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30 octobre 2025 4 30 /10 /octobre /2025 16:21

J'aime beaucoup l'écriture de Chloé Delaume, elle allie poésie, fantaisie et extrême attention aux mots. On songe à Boris Vian en lisant certaines pages plus ou moins loufoques et poétiques. Ainsi l'héroïne de ce roman, Clotilde Mélisse, cherche à reconstituer son passé et pour cela, elle ajuste des pièces de puzzle de différentes matières plus ou moins vivantes qu'elle trouve en ouvrant son crâne à bord d'un train qui la conduit au château d'Heidelberg. "Elle a choisi cette ville pour sa charge symbolique, Heidelberg, si outrageusement romantique, là où, lui avait-on dit, les jeunes gens foudroyés par Les Souffrances du jeune Werther venaient tacher de rouge l’actuel gazon des douves."

Loin d'être un cas isolé, elle côtoie dans ce train une autre femme qui, elle, s'ouvre le ventre : "La voisine de Clotilde s’est ouvert grand le ventre, sur sa tablette, plein de nœuds qu’elle défait un à un du bout de ses doigts tremblants, en retenant son souffle. Clotilde l’encourage d’un regard, lui souriant de façon appuyée, avant de se fendre le haut du crâne. Elle y enfonce sa main pour en extraire le puzzle devenu une masse informe, compacte, proche de la pierre de lave. Elle l’observe, surprise."

Ce ventre est d'ailleurs très souvent le siège d'une douleur qui "troue" le ventre de Clotilde ! Car Clotilde, la "pauvre folle" éprouve un amour absolu pour Guillaume avec qui elle entretient une relation poétique, mais celui-ci vit en couple avec un homme que Clotilde désigne comme évier car "elle assimilait la vie de couple à un évier, un évier en inox, avec sa vieille éponge qu’il serait temps de changer, mais tout le monde a la flemme de passer au Franprix."  : Alors la poésie peut-elle vaincre le réel ?  elleetlui, entité poétique et romantique, peut-elle résister à "l'évier" ? 

Le long voyage en train au cours duquel le puzzle des souvenirs se constitue (On songe au voyage de Léon Delmont dans La Modification de Butor) aboutit à la fin : " À user ses souvenirs on ne peut pas être vivant : le cimetière des amours mortes est son seul horizon, dans sa cage thoracique s’épuise son cœur zombie." " Elle s’ouvre théâtralement le crâne et sort de sa tête un tombeau. Sur la stèle est gravé pleins déliés lettres d’or un Ci-gît elleetlui"

Un livre à savourer sans réserve ! 

extrait : La fin du monde n’a pas du tout la forme prévue. Derrière la vitre embuée, Clotilde observe la neige couvrir avril ; le train qui l’emporte traverse autant de forêts mortes que de prés empoissés par des ruisseaux boueux. Elle regarde le décor se déliter lentement, l’époque s’appelle Trop tard, chacun est au courant, alors elle se demande comment font toutes ces bouches pour prononcer encore sérieusement le mot Avenir.

 

 

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5 octobre 2025 7 05 /10 /octobre /2025 20:54

Ce roman fait partie de la première sélection Goncourt 2025 et me souvenant de Le Ciel par dessus les toits, je n'ai pas hésité. 

Les premiers chapitres sont plutôt engageants. Tel un entomologiste, la narratrice enferme trois hommes dans une pièce et les observe, comme des insectes dans une boite à insecte, l'un après l'autre : Il y a MB un maçon venu d'Algérie et fier de son travail : "Les samedis matin, MB se réveille courbaturé et heureux d’avoir travaillé sans relâche de l’aube jusqu’au crépuscule pendant les cinq premiers jours de la semaine, d’avoir fait de son existence quelque chose d’utile, d’avoir un CDI dans une entreprise importante du bâtiment, de gagner sa vie sans rien devoir à qui que ce soit." Il y a RD chauffeur dans un ministère et "se voit comme un homme qui a réussi, qui a trouvé sa place". Il y a HD journaliste et poète, mais aussi ex-séminariste, boxeur, travailleur social. 

