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4 septembre 2023 1 04 /09 /septembre /2023 10:53

Pourquoi lire ce livre ?


D'une part, bien sûr, parce que l'auteur est un maître dans l'art de créer le suspense et de le maintenir jusqu'au dernier moment durant ici 611 pages. Ici encore, on se fait avoir jusqu'aux dernières pages.
D'autre part, car dans ce livre, à la différence des deux autres que j'ai lus, il y a un jeu ou une réflexion sur la réalité et la fiction, le personnage et la personne. En effet, le narrateur a le prénom de l'auteur et vient de perdre son éditeur Bernard de Fallois. Il se montre écrivant et menant une enquête avec une certaine Scarlett, héroïne tout droit sortie de son imagination et baptisée du nom de l'héroïne de Autant en apporte le vent… Cette enquête devient l'occasion de chercher ce qui explique pourquoi la chambre 221 bis remplace la 222 à l'hôtel de Verdier. Cette première énigme entraîne de multiples autres énigmes avec de multiples personnages dont on découvre que certains ne sont que des imitations de personnages.
Enfin, parce que ce roman se déroule en Suisse, pays de l'auteur et même si les descriptions sont plutôt rares, je me suis dit que j'aimerais aller voir Verdier, Genève et le lac Léman !
Toutefois, j'ai trouvé qu'il y avait quelques longueurs dans le récit et que la réponse à la dernière énigme était décevante, comme si elle était vite écrite pour finir le roman !
Il est vrai que ce roman date du confinement !

EXTRAIT : la page 111 en hommage à radio Nova

— Je ne suis pas certain de vous suivre, docteur.

— Eh bien, si vous étiez élu sans devoir batailler, vous finiriez peut-être par vous dire que vous n’avez pas de mérite. Or désormais il vous faut convaincre Tarnogol. Et je sais que vous allez le convaincre. Je sais que vous en êtes capable. Vous allez vous prouver à vous-même ce que vous avez dans le ventre, et vous serez élu président de la Banque Ebezner. Et après cette élection, vous serez un nouvel homme, enfin émancipé de votre père, car votre place de président vous ne la devrez qu’à vous-même. Vous avez, au fil de nos séances, mis au jour votre véritable identité : celle d’un battant, celle d’un gagnant. Il est temps de la montrer à tout le monde, à commencer par Tarnogol.

— Vous avez absolument raison, docteur ! s’écria Macaire, soudain galvanisé. Mais vous ne m’avez pas dit comment convaincre Tarnogol. En tant que psychanalyste, vous êtes certainement un as de la manipulation mentale, non ?

— En principe, je ne suis pas censé donner d’idées, vous devez les trouver vous-même, rappela le docteur Kazan. C’est tout le principe de la psychanalyse.

— Oh docteur, supplia Macaire, un petit coup de main, s’il vous plaît… Je sens que vous avez une idée.

Le bon docteur Kazan, face à la détresse de son patient, lui suggéra alors : — Arrangez-vous pour que Tarnogol vous doive une énorme faveur. Il sera alors obligé de vous porter à la présidence de la banque. Il est l’heure de clore cette séance. À jeudi

 

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13 août 2023 7 13 /08 /août /2023 14:39

Publié en 2015 soit trois ans après La Vérité sur l’affaire Harry Québert, Le livre des Baltimore est le troisième roman de ce jeune romancier, Joël Dicker. On retrouve ici le narrateur de L’Affaire Harry Québert, Marcus. Cette fois aussi il se retire pour écrire un roman, mais il semble se laisser distraire d’abord par le chien Duke _et non par Storm tout de même ! _ qu’il prend plaisir à faire venir chez lui surtout quand il se rend compte que c’est le chien d’Alexandra une jeune femme dont il a été follement amoureux quelques années plus tôt.

Or, cette jeune femme, que Marcus voudrait reconquérir, faisait autrefois partie du gang des Goldman, constitué de Marcus, Hilliel et de Woody. À vrai dire, Marcus, cousin d’Hilliel se sentait socialement inférieur, car il était un Goldman-de-Montclair , alors qu’Hilliel est un Goldman-de-Baltimore. Woody, quant à lui, vivait chez les Goldman-de-Baltimore car il était sur le point de devenir délinquant, mais il suffisait par sa force à assurer à Hilliel, sans cesse en butte au harcèlement, une scolarité confortable.

