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3 novembre 2019 7 03 /11 /novembre /2019 18:23

"Il neige depuis une semaine. Près de la fenêtre je regarde la nuit et j’écoute le froid. Ici il fait du bruit. Un bruit particulier, déplaisant, donnant à croire que le bâtiment, pris dans un étau de glace, émet une plainte angoissante comme s’il souffrait et craquait sous l’effet de la rétraction." ainsi commence Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon de Jean-Paul Dubois.

Et en effet, dans ce roman qui semble explorer les limites de son genre, la neige, la glace, l'eau, la pierre, la chaleur, le froid, la tempête sont autant de perception du monde que l'on découvre à travers une famille franco-danoise et québécoise que l'on accompagne sur deux générations mais aussi à travers de nombreux autres personnages hauts en couleurs comme " Patrick Horton, un homme et demi qui s’est fait tatouer l’histoire de sa vie sur la peau du dos – Life is a bitch and then you die – et celle de son amour pour les Harley Davidson sur l’arrondi des épaules et le haut de la poitrine. Patrick est en attente de jugement après le meurtre d’un Hells Angel" ou Kieran Read, le casualties adjuster, qui travaille à chercher les fautes des morts pour éviter aux assurances de payer ou encore l’odieux Sedgwick. Mais c’est surtout la fabuleuse Winona qui m’a touchée, seule femme véritablement présente dans ce roman si l’on excepte la « beauté exceptionnelle » de la sulfureuse mère du héros. Celui-ci ne tarit pas d’éloge pour son épouse, squaw de Maniwaki de mère irlandaise :  Winona représentait à mes yeux le formidable condensé de deux mondes anciens. De sa mère irlandaise elle tenait cette force de brasser la terre à l’égal de la vie, déblayant les obstacles comme si chaque jour était à faire de ses propres mains. Joueuse, heureuse, d’une loyauté sans défaillance, elle avait de surcroît cette défiance héréditaire à l’endroit de l’Anglais. De sa part autochtone elle avait retenu cette capacité à s’intégrer dans le monde intangible, à faire corps avec lui, lisant les messages du vent, les rideaux de la pluie, écoutant grincer les arbres. Elle avait grandi dans le corridor des légendes, ces histoires édifiantes qui refaçonnaient l’origine des temps, qui disaient que les loups avaient appris aux hommes à parler, qu’ils leur avaient enseigné l’amour, le respect mutuel et l’art de vivre en société. Et aussi les ours. Et les caribous. Ils étaient nos ancêtres comme les aigles, et les arbres de la forêt, les herbes des prairies. Nous mangions tous cette même terre et, le moment venu, elle aussi nous mangerait.

En réalité, outre quelques lamelles de son cerveau profondément algonquines, Winona était aussi une femme pragmatique habitant le ventre des aéronefs et tâtant leur voilure dont il fallait tous les jours vérifier le squelette. »

Alors oui ce roman en atteste, « Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon » J'ai beaucoup aimé la magnifique galerie de portraits de ce roman.

 

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5 juillet 2019 5 05 /07 /juillet /2019 18:08

Dans ce récit biographique, Patrick Deville nous fait découvrir un inconnu qui a pourtant libéré le monde de la peste, fait avancer les connaissances sur la tuberculose et la diphtérie, un Suisse naturalisé français devenu citoyen d’honneur du Vietnam, un bactériologiste mais aussi explorateur qui a côtoyé Pasteur, son maître, mais aussi Doumer, le président de la république Calmette, l’inventeur du BCG contre la tuberculose et bien d’autres célébrités.

Il faut dire que ce génie ne s’était pas lancé dans la course aux honneurs. Loin des agitations du monde occidental il préférait se créer un paradis pour lui tout seul à Nha Trang où il peut s’adonner à ses diverses passions : la photographie, la météorologie, l’élevage des volailles, la culture des glaïeuls et autres fleurs venues de loin, la culture de l’hévéa qui lui permet de fournir en caoutchouc les usines Michelin en plein essor, la culture du cacao, du café et aussi du cinchona d’où l’on extrait la quinine pour combattre le paludisme. Alors le siècle « vaurien » peut bien tourner en siècle des « barbarie », Alexandre Yersin pour ses explorations en solitaire, loin de l’agitation du monde.