Ces trois hommes ne se connaissent pas et ne voient pas ce qui justifie qu'ils soient réunis. La narratrice explique alors son projet au lecteur : " Dans cette pièce imaginaire – parce qu’il n’y a que dans cet endroit que je peux les réunir, parce qu’il n’y a que dans cet endroit que je peux maîtriser le récit, inverser les rôles, devenir à mon tour un petit bourreau, exercer un pouvoir d’emprise et de fascination, exiger écoute et silence –, dans cette pièce imaginaire donc, je les laisserai mariner un peu, eux qui pensent qu’ils n’ont rien en commun. Ils continueront leur inspection du lieu comme d’autres pissent sur les murs, ils appelleront au secours en vain, ils discuteront et se disputeront". 

S'agit-il de rejouer le Huis-Clos de Sartre ? Le programme est intéressant ! 

Hélas, la boite à insectes est vite oubliée, le récit se poursuit par la reconstitution, lente, laborieuse, de la vie des épouses de ces trois hommes, de l'emprise qu'elles ont subie jusqu'au féminicide pour deux d'entre elles. À la  fin, on quitte ce livre mi-enquête mi-autobiographie sans avoir vraiment avancé, avec une impression d'inachevé. Surfer sur de tels sujets de société est un exercice délicat, ici, à mon avis, c'est le début qui aurait pu être développé de manière à bien examiner ces curieux insectes ! 

Extrait : 

Il faut dire que pendant des années, nous trouvons quand même la ressource de faire quelque chose de cette violence qui nous entoure et quand il faut partir, il faut aussi laisser derrière soi cette part incassable de nous-mêmes. C’est une facette sans éclat, sans discours, sans atours mais dure comme la roche : celle qui s’occupait de la maison, des courses, qui allait travailler, qui riait aux blagues des autres, qui écrivait des articles, qui continuait à acheter un parfum à la vanille même si elle ne pouvait plus le porter sous peine d’être accusée de vouloir faire la belle donc la séductrice donc la pute, celle qui avait créé une entreprise, qui s’occupait de trois enfants, celle qui faisait des heures de ménage par-ci par-là pour ne pas être une cassos, celle qui savait se taire pour avoir la paix, celle qui se levait après les longues nuits de dispute, qui faisait un thé et qui s’asseyait sur le perron, à écouter gazouiller les oiseaux et qui remerciait le matin d’être là, enfin. À nous voir mettre un pied devant l’autre, à nous voir sourire et travailler, dormir et se lever, on n’imagine pas.

 

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12 septembre 2025 5 12 /09 /septembre /2025 10:03

Cette partie manquait au puzzle des romans autobiographiques : comment l'auteur est-il passé de l'enfance torturée par un père mythomane au journalisme jusqu'au grand reportage couronné par le prix Albert-Londres ? Ce récit semble expliquer cette évolution par une série de hasards qui conduisent George alias Sorj alias Kells  à vivre dans la rue au risque de sombrer au fil des mauvaises rencontres, puis de faire des rencontres qui le sortent de la rue, puis l'entrainent dans des combats armés contre les fachos mais aussi contre la police. Un idéal de justice le guide souvent dans son parcours, mais cet idéal s'affirme avec la rencontre des MAO. Avant cette rencontre, c'est la survie qui l'occupe tout entier, dans le monde inhospitalier de la rue, à Lyon puis à Paris. 

La rencontre des MAO renvoie aussi à un épisode de l'histoire moderne où ils occupaient le pavé tout comme le haut du pavé avec Sartre, Godard et bien d'autres, rêvant d'une révolution qui abolirait les frontières entre ouvriers et cols blanc. Des épisodes qui ont marqué l'actualité de l'époque émaillent le récit : La mort de Pierre Overnay abattu par un gardien chez Renault, l'enlèvement d'un cadre de chez Renault par la Nouvelle Résistance Populaire, l'emballement du procès de Bruay-en-Artois, les jeux olympiques de Munich, les actes racistes à Grasse puis à Juan-Les Pins puis à  Cagnes-sur-Mer et à Marseille, l'affaire Lip.