De 10 à 18 ans, ils étaient des amis inséparables, mais Markus a assisté à une terrible dégringolade : l’amitié masque une jalousie, prête à tous les mauvais coups, tout en restant une amitié indéfectible. De même, la complicité des frères Goldman s’était muée en jalousie tandis que leur sort s’inversait.

Le récit de Marcus passe d’une époque à l’autre, mêle les étapes chronologiques pour ménager le suspense et annoncer _ parfois trop _   les bouleversements.

Je trouve qu’il y a dans ce troisième roman, quelques lourdeurs regrettables et quelques lenteurs. Mais globalement, c’était un très bon livre pour les vacances.

Extrait : la page 208 en hommage au jeu radiophonique (sur 449 pages) :

Troublé, je me lançai à leur recherche. Je ne trouvai aucune trace de Gillian. En revanche, je découvris que Patrick Neville avait connu à New York une ascension fulgurante. Son fonds connaissait des rendements très importants. Je n'avais jamais réalisé qu'il était connu dans le monde de la finance : il avait écrit plusieurs livres d'économie et j'appris qu'il l'enseignait même à l'université de Madison, dans le Connecticut. Je finis par trouver sa nouvelle adresse : une tour chic de la 65e, à quelques blocs de Central Park, avec portier, avant-toit en toile et tapis sur le trottoir.

Je m'y rendis plusieurs fois, surtout les week-ends, espérant croiser Alexandra à sa sortie de l'immeuble. Mais cela ne se produisit jamais.

J'aperçus en revanche plusieurs fois son père. Je finis par l'interpeller un jour qu'il rentrait chez lui.

— Marcus? me dit-il. Quel plaisir de te voir ! Comment vas-tu?

— Ça va.

— Que fais-tu dans le quartier?

— Je passais par là et je vous ai vu sortir du taxi.

— Eh bien, le monde est petit.

— Comment va Alexandra?

— Elle va bien.

— Est-ce qu'elle joue encore de la musique?

— Je ne sais pas. C'est une drôle de question...

— Elle n'est plus retournée au magasin de musique, ni au bar où elle chantait.

— Elle ne vit plus à New York, tu sais.

— Je sais, mais elle ne revient jamais ici?

— Si, régulièrement.

— Alors pourquoi ne va-t-elle plus chanter dans ce bar? Ni au magasin de guitares. Je pense qu'elle a arrêté la musique. Il haussa les épaules.

— Elle est occupée avec ses études.

— Ses études ne lui serviront à rien. Elle est une musicienne dans l'âme.

 

 

 

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28 juillet 2023 5 28 /07 /juillet /2023 10:31

Ce roman paru en 2012 a été gratifié de très grands prix, notamment le grand prix du roman de l'Académie française et le Goncourt des Lycéens ! je le découvre seulement cette année : les couvertures des romans de Dicker évoquent souvent l'Amérique du Nord et souvent j'ai pensé que ce n'était pas pour moi, même si par ailleurs j'aime beaucoup lire Philip Roth par exemple.

Alors ce roman commence de façon quelque peu pesante à mon goût, car les premiers chapitres mettent en place le personnage du narrateur, Markus, un jeune homme qui, faute de confiance en lui, ne s'affronte, en tout domaine, qu'aux plus faibles. Cette stratégie lui permet d'être toujours "Le Formidable". On peut rêver mieux comme narrateur !  Ce narrateur est d'ailleurs un auteur qui brûle de renouveler le succès remporté par une œuvre précédente, mais il peine à trouver un sujet et  las de se confronter à la page blanche, il finit par se retirer chez son ex-professeur, lui-même écrivain à succès, Harry Québert. Or voilà qu'on découvre un cadavre dans le jardin de ce célèbre écrivain et voilà qu'il est inculpé du meurtre, trente ans plus tôt, de la jeune Nola Kellergan, disparue en 1975 alors qu'elle n'avait que quinze ans. Markus entreprend de faire des recherches dans l'espoir d'épargner son ami professeur de la chaise électrique. En effet, c'est ce qui guette un meurtrier dans cet État du New-Hampshire. Et puis, finalement, pourquoi ne pas en faire le sujet de son prochain livre ? Et le voila parti pour une enquête aux mille rebondissements et évidemment nous, lecteurs, sommes pris au piège, impossible de remettre à plus tard, il faut vite poursuivre ce récit de près de 600 pages ! c'est que l'auteur sait ménager le suspense mêlant rebondissements, retours en arrière, nouveaux rebondissements entrecoupés des conseils d'écriture du professeur Québert et des mises en demeure de plus en plus pressantes de l'éditeur de Markus sans oublier les appels de sa mère qui ne pense qu'à le marier. Bien sûr, on pense à La Tâche de Philippe Roth, on assiste ici à une sorte de réécriture qui contribue à superposer de multiples récits. C'est vertigineux !