Pourtant ce génie solitaire a vécu une partie de sa vie au temps de Rimbaud ou de Céline et l’auteur se plaît à nous le rappeler, évoquant le jeune Rimbaud qui après avoir « dynamité la poésie » « convoie à dos de chameau deux mille fusils et soixante mille cartouches pour le roi Ménélik en Abyssinie. Celui-là qui fut un poète français promeut l’influence française, s’oppose aux visées territoriales des Anglais et des Égyptiens menées par Gordon. », Rimbaud l’auteur d’un Projet de constitution Communiste et qui avait publié un rapport de son exploration de l’Afrique à la Société de Géographie !

De Céline, on découvre que comme Yersin, il est pasteurien, il a été formé comme médecin à l’institut Pasteur de Paris, il a aussi mené des recherches sur les algues à Roscoff avant de se retirer pour écrire Voyage au bout de la nuit.

L’auteur se plaît à se présenter comme « un enquêteur, un scribe muni de son carnet à couverture en peau de taupe, un fantôme du futur sur les traces de Yersin ». Mais à travers cette biographie, Patrick Deville nous fait revivre tout une époque de cette fin XIXe s et première moitié du XXe siècle. La lecture n’est cependant pas un long fleuve tranquille car l’auteur se plait à bousculer la chronologie, au risque de perdre son lecteur.

« À mi-chemin du retour vers Nha Trang, à Suôi Giao, aujourd’hui Suôi Dầu, une grille peinte en bleu à l’entrée d’un champ, un cadenas, un numéro de téléphone à composer pour alerter le gardien. De l’autre côté, un berger au chapeau conique et long bâton mène un troupeau de moutons qu’accompagnent de grands oiseaux blancs. Le chemin vers la ferme expérimentale longe des lantanas en fleurs, de la canne à sucre, du tabac, du riz en herbe. Puis c’est un raidillon pavé au bord duquel des paysans manient métaphoriquement la faux. La tombe bleu ciel en haut d’une petite colline. Aucun signe d’obédience. Cette seule formule en capitales :

ALEXANDRE YERSIN

1863 – 1943

À gauche un pagodon orange et jaune piqueté de bâtonnets d’encens. Les deux mètres carrés bleu ciel de territoire vietnamien qui furent au milieu du royaume. Il a trouvé ici le repos, trouvé le lieu et la formule. On pourrait écrire une Vie de Yersin comme une Vie de saint. Un anachorète retiré au fond d’un chalet dans la jungle froide, rétif à toute contrainte sociale, la vie érémitique, un ours, un sauvage, un génial original, un bel hurluberlu. »

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3 novembre 2018 6 03 /11 /novembre /2018 14:27

 

3 raisons/3mn par Léopoldine, 4D

3 raisons/3 mn par Una, 4C

«  Migrant »  a été écrit par EOIN COLFER et ANDREW  DONKIN. Il a été écrit en octobre 2017

alors que  l’actualité parle beaucoup des migrants  qui arrivent en Europe. Ce texte a été écrit en français dès  l’origine. Il appartient au genre de la bande dessinée et il est composé de plusieurs chapitres.

Cette bande dessinée me fait penser aux images d’actualité à la télé. Il me fait aussi penser au roman « La Traversée » de Jean-Christophe Tixier.

L’action se passe en Afrique, en Italie, et sur La Méditerranée (l’année n’est pas dite mais je pense que ça se passe maintenant). Il y a de l’action dans ce livre. Les personnages principaux sont Ebo,  un enfant qui essaye de traverser la Méditerranée, Kwame son frère qui essaye aussi de traverser la Méditerranée avec lui. I l leur arrive plein d’aventures  entre des chapitres alternant le passé et le présent.

L’histoire parle d’Ebo qui est en Afrique et  à la recherche de son frère. Il pense que son frère a pris le bus donc il le prend aussi. Il arrive dans une ville où il trouve du travail en tant que chanteur dans les mariages. En chantant, il voit son frère qui est le serveur. Ils partent tous les deux avec un passeur transportant des marchandises mais  le camion s’arrête déposer la marchandise en plein milieu du désert et laisse les migrants tout seuls au milieu du désert. Ebo trouve des bouteilles d’eau et dit à tous les migrants de marcher vers l’Afrique qui n’était pas loin. Arrivé en Afrique Ebo et Kwame travaillent encore et encore pour payer leur passeur. Le camion du passeur était plein de migrants et de marchandises qui les cachaient. Au point de contrôle,  les contrôleurs n’ont pas vu les migrants en fouillant le camion donc ils ont pu repartir. Au cours du voyage, Ebo était malade mais il n’avait pas assez d’argent pour aller acheter des médicaments. Ils se sont cachés dans une bouche d’égouts. Les égouts se sont remplis d’eau mais leur argent était resté caché dedans donc Ebo a dû aller le chercher. Ebo effectue la traversée sur un canot,  accompagné de son frère et de sa famille. Quand la coque du canot se perce, Ebo doit aller à l’eau et le retourner. En pleine mer il croise un paquebot rempli de migrants qui les accueille. Les migrants voient un hélicoptère  et se ruent sur un seul coté du bateau ce qui le fait couler. L’hélicoptère a remonté  Ebo mais son frère est resté à l’eau et est mort noyé.  Ebo a été transporté dans un camp de refugiés ou il y retrouve sa sœur.