Le jeune Kells occupe avec quelques autres la place des bras armés, les "militaro-débiles". Il manie le nunchaku, la barre de fer et le cocktail Molotov et s'initie aux armes à feu. « Contre la tyrannie, l’insurrection est un droit », gueulait [notre] journal, La Cause du Peuple. Mais un jour, il comprend : "Je le savais maintenant. Je n’étais pas un tueur. Nous n’étions pas des assassins. Nous ne réclamions la mort de personne. Seulement le droit de vivre pour tous." Peu après, il apprend la dissolution de la Gauche Prolétarienne et la naissance de Libé qui se substitue à La Cause du Peuple, mais entend donner la parole au peuple.

C'est alors que Kells alias Sorj Chalandon entre à Libé.

Ce récit n'est pas exempt de nostalgie, la dernière page répertorie les "copains" disparus, suicidés ou tués, Pas si simple de renoncer à ses rêves.   

Extrait choisi :  J’ai remonté les voies. À l’arrivée d’un train, un jeune s’est détaché de la foule des voyageurs.

— Tu vends jusque sur les quais ? Vous êtes gonflés, les maos !

Il a acheté un journal. Je ne connaissais pas le prix. Lui, si. Un franc. J’ai regardé autour de moi, aucun autre vendeur, j’ai glissé la pièce dans la poche arrière de mon pantalon.

Et puis j’ai dégagé. Coup de sifflet. Des agents de la SNCF m’ont dit que je n’avais pas le droit d’entrer dans la gare avec des journaux.

— Ah oui, merde. On aurait dû te prévenir, m’a soufflé Norman.

Si j’avais vendu un exemplaire ? Non rien. Désolé, vraiment. Dans ma poche, la pièce blanche pesait dix tonnes. Grâce aux maos, je pourrais prendre une douche chaude, laver mes chaussettes et mon caleçon. Ce n’était pas du vol, c’était un prêt. Plus tard, promis, je glisserais un franc dans la caisse pour rembourser le journal dérobé."

PS Je n'aime pas les nouvelles couvertures Grasset! 

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23 juillet 2025 3 23 /07 /juillet /2025 20:03

Ce récit, publié en 1969 ne se préoccupe en rien du Mai 68 que l'auteur, alors âgé de 23 ans a pourtant vécu à Paris. Ce qui l'intéresse, c'est la période qui a précédé sa naissance, les années 40, sous l'Occupation allemande.

Dans ce récit dans un Paris occupé, un jeune homme, le narrateur, par une sorte d'indifférence à l'Histoire et par intérêt immédiat, s'est mis au service de la milice. Il côtoie la Gestapo, les gangsters de tous genres, les prostituées, des policiers corrompus, une population aussi diverse que bigarrée.  "Au 93 de la rue Lauriston, on torture au sous-sol, on festoie au rez-de-chaussée, on déshabille au troisième, quelques-unes des plus belles femmes de Paris" De quoi y perdre son identité ! Le narrateur, dont on ignore qui il est dans le dialogue initial, est pris dans la ronde infernale et bruyante, il collabore, il vole et vend ses butins à l'ennemi., il dénonce les réseaux de résistants, qu'il a infiltrés, il est Swing Troubadour ! Pour famille, il s'est inventé Coco Lacour, un géant roux et aveugle et Esméralda, "une toute petite fille minuscule" avec lesquels il ne peut pas parler, mais dont il prend soin. Toutefois, comme pour se racheter, il endosse aussi l'identité de Lamballe, qu'il désigne comme chef du réseau de résistants et accepte de tirer sur le chef de la milice, qu'il blesse à l'épaule.  