En somme, un roman qui vous tient en haleine presque d'un bout à l'autre et vous fait vivre le temps de la lecture dans cette Amérique des affaires, de la course à l'argent, de la justice implacable, de la police plus ou moins corrompue, des pratiques religieuses extrêmes et variées, de l'élection de Obama, des années 1975 aux années 2008 

Épilogue :

Il me regarda fixement et sourit.

— Vous allez avoir trente et un ans, Marcus. Voilà, vous y êtes arrivé : vous êtes devenu un homme formidable. Devenir le Formidable, ce n’était rien, mais devenir un homme formidable a été le couronnement d’un long et magnifique combat contre vous-même. Je suis très fier de vous.

Il remit sa veste et noua son écharpe.

— Où allez-vous, Harry ?

— Je dois partir maintenant.

— Ne partez pas ! Restez !

— Je ne peux pas

— Restez, Harry ! Restez encore un peu !

— Je ne peux pas.

— Je ne veux pas vous perdre !

— Au revoir, Marcus. De toute ma vie, vous avez été la plus belle des rencontres.

— Où allez-vous ?

— Je dois aller attendre Nola quelque part.

Il me serra encore contre lui.

— Trouvez l’amour, Marcus. L’amour donne du sens à la vie. Quand on aime, on est plus fort ! On est plus grand ! On va plus loin !

— Harry ! Ne me laissez pas !

— Au revoir, Marcus.

Il repartit. Il laissa la porte ouverte derrière lui et je la laissai ainsi très longtemps. Car ce fut la dernière fois que je revis mon maître et ami Harry Quebert.

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2 février 2022 3 02 /02 /février /2022 11:46

Ce roman a remporté le Goncourt des lycéens cette année et je voulais comprendre pourquoi car en général ils font de bons choix. Le sujet est pourtant assez âpre : dans une famille composée déjà de deux parents et de deux enfants, naît un troisième enfant mais celui-ci s’avère sévèrement handicapé, inadapté pourrait-on dire, obligeant la famille à s’adapter, d’où le titre.

Il restera comme un enfant de quelques mois : il ne peut pas tenir sa tête, sa nuque est « molle », il ne voit pas, il ne commande ni ses bras, ni ses jambes. Les médecins lui prédisent une vie assez courte : jusque trois ans. En réalité il vivra jusqu’à dix ans mais restera toujours aussi habile qu’un bébé de trois mois. Seules ses perceptions tactiles et auditives sont actives. S’il vit au-delà de toute prévision, c’est grâce sans doute à sa famille qui s’est adaptée. L’ainé a pris la responsabilité de cet enfant et se préoccupe en permanence de son confort voire de son bonheur. La cadette se sent alors délaissée et oscille entre fuite et rébellion. Les parents passent beaucoup de temps à chercher les organismes utiles, à remplir des dossiers et rencontrer des commissions … Le roman suit le destin de cette famille sur de nombreuses années après de décès de l’enfant handicapé. Le dernier né aussi, lui qui n’a jamais connu l’enfant inadapté, devra à son tour s’adapter car même mort ce petit être continue de marquer la famille.

