J'étais impatiente de lire ce livre en lice pour le Goncourt 2020 : Thésée est un personnage qui me fascine et je garde un excellent souvenir du Thésée d'André Gide notamment.
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Voilà donc un autre Thésée mais cette fois, j'ai fini par me perdre dans son labyrinthe. Après le suicide de son frère Jérôme, le décès de sa mère puis celui de son père, Thésée quitte tout pour aller s'installer avec sa famille dans une ville de l'Est. Il emporte trois boites d'archives familiales en guise de fil d'Ariane. Très vite, il sombre dans une profonde dépression et les archives familiales gisent autour de lui dans sa chambre.... De temps en temps des flashes éclairent le lecteur sur les sources du malaise : la difficulté d'être Juif en France sous Vichy, la judaïté refoulée au profit de la réussite sociale, ... Mais le récit revient sans cesse aux mêmes idées et tisse des liens obscur entre des dates et des événements, la mise en page mêle photos, manuscrits, texte en italiques en vers libres et texte en prose qui reprend soudain en milieu de phrase ! Bref, un labyrinthe où l'on se perd et dont je ne suis pas ressortie.
extrait choisi :
commences-tu à comprendre comment les corps s'imbriquent
vie après vie
eux, Nissim et son jeune frère Talmaï, notre aïeul,
rêvent de se battre pour une nation qu'ils viennent
juste de rejoindre
tandis que toi et moi
deux frères aussi, pris dans le flot du temps
nous décidons de la fuir
toi, en te suicidant, Jérôme, et moi,
en partant vers un pays
l'ALLEMAGNE
dont je commence à comprendre qu'il est pour Thésée
comme le monstre au cœur du labyrinthe
la grande épreuve de l'effroi et des peurs
généalogiques
mais Nissim, lui, est heureux de se battre pour la France, il en oublie, dans les combats, qu'il fut enfant d'un autre lieu et lié à la « religion de ses pères » ; il se déplace, s'inquiète de ne pas recevoir de lettres de notre futur ancêtre, son cadet ; il se décrit plein d'élan, satisfait d'avoir obtenu de ne plus conduire ; il dit vouloir « faire la guerre pour de vrai » et écrit le onze septembre de Rouen : « J'ai pu faire partie d'une expédition assez sportive dont je suis revenu la nuit dernière ; il s'agissait de faire sauter une ligne de chemin de fer très employée par l'ennemi : cent cinquante kilomètres avec cent soldats à l'intérieur des lignes ; nous sommes arrivés par des chemins jusqu'au point indiqué sans être repérés ; pendant trois heures, nous avons miné la voie et à huit heures du matin, nous l'avons fait sauter ; nous étions à cinq cents mètres d'un village occupé et nous apprenons que seul un détachement de cinquante Allemands y est demeuré, les autres ayant poursuivi vers le front ; en accord avec le commandant, nous avons pris une dizaine d'hommes sur deux autos et nous sommes arrivés sur la place du village ; il était dix heures du matin et une quinzaine de boches étaient assis en train de manger et de fumer ; nous avons ouvert le feu à bout portant… »
vois-tu, Jérôme, cette boucle qui commence à se refermer ?