J’ai  compris ce livre et je l’ai aimé car je ne suis pas indifférent à cette histoire car je n’aimerais pas être à sa place car ça ne doit pas être évident de fuir son pays.

Ce texte est destiné à tous les âges mais moins aux élèves de primaire, ce livre explique la traversée d’enfer des migrants. L’auteur  provoque la tristesse pour le lecteur mais son texte est facile à lire car c’était une bande dessinée. L’auteur a écrit ce texte pour montrer que les migrants n’ont pas une vie facile et aussi pour sensibiliser les personnes qui pourraient les aider.

Théo B, 4D

 

 

                                                                                 Nuage de mots Zachalie, 4C

Ce livre a été écrit par Eoin Colfer et Andrew Donkin. Je ne connais pas d'autres œuvres de ces auteurs. Il a été écrit en 2017. Ce texte n'a pas été écrit en français à l'origine, il a été traduit par Pascal Bataillard. C’est une bande dessinée.

 

En le lisant, j’ai pensé à la maltraitance que subissent les migrants.Voici une phrase que je retiens particulièrement : «Peu leur importe qu'on tombe  du camion.»

Le texte  parle d'un personnage qui s'appelle Ebo, il veut retrouver son frère qui était parti vers l'Europe. Il le retrouve dans une ville et ils partent vers l'Europe rejoindre leur sœur qui était déjà là-bas. Par moment,  il y a des retours en arrière qui racontent comment il est arrivé jusqu'à un bateau de fortune.

Les personnages principaux sont Ebo et Kwame. Ils essayent de rejoindre l'Europe, ils font naufrage pendant la traversée et retrouvent un navire de migrants.

J'ai aimé et compris cette bande dessinée, nous ne pouvons pas hésiter sur le sens de ce texte. Ses intentions sont faciles à percevoir.

Je pense que les auteurs ont écrit ce texte pour nous montrer comment est la situation des migrants. Ils ne cherchent pas à faire rire, émouvoir ou provoquer ... Ce texte est dédicacé à Jackie et Paola.

Théophile A, 4D

extrait, planche 27

 

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1 novembre 2018 4 01 /11 /novembre /2018 10:57

J’ai lu ce roman d’une traite, je l’ai trouvé passionnant et vraiment très bien écrit.

 L’histoire est racontée par Alfa  Ndiaye, tirailleur sénégalais dans les tranchées de la Grande Guerre. Le récit porte ainsi la trace de sa culture et de l’oralité de sa langue. Des propos reviennent comme en refrains, ils se répètent et s’enrichissent au fil des lignes et cette langue riche d’images semble parfois celle des griots.

Le récit nous offre aussi un regard inédit sur la vie dans les tranchées de ceux que l’on nommait les « tirailleurs sénégalais », armés réglementairement d’un fusil et d’un coupe-coupe,  chargés de terrifier l’ennemi en jouant « les sauvages », bondissant hors des tranchées au coup de sifflet de leur capitaine alors même que la tranchée ennemie armait ses fusils en entendant ce même coup de sifflet !

Le héros-narrateur, Alfa Ndiaye est le fils d’une jeune femme peule et d’un agriculteur sénégalais. Son meilleur ami est son voisin Mabemba Diop. Lorsque sa mère a disparu, enlevée par les Maures, Alfa a été presque adopté par la famille de Mademba Diop. Les deux garçons ont grandi ensemble avec la jeune Fary Thiam qui les « aimait tous les deux », l’un devenant un beau jeune homme fort et musclé, l’autre restant plus rachitique, l’un vivant dans la nature, l’autre passant son temps dans les livres. Lorsque la guerre 14-18 a éclaté, Mabemba a convaincu Alfa que de s’engager comme tirailleurs sénégalais  leur apporterait gloire et fortune.