Curieusement ce sont les montagnes qui racontent cette histoire. Elles constituent le berceau de cette famille cévenole et le témoin éternel. C’est sans doute pour cela. Toutefois on oublie souvent qu’elles sont l’instance narrative et lorsque soudain un « nous » le rappelle au lecteur, c’est à chaque fois un peu déstabilisant. De ce fait peut-être, les personnages, à l’exception curieusement des amies de la grand-mère, n’ont ni nom ni prénom : l’Ainé, la cadette,l’enfant, le dernier, le père, la mère, la grand mère, c’est ainsi qu’ils sont nommés ! Dans Anima, Wajdi Mouawad faisait raconter l’histoire par des animaux et l’effet semblait plus naturel. Néanmoins ce cadre cévenole apporte dans le récit de très belles pages de description et cela ajoute au récit une poésie qui contrebalance l’âpreté des destinées. Le roman est bref ( moins de 100 pages) mais dense. Alors les lycéens ont sans doute été touchés par le sujet, par la poésie des descriptions et par la forme dense et succincte. On ne peut que les approuver.

extrait choisi : "L’aîné lui fredonnait des petites chansons. Car il comprit vite que l’ouïe, le seul sens qui fonctionnait, était un outil prodigieux. L’enfant ne pouvait ni voir ni saisir ni parler, mais il pouvait entendre. Par conséquent, l’aîné modula sa voix. Il lui chuchotait les nuances de vert que le paysage déployait sous ses yeux, le vert amande, le vif, le bronze, le tendre, le scintillant, le strié de jaune, le mat. Il froissait des branches de verveine séchée contre son oreille. C’était un bruit cisaillant qu’il contrebalançait par le clapotis d’une bassine d’eau. Parfois il nous déchaussait du mur de la cour pour nous lâcher de quelques centimètres afin que l’enfant perçoive l’impact sourd d’une pierre sur le sol. Il lui racontait les trois cerisiers qu’il y a longtemps, un paysan avait rapportés depuis une vallée lointaine, sur son dos. Il avait grimpé la montagne puis l’avait redescendue, courbé sous la charge de ces trois arbres qui, en toute logique, n’auraient pas pu vivre sous ce climat et dans cette terre. Pourtant, les cerisiers avaient miraculeusement poussé. Ils étaient devenus la fierté de la vallée. Le vieux paysan distribuait sa récolte de cerises que l’on dégustait avec solennité. Au printemps, ses fleurs blanches étaient connues pour porter bonheur. On les offrait aux malades. Le temps passa, le paysan mourut. Les trois cerisiers le suivirent. On ne chercha pas d’explication parce qu’elle était là, dans l’évidence des branches subitement rabougries : les arbres accompagnaient celui qui les plantait. Personne n’eut le cœur de toucher aux troncs secs et gris tant ils ressemblaient à des stèles, que l’aîné décrivait à l’enfant dans leurs moindres rainures. Il n’avait jamais autant parlé à quelqu’un. Le monde était devenu une bulle sonore, changeante, où il était possible de tout traduire par le bruit et la voix. Un visage, une émotion, un passé avaient leur correspondance audible. Ainsi l’aîné racontait ce pays où les arbres poussent sur la pierre, peuplé de sangliers et de rapaces, ce pays qui se cabre et reprend ses droits chaque fois qu’un muret, un potager, un traversier étaient construits, imposant sa pente naturelle, sa végétation, ses animaux, exigeant par-dessus tout une humilité de l’homme. « C’est ton pays, disait-il, il faut que tu l’écoutes. » Les matins de Noël, il malaxait les emballages de cadeau et lui narrait, en détail, la forme et les couleurs du jouet qui ne servirait pas. Les parents le laissaient faire, un peu perplexes, d’abord occupés à tenir debout. Les cousins, dans un élan de gentillesse fataliste, se mirent, eux aussi, à décrire à voix haute les jouets, puis, par extension, le salon, la maison, la famille – cela jusqu’au délire, et l’aîné riait aussi."

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12 novembre 2021 5 12 /11 /novembre /2021 19:09

Comment écrire le roman d'une passion amoureuse après Anna Karénine ou après Belle du Seigneur _ que notre auteur admire et qui reçut en son temps (1968) comme Mon maître et mon vainqueur cette année le Grand Prix du roman de l’Académie française ? L'amour et la passion ne sont-ils pas des chimères d'un temps révolu à l'époque de Tinder ou de YouPorn ?  Désérable relève le défi et c'est une réussite magistrale.

