce qu'il entendait par là. Mais je me suis ravisé.

« Au fait, dites-moi si vous avez besoin de draps ?

– Je ne vais pas encore passer la nuit ici. J'ai toutes mes affaires à l'hôtel Dodds.

– Si vous cherchez quelqu'un demain pour votre déménagement, nous sommes là, moi et mon ami garagiste.

– Je n'ai presque pas de bagages.

– La douche marche bien, mais il n'y a pas de savon. Je peux vous en monter tout à l'heure. Et même du dentifrice...

– Non, je vais passer encore une nuit à l'hôtel...

– Comme vous voulez, monsieur. Il faut que je vous donne la clé. »

Il sortit de la poche de son pantalon une petite clé jaune qu'il me tendit.

« Ne la perdez pas. »

Était-ce la même clé dont se servaient, il y a longtemps, Ingrid et Rigaud ?»

Le narrateur lui-même, Jean B., a organisé sa propre disparition en prétendant partir à Rio dans le cadre de son travail d’explorateur alors qu’il faisait un aller retour à Milan où une femme vient de se suicider, sans doute Ingrid ou en se cachant à Paris passant d’un hôtel à l’autre mais se glissant parfois en secret dans son appartement Cité Véron ! Au passage on peut observer que le héros de Sérotonine de Michel Houellebecq exploite lui aussi ce stratagème !
Modiano est passé maître dans ce jeu du secret, de la vérité cherchée et voilée, des temps mêlés et des espaces labyrinthiques dans L’univers interlope de la guerre 39 45 avec ses espions, ses rapaces, son marché noir, le monde du luxe, des artistes et le sort les juifs. C’est un ensemble qui donne la marque de l’auteur et permet de saisir pour quoi il a cumulé prix Goncourt et prix Nobel.

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9 juin 2019 7 09 /06 /juin /2019 21:46

3 raisons/3 mn par Axel, 4D

extrait choisi :

La mise en réseau de supercalculateurs dispersés partout sur la planète allait donner naissance à la première véritable intelligence artificielle digne de ce nom. Une fois ses performances testées, on lui confierait la gestion globale des communications et de la distribution d’énergie. La plupart des gouvernements avaient signé un accord de coopération internationale, ratifié par les grandes entreprises qui y trouvaient leur compte – toujours plus d’efficacité engendrant toujours plus de profit.Cette révolution technologique garantissait la paix et la stabilité des générations futures, clamait-on haut et fort.

Quand Tomi avait fait part de son scepticisme, on lui avait rétorqué qu’une kyrielle de systèmes de sécurité était censée empêcher tout dysfonctionnement.Et voilà aujourd’ hui le résultat, songea-t-il en jetant un coup d’œil dans le rétroviseur tandis qu’il s’éloignait du village disparu sous l’averse de neige.

 

 

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8 juin 2019 6 08 /06 /juin /2019 15:38

3 raisons/3 mn par Ethan, 4C

extrait choisi :

"Sébastien ! Viens voir, il s'est passé quelque chose !

            Réponse typique du collégien en pleine crise d'adolescence :

            – Moin, quo-a ?

            – Y'a eu une attaque terroriste. C'est la guerre dans Paris !

            Electrisé par l'annonce, le jeune homme bondit pour rejoindre sa mère dans le salon. La télévision diffuse les images nocturnes d'un carrefour de la capitale, bloqué par de nombreuses voitures de police, gyrophare tournoyant, et de policiers en armes revêtus de leur gilet pare-balles.

            – Qu'est-ce qui se passe ? s'enquiert le garçon.

            – Un attentat, répond Mme Karminsky, fascinée autant qu'horrifiée devant les scènes de guerre diffusées par une chaîne d'information continue.

            Dans la moitié gauche du téléviseur, apparaissent deux journalistes, un homme et une femme, tandis que l'autre moitié montre un correspondant sur place. Le présentateur en studio porte brusquement la main à son oreille droite, signalant qu'en régie on lui transmet un fait nouveau dramatique :

            – Oui, pardon… On m'informe à l'instant que deux ou trois hommes lourdement armés auraient pris plusieurs centaines de personnes en otage au Bataclan. Ils auraient… c'est ça, on me confirme qu'on a entendu des tirs. Il y aurait de nombreux morts… Jérôme Lacour, vous êtes tout proche de la salle de spectacle, est-ce que vous pouvez nous confirmer cette nouvelle fusillade ?

            L'envoyé spécial, un volumineux micro à la main, hoche la tête.

            – En effet, il y a à peine deux minutes, plusieurs détonations ont retenti boulevard Voltaire, dans la salle du Bataclan, non loin de là où je me trouve. Pour le moment, il est bien sûr impossible d'approcher… (le journaliste se trouble) Excusez-moi, il y a encore des détonations. La BRI, les forces d'interventions de la police, sont sur les lieux, peut-être est-elle en train de donner l'assaut. Le quartier est bien évidemment bouclé par un déploiement impressionnant de forces de police…

            – Jérôme, pouvez-vous nous dire s'il y aurait des victimes ?

            – Oh oui ! Un bilan très lourd est même à craindre. Je vous rappelle que ce soir cette salle de spectacle était pleine à craquer pour le concert d'un groupe de musique rock… Oh ! J'entends… (il jette un regard par-dessus son épaule) c'est terrible ! Je ne sais pas si vous les entendez, mais il y a des tirs… une explosion !

            La sidération est telle que le binôme de journalistes en studio reste sans voix, tandis que leur collègue continue de commenter ce qu'il entend, à défaut de voir quoi que ce soit. Assis côte à côte sur le canapé, Sébastien et sa mère sont de la même façon saisis d'effroi. La femme, une main sur sa poitrine comprimée d'émotion, explique que ce n'est pas là le seul drame qui se déroule en ce moment même dans les rues des 10ème et 11ème arrondissements…"

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