Quand Mabemba son « plus que frère » meurt, déchiré par une baïonnette ennemie,  Alfa se sent coupable.  C’est là qu’il commence à « penser par » lui-même sans communiquer le fond de sa pensée. Il entreprend de venger son « plus que frère », devenant le sauvage qui terrifie l’ennemi mais peu à peu terrifie aussi ses collègues au point qu’on le prend pour un mangeur d’âme ! Mabemba finit par prendre le contrôle du corps d’Alfa.

Mais la sauvagerie de notre héros reste bien singulière au regard de la folie meurtrière de cette guerre :

"Par la vérité de Dieu, maintenant je sais. Mes pensées n’appartiennent qu’à moi, je peux penser ce que je veux. Mais je ne parlerai pas. Tous ceux à qui j’aurais pu dire mes pensées secrètes, tous mes frères d’armes qui seront repartis défigurés, estropiés, éventrés, tels que Dieu aura honte de les voir arriver dans son Paradis ou le Diable se réjouira de les accueillir dans son Enfer, n’auront pas su qui je suis vraiment. Les survivants n’en sauront rien, mon vieux père n’en saura rien et ma mère, si elle est toujours de ce monde, ne devinera pas. Le poids de la honte ne s’ajoutera pas à celui de ma mort. Ils ne s’imagineront pas ce que j’ai pensé, ce que j’ai fait, jusqu’où la guerre m’a conduit. Par la vérité de Dieu, l’honneur de la famille sera sauf, l’honneur de façade.

Je sais, j’ai compris, je n’aurais pas dû. Dans le monde d’avant, je n’aurais pas osé, mais dans le monde d’aujourd’hui, par la vérité de Dieu, je me suis permis l’impensable. Aucune voix ne s’est élevée dans ma tête pour me l’interdire : les voix de mes ancêtres, celles de mes parents se sont tues quand j’ai pensé faire ce que j’ai fini par faire. Je sais maintenant, je te jure que j’ai tout compris quand j’ai pensé que je pouvais tout penser. C’est venu comme ça, sans s’annoncer, ça m’est tombé sur la tête brutalement comme un gros grain de guerre du ciel métallique, le jour où Mademba Diop est mort. (p 9)

"La rumeur a couru. Elle a couru tout en se déshabillant. Petit à petit, elle est devenue impudique. Bien vêtue au départ, bien décorée au départ, bien costumée, bien médaillée, la rumeur effrontée a fini par courir les fesses à l’air. Je ne l’ai pas remarquée tout de suite, je ne la distinguais pas bien, je ne savais pas ce qu’elle complotait. Tout le monde la voyait courir devant soi, mais personne ne me la décrivait vraiment." (p 27)

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22 octobre 2018 1 22 /10 /octobre /2018 09:36

Mais, pour rassurer Gilles, je faisais la grande et je chuchotais :


« Les histoires, elles servent à mettre dedans tout ce qui nous fait peur, comme ça on est sûr que ça n’arrive pas dans la vraie vie. »

Alors ce roman tout entier est peut-être écrit dans cet espoir. En tous cas, il est plein d'histoires qui font peur, du marchand de glace qui se fait arracher le visage par le siphon à chantilly au meurtre du père devant la famille réunie, en passant par la hyène empaillée dans la salle des trophées de chasse, la cassette d'enregistrements de cris de douleur, la chasse en forêt la nuit, le Champion donnant une correction au voleur de chiot, le gardien du cimetière de voitures,  Même la nature semble porter la trace de la peur ou pour le moins de la violence : un dragon "avait donné de grands coups de griffe dans la terre. Et ça avait creusé des vallées. Depuis, la végétation a repoussé, des hommes sont revenus, mais les traces de griffes sont restées.

Les bois et les champs alentour étaient parsemés de cicatrices, plus ou moins profondes."

Or cette peur est surtout le fruit de la violence : celle de Gilles traumatisé par l'accident du marchand de glace, celle du père de famille, passionné de chasse, collectionneur de trophées mais violent aussi avec son épouse, une "amibe" aux yeux de sa fille puis à l'égard de sa fille et enfin c'est la violence de l'héroïne elle-même : "la bête qui dormait derrière mes tripes venait de se réveiller. Et [qu’] elle était de mauvais poil. Vraiment. Je l’ai entendue souffler : « Je pensais avoir été claire la dernière fois, putain. » Elle a gerbé ses petits, encore. Et ils se sont nourris de la violence de mon père et de la force que le Champion venait de me donner."