Enfin, j'ai retrouvé ce que j'attends d'un roman : une histoire sublime, une belle écriture qui conjugue poésie et fantaisie, des personnages bien campés, drôles comme le juge ou le greffier, émouvants comme Tina et comme Vasco, captivant et drôle comme le narrateur, du suspense aussi même la tragédie et son fatum sont annoncés bien avant l'issue... Cette tragédie d'ailleurs se mue en comédie.

Le narrateur est au tribunal face à un juge, il est présent comme témoin et ami de  Vasco et de Tina. Or tout le débat tourne autour d’un banal cahier Clairefontaine, sur la couverture duquel est écrit au feutre noir, « Mon maître et mon vainqueur ». Dans ce cahier, Vincent Ascot dit Vasco a consigné son histoire mais sous forme de poèmes qu'il convient de lire et d'interpréter. C'est que Tina est une grande admiratrice de Verlaine et que Vasco est poète jusque dans ses actes :

"Ni Colt ni Luger

Ni Beretta ni Browning

Bois ta soupe Edgar"

est par exemple un haïku dont le sens s'éclaire par le récit.

Étrange ballotage finalement du lecteur tantôt amusé par les jeux d'esprit, les références littéraires, tantôt ému par le lyrisme ou par la tragédie. Comment rester indifférent ?  Je peine à choisir un extrait à citer tant j'ai envie de tout retenir, car c'est un roman vraiment exceptionnel.

Voici quand même un extrait du cahier de Vasco :

 

Nous avions la nuit pour adresse

Pour compagnons d'âpres vins blancs

Au fond des yeux plein de tendresse

Et quelque chose de troublant

 

Nous étions assis face à face

Dans ce café en clandestins

Où nous écrivions ce qu'effacent

À présent les tours du destin

 

J'avais tes yeux d'un vert agreste

Rien que pour moi et pour cela

Je pourrais donner ce qui reste

De ma vie pour ces heures-là

 

Ces heures qui soudain revient

Dans la scansion de mes vers

Je voudrais que tu t'en souviennes

Comme d'un beau ciel bleu l'hiver

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7 août 2021 6 07 /08 /août /2021 19:18

Le roman de David Diop est une bien étrange histoire. Il nous entraîne d’abord sous l’Empire, en 1806, sur les pas d’un naturaliste français Michel Adanson. Ce dernier a brûlé sa vie pour réaliser son projet de rédiger une encyclopédie, négligeant sa famille et en particulier Aglaé, sa fille. Malgré ses efforts, un travail acharné et une mobilisation de tous les instants, le projet de sa vie ne verra pas le jour, déjà sa santé se dégrade.

Mais Michel Adanson a un secret, une face cachée et il ne veut pas et ne peut pas mourir sans transmettre à sa fille cet héritage. Suite au décès de son père, Aglaé reçoit en héritage des bibelots, des collections scientifiques, des meubles et tout un bric-à-brac dont on ne sait à quoi il pourra servir. Mais, encore attachée à son père, elle finit par découvrir, dans un tiroir à double fond, un marocain dans lequel son père raconte une partie de sa vie, alors qu’il était un jeune scientifique de 23 ans.

C’est le point de départ d’un récit enchâssé, sous forme de feed-back qui nous ramène 50 ans en arrière, dans une expédition au Sénégal, à la rencontre de pratiques culturelles nouvelles, de rapports differents entre les hommes et avec la nature. Le jeune scientifique qu’est Michel Adanson est séduit, il plonge dans cet univers culturel inconnu, réinterroge son rapport à la négritude et apprend le Wolof pour une intégration plus complète.

Or, tandis que Michel Adanson fait un travail scientifique, d’autres Européens, des Anglais, des Français, sont au cœur de l’organisation du commerce triangulaire dont Gorée est la plaque tournante. C’est de Gorée que partent les bateaux chargés de femmes, d’enfants, d’hommes vers l’inconnu pour un voyage sans retour et dans des conditions inhumaines.