Récit halluciné où les époques se mélangent, où les êtres perdent leur humanité pour devenir pantins de plâtre ou clowns bigarrés, mais angoissants. L'Occupation est le contexte suggéré, mais aucune date, aucun occupant désigné ne confirment cette suggestion. Des dizaines de noms propres sont martelés à divers moments du récit, mais ces noms se rapportent à diverses époques ou appartiennent tantôt à la fiction, tantôt à la réalité ! Monde angoissant, réplique de l'Enfer de Dante, cauchemar hallucinatoire, ce récit trouble et dérange.

Extrait : "Les femmes sont beaucoup trop fardées, les hommes ont une élégance nègre : chaussures de crocodile, costumes multicolores, chevalières en platine. Certains même exhibent à tout propos, une rangée de dents en or. Me voici aux mains d'individus peu recommandables ; des rats qui prennent possession d'une ville après que la peste a décimé ses habitants".   

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18 juillet 2025 5 18 /07 /juillet /2025 11:56

La réputation de ce roman, primé par le Goncourt en 1978, n'est certes plus à faire !  Mais j'ai décidé de relire et de chroniquer tous les bons romans de ma bibliothèque pour me souvenir ! 

Rue des Boutiques Obscures est le récit d'une quête d'identité qui dure jusqu'à la dernière page. Le héros narrateur, victime d'amnésie depuis une dizaine d'années, se met à explorer toutes les pistes qui peuvent le mener à son identité et à son histoire. Il rencontre des témoins potentiels, reçoit d'eux diverses photos, explore les rues et quartiers de Paris puis Megève et Bora-Bora. Il  analyse ses sensations, odeurs, couleurs, évocatrices, regards, allures, corpulences, consulte registres et bottins. 

Peu à peu naissent des réminiscences, de plus en plus précises, accompagnées de sensations d'enfermement, de claustrophobie, de danger, de peur. L'ensemble crée pour le lecteur une atmosphère étrange et comme envoutante, d'autant que jamais ne sont nommées les sources des menaces. Vu l'époque, on songe bien sûr à l'Occupation, période souvent évoquée par l'auteur, mais jamais nommée. Mais des ruptures brouillent encore les choses : le narrateur intradiégétique dans la majeure partie du récit cède parfois la parole à un narrateur anonyme et extradiégétique qui raconte donc à la 3ᵉ personne ! 

Au-delà du récit, il y a le constat mélancolique de la fugacité de nos vies. Le roman commence par le constat sans appel "Je ne suis rien. Rien qu'une silhouette claire, ce soir-là, à la terrasse d'un café" et il s'achève sur ces mots : "et nos vies ne sont-elles pas aussi rapides à se dissiper dans le soir que ce chagrin d'enfant ?"  

Cependant, entre temps, il y a ces moments suspendus où la magie de la réminiscence et de l'écriture opèrent de concert : "Les automobiles roulaient vite, avenue de New-York, sans qu'on entendît leur moteur, et cela augmentait l'impression de rêve que j'éprouvais. Elles filaient dans un bruit étouffé, fluide, comme si elles glissaient sur l'eau." (p. 53), "Les rideaux rouges sont tirés. La lumière vient d'une lampe de chevet, à gauche du lit. Je sens son parfum, une odeur poivrée, et je ne vois que les taches de son de sa peau et le grain de beauté qu'elle a au-dessus de la fesse droite".(p 143) "D'autres nuits, la neige tombait et j'étais gagné par une impression d'étouffement. Nous ne pourrions jamais nous en sortir, Denise et moi. Nous étions prisonniers au fond de cette vallée et la neige nous ensevelirait peu à peu. Rien de plus décourageant que ces montagnes qui barraient l'horizon." (p.191)  

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14 juillet 2025 1 14 /07 /juillet /2025 10:42

Modiano encore, je ne m'en lasse pas ! Il faut dire qu'il a vécu une jeunesse tellement chaotique qu'il a par avance un support tout trouvé pour ses récits. Ici, il revient sur les années 50 quand son frère était encore en vie et quand sa mère était partie en tournée, confiant ses deux fils à des femmes qui occupent une grande maison, rue du docteur Dordaine, à Jouy-en-Josas.  