La violence est ainsi au coeur de ce roman, elle en est le thème et le sujet même de l'intrigue. Le récit quant à lui a la fraîcheur poétique d'un récit d'enfant : "Sur le chemin du retour, la camionnette du glacier est passée, jouant la Valse des fleurs. J’ai pris la main de Gilles. Elle était froide et raide comme un oiseau mort. La hyène a ri en me déchiquetant les tripes..."

L’enjeu est pour l’héroïne de sauver son petit frère Gilles de l’emprise de  l’hyène et elle rêve pour cela de construire une voiture capable de revenir dans le passé comme elle l’avait vu dans un film. Cela la conduit à se passionner pour Marie Curie et a devenir un génie de la physique. Parmi les rares personnages positifs du roman, on trouve notamment son vieux professeur de Pavlovié dont l’épouse elle aussi a été victime de la violence après avoir protégé les femmes victimes de violence !

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5 octobre 2018 5 05 /10 /octobre /2018 17:39

Ce premier roman d’une jeune documentaliste maman d’une enfant de huit ans est dans la 2e sélection Goncourt 2018. Il est en passe de remporter ce prix prestigieux et c’est vrai qu’il détonne et domine le lot !

 

D’abord c’est le récit d’une passion amoureuse absolue et mortelle comme le veut le topoï. Ainsi, en plein XXIe siècle, voilà que cette jeune romancière se met à réécrire Tristan et Iseult, Romeo et Juliette, Anna Karénine, Belle du seigneur, Phèdre, Lol V Stein …. Eros et Thanatos, interdit, jalousie, tyrannie, tout y est avec une puissance du verbe qui n’a rien à envier à ses prédécesseurs.  Certes, au lieu de Tristan et Iseult, le récit « raconte Sarah » et l’amour fou qui l’unit à la narratrice, amours saphiques qui ne cherchent pas à masquer l’érotisme de cette relation,  avant le lent renoncement à la vie de la narratrice après la mort de Sarah.  La passion, ce thème mille fois remis sur l’enclume au fil du temps et des contrées du monde est ainsi au cœur de ce récit. Nihil novi sub sole ?

Or ce qui contribue à la magie de ce récit, c’est l’écriture : la phrase est brève, rythmée, nerveuse, précise, « con fuoco », la composition est complexe, organisée autour de deux lieux Paris et Trieste, deux temps, elle semble aussi suivre des mouvements plus difficiles à saisir, ceux la musique, ceux de compositions de Beethoven, de Vivaldi puis de Schubert,  entrecoupés de définitions : « Passion, Du latin patior, éprouver, endurer, souffrir…. », « Le soufre est … » , « Latence, … »,  de citations, Le Songe d’une nuit d’été, Hiroshima mon amour, de diversions ou échos documentaires, « Le film Domicile conjugal est un film français… »,  le titre même mêle la référence littéraire à l’œuvre du poète Franck Venaille, la familiarité du langage, sa poésie  et sa musique par le jeu des assonances et allitérations : ça, ra, Sarah ».

Trouver un extrait à retenir est bien difficile étant donné le brio de cette écriture. Peut-être celui-ci : « Elle est surprise de l'obsession que je nourris immédiatement pour cet octuor, de mon désir de l'écouter toujours, en boucle s'il le faut, d'en écouter tous les enregistrements existants. Elle ne sait pas que la voir jouer le quatrième mouvement a été une des plus belles choses de ma vie. Elle ignore tout de mes paumes fiévreuses, de mon pouls qui palpite, des voix cotonneuses. Et d'un coup le silence, la lumière vive, sur scène, la lumière crue, cruelle. Le moment suspendu, dans le noir d'un coup, dans le silence d'un coup. Et rien. Pendant quelques instants, rien. Sauf mon pouls qui palpite. Et puis. Et puis elle entre, sur scène. Tous, autour de moi, tous, ils applaudissent. Je n'entends rien. Je la regarde. Sa robe longue. L'éclat de ses boucles d'oreilles. La lueur de ses incisives. Mon vampire. Son violon. Son chignon. Son air lointain. Mon souffle destitué. La partition qu'elle ouvre. Ses cils quand elle s'assoit. Dans le silence étourdissant. L'octuor de Mendelssohn et elle, premier violon. Huit corps, trente-deux cordes, tout est immobile. Plus rien ne bouge. La vie est figée. Ça va durer cent ans, comme dans les contes. Mais non. Son mouvement de menton, et tout bouillonne. Elle est une flamme qui déferle, dans tout l'allegro. Elle bondit, ma sauvageonne, elle saute, elle trépigne, elle fuse. Con fuoco, et ce n'est pas moi qui le dis. Ce n'est plus son violon, c'est elle qui chante. Je voudrais que ça dure cent ans, comme dans les contes, que ça ne cesse jamais. Et puis, dans le presto, elle bombe le torse, mon petit soldat, elle s'en va-t-en guerre et je suis sa captive, pieds et poings liés. Ce sont les dernières mesures, elle se dresse, elle se cabre, elle devient titan. Tout vibre, tout explose. »