Un chef de village, Baba Seck, raconte à Michel Adanson l’histoire étrange et captivante de la « Revenante » : Maram a disparu de son village et malgré des recherches et des démarches diverses, elle n’a pas été retrouvée. Après trois ans, un émissaire d’un autre village a prétendu que Maram était revenue des Amériques après avoir été esclave.

Michel Adanson part en quête de cette « Revenante » en traversant une partie du Sénégal, avec une escorte et un jeune guide de sang royal parlant Wolof, Ndiak. Ce sera l’occasion de découvrir toute une culture, des villages, des cérémonies, des paysages et des traditions du Sénégal. Durant le voyage, Michel Adanson est foudroyé par une fièvre. Considéré comme mort, il est confié aux soins d’une guérisseuse.

Dès lors, le roman réoriente son objet. D’une part il donne un éclairage plus sombre des relations intra familiales au sein de la société sénégalaise mais aussi des comportements des Français installés dans des concessions, occupés à l’esclavagisme.

D’autre part, il vient décrire la naissance d’une passion fulgurante de Michel Adanson pour un amour sans lendemain mais qui restera une plaie douloureuse tout au long de sa vie.

Le roman de David Diop à travers une histoire très romanesque nous ouvre sur une Afrique captivante, différente, riche culturellement. Il aborde de façon aiguë la question de l’esclavagisme, des aspects sordides de la traite négrière et du rapport des Européens à la population africaine. Comme le regard d’Adanson, c’est notre regard de lecteur sur l’Afrique qui s’enrichit et se transforme au cours du récit : il dépayse et enrichit tout à la fois. Après l’inoubliable Frère d’Ame, David Diop nous offre ici une nouvelle pépite littéraire.

Extrait choisi : "Je me crus sous le coup d’une nouvelle hallucination quand m’apparut une jeune femme que je jugeai spontanément très belle malgré l’emplâtre de terre blanche qui lui enlaidissait les joues et la bouche. Épargné par cette croûte blanche qui lui servait de masque, le haut de son visage révélait la noirceur profonde de sa peau, dont le grain très fin et brillant suggérait la douceur. Ses cheveux tressés rassemblés en chignon, son cou long et gracile lui donnaient le port d’une reine de l’Antiquité. La forme de ses grands yeux noirs fendus en amande, soulignée par de longs cils recourbés, me rappelait celle d’un buste égyptien que j’avais vu dans le cabinet de curiosités de Bernard de Jussieu, mon maître de botanique. Ses iris, aussi profondément noirs que sa peau et qui tranchaient avec la blancheur de neige de ses prunelles, étaient posés sur moi comme sur une proie." (p. 122)

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17 juillet 2020 5 17 /07 /juillet /2020 13:01

"En ce temps-là, la semaine n’avait que quatre jours, l’année comptait ainsi beaucoup plus de semaines et les gens vivaient donc plus longtemps sur la Terre. L’enfant survécut à deux semaines, à trois, puis à quatre. On attendit trois lunes entières. L’enfant se mit à babiller, à gazouiller. Il devint beau et fort comme les hommes de la lignée de sa mère. Ce n’est qu’alors qu’il fut considéré comme une vraie personne, une créature indépendante qui méritait un nom bien à elle pour la distinguer du reste de la Création. Compte tenu de sa naissance extraordinaire, on lui trouva un nom prestigieux, le nom d’un de ces ancêtres dont les hauts faits se perdaient dans la nuit de l’histoire de son peuple. Toute la famille se réunit et le vieux Nimi A Lukeni, mémoire de la nation, le présenta aux ancêtres : “... Ainsi, à partir d’aujourd’hui, tu seras un homme appelé à vivre, tu auras un nom à toi, celui de Mankunku, celui qui défie les puissants et les fait tomber comme les feuilles tombent des arbres. Que l’esprit du grand ancêtre accepte, avec le vin de palme que je crache aux vents et les feuilles de kimbazia que je mâche et crache devant tous, de veiller sur toi. Tâche de devenir fort comme lui et de ne craindre personne, pas même les puissants. Sois digne de la lignée de ta mère.

