Rimbaud le fils, quel bel hommage à Rimbaud. Biographie, roman biographique, biographie romancée, essai, poème, les genres s'entremêlent pour célébrer le poète et nous aider à le comprendre.
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Le titre révèle l'interprétation dominante : Rimbaud est le fils, il ne serait pas Rimbaud sans sa mère, Vitalie Rimbaud, née Cuif, la "Carabosse" qu'il enfermait dans son "cagibi intérieur" dont "le clapet [...] n'était pas fermé complètement" et sans son père, le Capitaine au clairon "lointain comme le tsar et peu concevable comme Dieu"qui "annotait des grammaires et lisait l'arabe" mais "devint tout vif un fantôme". Et pourtant la gloire du poète repose finalement sur le refus de la filiation : "Enfin, [...] peut-être, il cessa d’écrire parce qu’il ne put devenir le fils de ses œuvres, c’est-à-dire en accepter la paternité. Du Bateau ivre, de la Saison et d’Enfance, il ne daigna pas davantage être le fils qu’il n’avait accepté d’être rejeton d’Izambard, de Banville, de Verlaine." Cependant, le texte est scandé par la formule "On dit" qui préserve le mystère.
Le récit suit l'ordre chronologique et s'appuie sur les photos présentes dans l'édition de la Pléiade, la "Vulgate". Mais ce qui assure son unité et sa beauté, c'est avant tout la reprise comme en refrains d'images comme celles du père-clairon et de la mère-patenôtres, du cagibi ou puits intérieur, de la langue de bois-de décembre (le latin) opposée à langue de juin qu'est la poésie en français, de la Carabosse, de la tringle de l’alexandrin, du Gilles de Watteau auquel ressemble Théodore de Banville, de la petite bouture qui permet d'entrer dans le monde parisien des poètes et de la chanterelle, être la poésie personnellement.
Le récit souvent fait écho aux poèmes. "On dit qu'une plus longue fugue, un rêve, à la fin de l'été le porta en Belgique, vers Charleroi par de petits chemins avec des mûres sans doute, des moulins dans des arbres, des usines surgies au bout d'un chant d'avoine, et nous ne saurons jamais exactement où il passa, où son esprit jeune bondit sur tel quatrain aujourd'hui plus connu en ce monde que Charleroi, où le lacet de la grande godasse lui resta dans la main, sous la Grande Ourse, mais nous savons qu'au retour il s'arrêta à Douai, chez les tantes d'Izambard, trois douces Parques au fond d'un grand jardin, couturières, chercheuses de poux et que ces jours dans un grand jardin à la fin de l'été furent les plus beaux de sa vie, peut-être les seuls. On dit aussi que dans ce jardin il fit ce poème que tout enfant connait, où il appelle ses étoiles comme on siffle ses chiens, où il caresse la Grande Ourse et se couche près d'elle..."
"Hélas, Rimbaud a le don d'enfariner ceux qui l'approchent , et ce disant mes mains pendent, je m'enrhume ; si je bats mes basques il en sort de la farine".