J’ai nettement préféré la première partie du récit, à Paris. Il m’a semblé que la dépression de la narratrice à Trieste rejaillissait sur le texte ! Ce détour vers l'Italie me semble pourtant un vague écho des Petits chevaux de Tarquinia de Duras à laquelle l'auteure fait d'ailleurs fréquemment référence dans le récit. Il me semble que globalement, l'influence de Duras rejaillit beaucoup sur ce premier roman dont on espère qu'il ne sera pas le seul.

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13 juillet 2018 5 13 /07 /juillet /2018 11:08

Ce roman paru en 2000 et adapté au cinéma dès 2001 par l'auteur lui-même a été couronné du prix Relay du Roman d'évasion.

Le cadre spatio-temporel du récit est la Chine de Mao entre 1971 et 1974 c'est à dire à l'époque de la Révolution culturelle qui a conduit à considérer tout intellectuel comme ennemi du peuple et en conséquence à exiler les enfants de ces ennemis dans les contrées les plus reculées et les moins alphabétisées du pays, ici dans les hautes montagnes où des paysans convertis à la cause se chargent de plier les jeunes gens aux volontés du pouvoir.

Le narrateur et son ami Luo, jeunes fils d'ennemis du peuples âgés de 17 et 18 ans sont ainsi condamnés à travailler dans les rizières et dans les mines, ils n'ont pas plus de 3 chances sur 1000 d'y échapper un jour.

Pourtant l'objectif de cet exil échappe en grande partie aux commanditaires : les jeunes garçons s'emparent de livres cachés par un autre exilé et découvrent avec gourmandise d'abord Ursule Mirouët puis Le Père Goriot  et Eugénie Grandet de Balzac et aussi Jean-Christophe de Romain Rolland et beaucoup d'autres romans occidentaux interdits.

"Le  Binoclard  hésita-t-il  longtemps  avant    de  choisir  de  nous   prêter    ce  livre?    Le  pur   hasard conduisit-il  sa  main?    Ou  bien   le prit-il    tout   simplement  parce    que,   dans   sa  valise    aux   précieux trésors,  c’était    le livre   le plus   mince,  dans   le pire   état?   La  mesquinerie  guida-t-elle  son  choix? Un  choix    dont   la raison    nous   resta   obscure,  et  qui   bouleversa  notre    vie,   ou  du  moins    la période de  notre    rééducation,  dans   la montagne  du  Phénix  du  Ciel.

Ce  petit   livre   s’appelait  Ursule  Mirouët.

Luo  le lut  dans   la nuit   même  où  le Binoclard  nous   le passa,  et  le termina  au  petit matin.  II  éteignit  alors   la lampe    à pétrole,  et  me  réveilla  pour   me  tendre  l’ouvrage.  Je  restai  au  lit  jusqu’à  la tombée  de  la nuit,   sans   manger,  ni  faire   rien   d’autre  que   de  rester    plongé  dans cette   histoire  française  d’amour  et  de  miracles."

Ils ne se contentent pas de découvrir les romans, ils partagent aussi leurs découvertes avec la fille du tailleur local. C'est par là surtout que les objectifs maoïstes sont déjoués : la petite tailleuse chinoise se cultive et s'émancipe. Un jour, elle s'en va, elle quitte les montagnes pour "une grande ville" et ainsi s'achève le roman.

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18 novembre 2017 6 18 /11 /novembre /2017 18:18

Cette grande fresque romanesque apparaît seulement en deuxième position dans la présentation de quatrième de couverture de ce roman de quatre-cents pages,

après la mise en avant de cet enfant et de ce mystérieux personnage. Cependant c’est bien l’Histoire le personnage principal qui est alors  raconté, retracé, reproduit. Mais pour cela, il faut que quelqu’un se dévoue pour prendre en charge ces travaux conséquents. Un enfant boiteux, voilà notre narrateur, et notre écrivain au passage.