Et le vent répondit en acceptant le vin, il le porta en gouttelettes fines dans les quatre directions, monta, baisa la face du ciel en effleurant le Soleil avant de retomber sur la mère et le père, grand forgeron. Et l’esprit de l’ancêtre accepta l’enfant en arrêtant définitivement la douleur qui n’avait cessé de mordre le bas-ventre de la mère depuis la naissance du garçon. On l’appela donc Mandala Mankunku."

Ces lignes p 18/19 relatent l'officialisation de la naissance du héros de ce roman. Ce n'est pas pour autant l'heure de son intégration car la découverte de ses yeux verts conduit à son ostracisme, "des yeux glauques, vert-de-palme, phosphorescents la nuit, [...] des yeux verts de fauve nyctalope, des yeux de sorcier malfaisant voyageant la nuit avec les chouettes et les hiboux", "C'est à cette époque-là que l'enfant reçut le nom de Mambou, enfant-de-la-discorde."

D'autres dénominations s'ajoutent au fil de l'histoire (Maximilien Massini Mupepe) de ce garçon "né sans naissance, sans origine donc sans fin" (p 324/325) et son histoire épouse celle  de son pays : la colonisation, l'exploitation, la construction des chemins de fer congolais, la révolte, l'exode vers les villes, la fin de la colonisation, le départ vers l'Europe jusqu'à ce qu'il découvre "ce qu'il avait cherché pendant toute sa vie : retrouver, comme au premier matin du monde, l'éclat primitif du feu des origines."

En 2002, nous avons étudié en 2nde ce roman publié en 1987 chez Albin Michel pour en 2001 au Serpent à Plumes. C'était l'année où Emmanuel Dongala, professeur de chimie et de littérature aux États-Unis venait à Paris faire la promotion de son dernier livre Johnny Chien méchant ce qui nous a permis de le faire venir au lycée pour une rencontre mémorable. Alors que je m'apprête à me débarrasser de mes vieux dossiers, il fallait bien que j'en garde une trace !

 

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8 janvier 2020 3 08 /01 /janvier /2020 22:30

Ce livre m'a plu car même on ressent ce qui se passe et ça nous met dedans. Ce livre est bien car l'histoire

parle d'amour entre deux filles, ça nous apprend que le harcèlement ne sert à rien. On parle d'amitié et ça m'a plu. J'ai choisi ce livre, car j'ai regardé la 4e de couverture. J'ai trouvé que le résumé avait l'air mystérieux et ce qui m'a marquée c'était l'écriture en gras rose « une comédie qui bouscule les préjugés ». Pour moi, ça voulait dire que c'était une histoire pour ceux qui aimaient ce genre d'histoire.


C'est l'histoire d’une licorne, qui s'appelle Lili elle adore le cinéma, les effets spéciaux et regardé des films de langues différentes. Lili a une tante qu’elle n’a jamais connue. Elle essaye de savoir pourquoi sa mère et sa tante ne se voient pas souvent et enquête sur son passé. Elle a grand frère, une mère et une tante aussi un chat : Ronfield. Elle va chez sa tante pour la 1ere fois dans un manoir gigantesque et magnifique. Il y a une sirène qui s'appelle Cris et elle est timide. Elle a une famille un peu exigeante. Elle a une chatte : Ecume. Toutes les deux cachent une blessure…
Elles ont un été pour se reconstruire, se découvrir et s'aimer.

Extrait choisi :

Moi c'est Lili. Lili pour Elisabeth, j’ai une grand-mère anglaise, ou pour licorne. Je suis une passionnée par les effets spéciaux et les maquillages de cinéma. J’ai 17 ans, j’aime la chimie, j’adore lire. Elle a une chatte en fait, elle s'appelle Écume. Cris à les mêmes yeux gris que ceux d’Écume, des cheveux châtains en bataille, des taches de rousseur qui ressortent et sous son bronzage, son corps fluide se perd dans un jean et un sweat trop larges, il porte des baskets défoncés, je lui donne 14 ans mais il fait sans doute plus jeune que son âge, il me sourit en retour et là je m’aperçois que je me suis sans doute plantée. « Cris pour Christelle » précise-t-elle je me suis plantée. C'est une fille.

