Dans ce roman à la couverture ornée d’une mise en abyme en noir et blanc, le héros-narrateur, Jeff Valdera est amené à sonder son passé pour remettre à jour des souvenirs enfouis depuis plusieurs dizaines d’années.
Pour l’y contraindre, il y a d’abord trois cartes postales énigmatiques et puis il y a ensuite la non moins énigmatique Frieda Steigl et son vieux sac de cuir.
Frieda est Suisse, grande, blonde et elle s’exprime dans un français très approximatif. Avec une étonnante brutalité, elle pousse Jeff à retrouver les détails de sa vie à l’hôtel Waldheim à Davos en 1976. Pour l’aider, elle exhibe les documents qu’elle a obtenus lors de l’ouverture des archives de la Stasi. Elle pense que Jeff est coupable de la disparition du réseau d’exfiltration d’intellectuels allemands de l’Est et coupable notamment de la disparition de son père, M. Steigl. Tous les moyens lui semblent bons pour faire sortir enfin la vérité : paroles sibyllines des cartes postales, rendez-vous imprévisibles, brutalité et colère, alcool, promenades au bord de la mer,… Et il est vrai que des souvenirs reviennent à Jeff, par bribes. Cela fait-il de lui un coupable ?
p. 264 "Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’elle m’a convoqué ici une dernière fois pour me rentrer dedans plus directement encore. Ces dernières inhibitions viennent de sauter.
– Je ne t’ai pas convoqué. Tu vois que le faux, c’est toi. Tu as fait l’invité toi-même. Tu l’as dit à mon partenaire que tu le savais le plus et que tu venais tout le dire. Et qu’est-ce que tu viens le dire ? Je l’attends encore. Tu recules toujours, alors c’est le temps.
Je nie m’être invité. Elle dénature les propos que j’ai tenus à son compagnon employeur, le galeriste de Zurich. Je n’ai fait aucune promesse ou pas de cette manière. Si elle m’a attiré dans le chalet du Dr Meili, c’est pour me faire reconnaître plus que des erreurs, carrément des fautes, pas encore un crime, mais pas loin."
Avec ce roman, un pan de la guerre froide refait surface, la dangereuse exfiltration d’Allemands de l’Est et la menace permanente de le Stasi. Avec Frieda, c’est aussi la paranoïa généralisée installée à cette époque qui se prolonge et survit créant chez Jeff et chez le lecteur un sentiment de malaise.
C’est en tous cas un roman qui vous tient en haleine, même la fin reste ouverte … Où est passée Frieda ? Par sa manière de fouiller le passé pour le faire ressortir des brumes de l’oubli au gré de rencontres étranges et de promenades ce roman me rappelle l’univers de Modiano, ses images sépia et des promenades.