Comment résumer un roman résumant lui-même tant d’années de recherches, basées au départ sur un simple bâtiment, accueillant des fous, le Lazaret ? Je me contenterai alors de repenser à cet homme répétant Taba-taba tout le temps, qui malheureusement n’apparaîtra pas assez de fois dans ce livre pour que je puisse comprendre pourquoi ces mots se retrouvent au plein milieu de la première de couverture. Il laisse place à la mise en scène d’une petite-fille nommée l’Impératrice Eugénie et de sa famille venant d’Égypte dans les années 1862, remplacée par la suite par l’arrivée d’un gymnaste, dont nous suivrons les déplacements qu’il fera avec sa femme, son fils et sa fille à travers la France durant la Première et la Seconde guerre mondiale.

Tous ces récits sont entrecoupés d’une part par des bouts d’histoire naviguant dans les siècles et dans les différents pays du monde. Des chefs d’État, des peintres, des résistants ou encore des inventeurs viennent s’intercaler entre les  nombreuses explications du narrateur. Quand l’enfant, devenu maintenant adulte, décide de ne plus rendre compte avec ses propres mots, il nous dévoile alors de nombreux documents qu’il a recueillis : des lettres authentiques de poilus, des articles de presse ou des citations de grands auteurs comme celle de Victor Hugo Voilà mille ans qu’ils font payer les émeraudes / Des tiares à ceux qui n’ont pas de souliers. D’autre part l’auteur nous rapporte ses aventures. En effet, lui aussi voyage dans le monde entier. Toujours dans la quête d’en apprendre plus sur le Lazaret et ses personnages, il va à la source de leur existence et nous fait part de nouvelles découvertes et d’hypothèses, le menant sur une nouvelle piste.

Des centaines d’informations dans un seul roman. C’est à la fois son point fort et sa faiblesse. Effectivement,  il rend compte dans cet ouvrage d’un travail époustouflant et grandissime. Des heures de recherche incalculables et effrayantes. Cependant quatre cents pages de pures descriptions historiques, cela peut être long … Patrick Deville pense tout de même à ce détail en découpant son texte en quatre-vingt-deux chapitres, permettant de faire une pause sans perdre le fils de l’histoire.

Son style d’écriture nous offre une approche simplifiée sur tous les aléas historiques. Enfin, il laisse au lecteur la possibilité de penser à des faits futiles_  Il prononce les voyelles dans l’ordre qu’il avait appris à les réciter ,a, e, i, o, u, s’aperçoit que « oiseau » est le seul mot à rassembler les cinq voyelles de l’alphabet en un arc-en-ciel de sonorité _ ou de remettre en cause les actions humaines en s’interrogeant sur l’avenir : les tempêtes et les ouragans furent les signes d’un bouleversement climatique qui entraîna la disparition de 95 % des espèces maritimes et de 70% des espèces continentales: parmi celles-ci l’humaine ne figurait pas encore.

Taba-Taba, l’enfant, la petite-fille ou encore le gymnaste, eux qui d’apparence n’ont rien à avoir ensemble, seront finalement assimilés un par un par un coup de maître de Patrick Deville. Mais pour le découvrir, il faudra se laisser guider à travers cette grande fresque historique.

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4 novembre 2017 6 04 /11 /novembre /2017 10:27

Si comme moi, la lecture de La Promesse de l'aube vous a laissé des traces indélébiles, si La

Vie devant soi, J'ai soif d'innocence, et tant d'autres ne quittent pas votre mémoire, alors le livre de François-Henri Désérable est pour vous. Comment, en effet, s'intéresser à ce roman si on ne connaît ni la vie ni l’œuvre de Romain Gary alias Émile Ajar alias Roman Kacew ?

Désérable part sur les traces du jeune Roman Kacew à Vilnius alias Wilno et d'"un certain M. Piekielny" qui avait demandé au jeune Roman de rappeler aux grands de ce monde qu'il ne manquerait pas de rencontrer que "au n°16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait un certain M.Piekielny"

De ce M. Piekelny point de traces, autres que dans les propos de Romain Gary dans La Promesse de l'aube chapitre VII et, à la fin du livre, ceux d'une vieille femme qui habitait aussi au n°16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno. Alors Désérable imagine et reconstitue Pikielny, la "souris grise" qui jouait du violon sans bruit pour ne gêner personne, qui comme la plupart des juifs de Vilnius a peut-être été déporté en Sibérie ou bien qui a dû vivre dans le ghetto, puis a été chassé et sans doute mis à genoux au bord d'un trou, assassiné d'une balle dans la nuque comme le fut, affirme Désérable, le père de Romain Gary (cf. p 164) C'est l'occasion de réunir l'Histoire et ses plus horribles moments avec la fiction.

