Ce roman fait partie de la première sélection Goncourt 2025 et me souvenant de Le Ciel par dessus les toits, je n'ai pas hésité.
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Les premiers chapitres sont plutôt engageants. Tel un entomologiste, la narratrice enferme trois hommes dans une pièce et les observe, comme des insectes dans une boite à insecte, l'un après l'autre : Il y a MB un maçon venu d'Algérie et fier de son travail : "Les samedis matin, MB se réveille courbaturé et heureux d’avoir travaillé sans relâche de l’aube jusqu’au crépuscule pendant les cinq premiers jours de la semaine, d’avoir fait de son existence quelque chose d’utile, d’avoir un CDI dans une entreprise importante du bâtiment, de gagner sa vie sans rien devoir à qui que ce soit." Il y a RD chauffeur dans un ministère et "se voit comme un homme qui a réussi, qui a trouvé sa place". Il y a HD journaliste et poète, mais aussi ex-séminariste, boxeur, travailleur social.
Ces trois hommes ne se connaissent pas et ne voient pas ce qui justifie qu'ils soient réunis. La narratrice explique alors son projet au lecteur : " Dans cette pièce imaginaire – parce qu’il n’y a que dans cet endroit que je peux les réunir, parce qu’il n’y a que dans cet endroit que je peux maîtriser le récit, inverser les rôles, devenir à mon tour un petit bourreau, exercer un pouvoir d’emprise et de fascination, exiger écoute et silence –, dans cette pièce imaginaire donc, je les laisserai mariner un peu, eux qui pensent qu’ils n’ont rien en commun. Ils continueront leur inspection du lieu comme d’autres pissent sur les murs, ils appelleront au secours en vain, ils discuteront et se disputeront".
S'agit-il de rejouer le Huis-Clos de Sartre ? Le programme est intéressant !
Hélas, la boite à insectes est vite oubliée, le récit se poursuit par la reconstitution, lente, laborieuse, de la vie des épouses de ces trois hommes, de l'emprise qu'elles ont subie jusqu'au féminicide pour deux d'entre elles. À la fin, on quitte ce livre mi-enquête mi-autobiographie sans avoir vraiment avancé, avec une impression d'inachevé. Surfer sur de tels sujets de société est un exercice délicat, ici, à mon avis, c'est le début qui aurait pu être développé de manière à bien examiner ces curieux insectes !
Extrait :
Il faut dire que pendant des années, nous trouvons quand même la ressource de faire quelque chose de cette violence qui nous entoure et quand il faut partir, il faut aussi laisser derrière soi cette part incassable de nous-mêmes. C’est une facette sans éclat, sans discours, sans atours mais dure comme la roche : celle qui s’occupait de la maison, des courses, qui allait travailler, qui riait aux blagues des autres, qui écrivait des articles, qui continuait à acheter un parfum à la vanille même si elle ne pouvait plus le porter sous peine d’être accusée de vouloir faire la belle donc la séductrice donc la pute, celle qui avait créé une entreprise, qui s’occupait de trois enfants, celle qui faisait des heures de ménage par-ci par-là pour ne pas être une cassos, celle qui savait se taire pour avoir la paix, celle qui se levait après les longues nuits de dispute, qui faisait un thé et qui s’asseyait sur le perron, à écouter gazouiller les oiseaux et qui remerciait le matin d’être là, enfin. À nous voir mettre un pied devant l’autre, à nous voir sourire et travailler, dormir et se lever, on n’imagine pas.
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