J'ai choisi cet extrait car on parle des personnages principaux. C’est important de les présenter.
Ambre, 4C

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4 janvier 2020 6 04 /01 /janvier /2020 12:22

Le quiz de Mathilde https://www.babelio.com/quiz/45456/la-brigade-des-cauchemars-tome-1

Et le nuage de mots de Mathilde :

 

Ce qui m’a plu dans ce livre c’est la nouvelle technologie et les nouveaux systèmes pour réparer les cauchemars. Mais ce qui m’a déplu c’est la fin du livre car ce n’est pas complet !

 

L’extrait que j’ai sélectionné :

- Estéban « Regarde-moi Sarah ! Je sais ce qui te fais peur. Tu as peur de grandir ... Tu vois ton corps se transformer, devenir de plus en plus une adulte. Et ce monde, celui des adultes, il te terrorise. Quitter ta maison un jour, être encore abandonné et te retrouver seule … Mais tu n’es pas seule Sarah … Tu n’es pas seule ! »

 

 J’ai aimé cet extrait mais surtout la façon d’expliquer à Sarah qu’elle n’est pas seule car j’ai trouvé ça magnifique. 

Jessie, 4C

 

 

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3 novembre 2019 7 03 /11 /novembre /2019 18:23

"Il neige depuis une semaine. Près de la fenêtre je regarde la nuit et j’écoute le froid. Ici il fait du bruit. Un bruit particulier, déplaisant, donnant à croire que le bâtiment, pris dans un étau de glace, émet une plainte angoissante comme s’il souffrait et craquait sous l’effet de la rétraction." ainsi commence Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon de Jean-Paul Dubois.

Et en effet, dans ce roman qui semble explorer les limites de son genre, la neige, la glace, l'eau, la pierre, la chaleur, le froid, la tempête sont autant de perception du monde que l'on découvre à travers une famille franco-danoise et québécoise que l'on accompagne sur deux générations mais aussi à travers de nombreux autres personnages hauts en couleurs comme " Patrick Horton, un homme et demi qui s’est fait tatouer l’histoire de sa vie sur la peau du dos – Life is a bitch and then you die – et celle de son amour pour les Harley Davidson sur l’arrondi des épaules et le haut de la poitrine. Patrick est en attente de jugement après le meurtre d’un Hells Angel" ou Kieran Read, le casualties adjuster, qui travaille à chercher les fautes des morts pour éviter aux assurances de payer ou encore l’odieux Sedgwick. Mais c’est surtout la fabuleuse Winona qui m’a touchée, seule femme véritablement présente dans ce roman si l’on excepte la « beauté exceptionnelle » de la sulfureuse mère du héros. Celui-ci ne tarit pas d’éloge pour son épouse, squaw de Maniwaki de mère irlandaise :  Winona représentait à mes yeux le formidable condensé de deux mondes anciens. De sa mère irlandaise elle tenait cette force de brasser la terre à l’égal de la vie, déblayant les obstacles comme si chaque jour était à faire de ses propres mains. Joueuse, heureuse, d’une loyauté sans défaillance, elle avait de surcroît cette défiance héréditaire à l’endroit de l’Anglais. De sa part autochtone elle avait retenu cette capacité à s’intégrer dans le monde intangible, à faire corps avec lui, lisant les messages du vent, les rideaux de la pluie, écoutant grincer les arbres. Elle avait grandi dans le corridor des légendes, ces histoires édifiantes qui refaçonnaient l’origine des temps, qui disaient que les loups avaient appris aux hommes à parler, qu’ils leur avaient enseigné l’amour, le respect mutuel et l’art de vivre en société. Et aussi les ours. Et les caribous. Ils étaient nos ancêtres comme les aigles, et les arbres de la forêt, les herbes des prairies. Nous mangions tous cette même terre et, le moment venu, elle aussi nous mangerait.

En réalité, outre quelques lamelles de son cerveau profondément algonquines, Winona était aussi une femme pragmatique habitant le ventre des aéronefs et tâtant leur voilure dont il fallait tous les jours vérifier le squelette. »

Alors oui ce roman en atteste, « Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon » J'ai beaucoup aimé la magnifique galerie de portraits de ce roman.

 

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