Sur Romain Gary, le roman est nettement plus précis et documenté. J'ai détesté ces pages où Désérable énumère des allégations de Romain Gary et les taxe systématiquement de "mensonges" mais j'ai savouré les pages où il retrace la rencontre de Gary avec Kennedy à la Maison blanche ou la rencontre avec Modiano lors de l'émission Apostrophe en 1980, deux scènes où se mêlent inextricablement fiction et réalité. L'auteur nous propose même ceci : "Imaginez un instant que vous êtes Romain Gary." Il est vrai qu'en cette année 1980, Gary est bien embarrassé par le double jeu qu'il a lui-même mis en place et qui lui vaut d'être le seul écrivain à avoir reçu deux prix Goncourt. Roman Kacew publie sous deux pseudonymes : Romain Gary et Émile Ajar.

Finalement, M. Piekelny comme Romain Gary ont à l'issue du roman acquis la part de réalité et la part de fiction qui font d'eux des personnages de roman à part entière. Désérable lui aussi tente de se situer dans cet entre deux qui unit réalité et fiction lorsqu'il se présente comme l'enquêteur mais aussi comme le compagnon de Marion et comme le jeune homme qui entend hurler une mère quand arrive au bas de son immeuble, la civière portant le cadavre de sa fille."Où finit la vérité ? Où commence le mensonge ?"

"Alors, mon Ramouchka, qu'aurais-tu répondu ? Tu t'en serais sorti, comme toujours, par une pirouette, tu m'aurais dit que l'important c'est d'y croire, et que d'ailleurs j'y avais cru, tu m'aurais dit que ça, la littérature, l'irruption de la fiction dans le réel, en parodiant la bonne vieille parade de Boris Vian, tu m'aurais dit mais voyons, mon cher F.-H., cette scène est vraie, puisque je l'ai inventée." p.242

 

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26 mars 2017 7 26 /03 /mars /2017 15:45

Didier Jean et Zad ont écrit «Mes rêves au grand galop». Je ne connais aucune autre œuvre de ces auteurs. Il a été écrit en 2013. Ce n’est pas une époque particulière. Ce texte est écrit en français à l’origine. C’est un roman.

En le lisant, j’ai pensé à des images et à des sons, plus particulièrement aux chevaux. Je m’imagine les chevaux tels qu’ils sont décrits, avec la couleur de leur robe et de leur crinière, et leur caractère. J’entends le bruit de leurs sabots quand ils galopent.

L’action se passe à la campagne, pendant les vacances scolaires. Les personnages principaux sont Inès et Sébastien dont les mères sont meilleures amies. Ils doivent passer une semaine ensemble alors qu’ils ne se supportent pas. Mais ils vont se trouver une passion commune… 

Je peux résumer l’histoire en quelques phrases : Fleur et Sabine, de très bonnes amies d’enfance, décident de se retrouver pendant les vacances. Elles espèrent que leurs enfants s’entendront bien mais ce n’est pas le cas. Inès, une jeune fille en fauteuil roulant après un accident, aimant la nature et surtout les chevaux, et Sébastien, un garçon de 13 ans détestant la campagne, ne se supportent pas. Pourtant, la passion d’Inès pour les chevaux les rapproche et ils finissent par devenir très proches.

J’ai beaucoup aimé ce roman. L’histoire était émouvante. J’ai facilement compris l’histoire. Les auteurs ont écrit ce texte pour nous montrer que l’amitié est la plus belle chose au monde et que cela rend les gens heureux. Je suis d’accord avec ces auteurs qui ont voulu mettre en avant les joies de l’amitié. Ils s’y sont pris en émouvant les lecteurs avec deux personnages principaux très attachants qui ont retrouvé le sourire grâce à leur rencontre.

Ce texte est destiné à tout le monde ; le narrateur ne s’adresse à personne en particulier. Ses intentions sont faciles à percevoir et on ne peut pas hésiter sur le sens de son texte.

Loane R, 4D, 26 mai 2017

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