Sido, c'est le titre de ce recueil, écrit par Colette en 1929 pour évoquer son enfance et sa famille. Certes l'ouvrage se compose de trois chapitres, "Sido", "Le Capitaine" et "Les Sauvages" accordant aux fils et au père une partie a priori égale à celle qui est consacrée à la mère, Sido mais l'ensemble est clairement dominé par l'image de Sido, de sa complicité avec l'autrice enfant dans leur jardin rempli de fleurs et d'échos.
Pour recréer par l'écriture, ce jardin d'Éden de sa maison natale, Colette alors qu'elle est désormais âgée de 56 ans, retrouve les mille et un noms et couleurs des plantes cultivées par sa mère : "O géraniums, o digitales... Celles-ci fusant des bois taillis, ceux-là en rampe allumés au long de la terrasse, [...] "Sido" aimait au jardin le rouge, le rose, les sanguines filles du rosier, de la croix-de-Malte, des hortensias et des bâtons-de-Saint-Jacques, et même le coqueret-alkékenge, encore qu'elle accusât sa fleur, veinée de rouge sur pulpe rose, de lui rappeler un mou de veau frais" Elle ajoute aussi quelques " bulbes de muguet, quelques bégonias et des crocus mauves, veilleuses des froids crépuscules" sans oublier les arbres, "bosquet de lauriers-cerises dominés par un junko-biloba."...
Au milieu de ce jardin d'Eden, Sido telle une majestueuse déesse, "repoussait en arrière la grande capeline de paille rousse, qui tombait sur son dos, retenue à son cou par un ruban de taffetas marron, et elle renversait la tête pour offrir au ciel son intrépide regard gris, son visage couleur de pomme d'automne. Sa voix frappait-elle l'oiseau de la girouette, la bondrée planante, la dernière feuille du noyer, ou la lucarne qui avalait, au petit matin, les chouettes ? Ô ¨surprise, ô certitude... D'une nue à gauche une voix de prophète enrhumé versait un "Non, Madame Colê...ê...tte !" qui semblait traverser à grand peine une barbe en anneaux, des pelotes de brumes, et glisser sur des étangs fumants de froid."
Colette fait ainsi renaître les sensations de son enfance et avec elles tout un passé pourtant révolu. En effet, cette déesse-mère qui lui apprenait la vie et la nommait "mon Joyau-tout-en-or" finit par mourir laissant après elle son "Capitaine" qui "l'aimait sans mesure" mais qui "ne s'intéressait pas beaucoup, en apparence du moins, à ses enfants" et sa fille aînée "habitée par le fantôme littéraire des héros" et mal mariée, son fils aîné, un "sauvage" devenue médecin, son fils cadet, resté "sauvage" bien après l'enfance et notre Colette dont la plume magique fait renaître son enfance dans le paradis de la maison natale de Saint-Sauveur-en-Puisaye que j'espère visiter un jour.