"Patoche", comme le surnomme l'une des femmes, ou "Imbécile heureux" comme le surnomme une autre, mène là avec son frère, Rudy, une vie d'enfant pleine de curiosités, de témérités, de peurs et de petits bonheurs : découverte des auto-tamponneuses, escapades nocturnes vers un château abandonné du marquis de Caussade, promenades au bois sous la surveillance de "Blanche neige", essais de l'auto-tamponneuse reçue en cadeau sur les rails en bois du jardin où se trouve la tombe du docteur Guillotin, promenades dans la voiture américaine de Roger Vincent, l'un des habitués de la maison, observation secrète du monde des adultes, souvenir des robes de chambre à carreaux… , le récit est empreint d'une sorte de vague nostalgie. Le monde des adultes fascine et intrigue les enfants qui sentent sans en être sûrs qu'il est un assemblage de profils très disparates, la petite Hélène, une ancienne trapéziste, Annie, une femme qui "pleure toute la nuit au Caroll's" lieu mystérieux que les enfants imaginent comme un cirque et Mathilde qui se dit protestante et prétend avoir un oeil derrière la tête. 

Puis le narrateur relate ce moment où dans sa toute petite chambre, square du Graisivaudan, il écrivait un roman et où il reçut la visite de Roger Vincent, alors que tous les habitants de la maison de Jouy-en-Josas avaient été arrêtés. Sans lien explicite, il s'interroge sur la façon dont son père, bien que juif, a pu collaborer avec les SS pendant la guerre et notamment sur l'homme qui lui a permis ce tour de passe-passe. 

Un magnifique récit, plein de mystère, de rêverie, d'insatiables quêtes !

Extrait :  Je suis retourné dans ce quartier, il y a vingt ans, à peu près à l'époque où j'avais vu Jean D. Un mois de juillet et un mois d'aout, j'ai habité une minuscule chambre mansardée, square du Graisivaudan. Le lavabo touchait le lit. Le bout de celui-ci était à quelques centimètres de la porte et, pour entrer dans la chambre, il fallait se laisser basculer sur le lit. J'essayais de terminer mon premier livre. Je me promenais à la lisière du XVIIe arrondissement, de Neuilly et de Levallois, là où Annie nous emmenait, mon frère et moi, les jours de congé. Toute cette zone indécise dont on ne savait plus si c'était encore Paris, toutes ces rues ont été rayées de la carte au moment de la construction du périphérique, emportant avec elles leurs garages et leurs secrets."

 

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14 juillet 2025 1 14 /07 /juillet /2025 09:52

Premier roman que je lis de Valérie Perrin suivant les conseils reçus de mon compagnon. Un roman de 660 pages en poche, ce qui semble promettre une longue et haletante compagnie. 

 Alors oui, ce roman vous retient jusqu'au bout, car il parvient à maintenir le suspense, notamment par les constantes ruptures temporelles, mais aussi par le biais des changements de narrateur et changement de point de vue et encore par la multiplicité des personnages et l'enchevêtrement des récits. Habile construction qui aboutit pourtant à des dénouements plutôt décevants à mon avis.

Des histoires d'amour, la plus belle me parait celle de l'avocat Gabriel et de la patronne d'une roseraie, Irène, dont le journal révèle la sensibilité et la délicatesse.  Irène est certainement mon personnage préféré.

L'histoire de Violette est plus rocambolesque : serveuse dans un bar, elle épouse, un jeune homme qu'elle perçoit comme un Apollon, contre l'avis des parents du jeune homme et l'Apollon se métamorphose très vite en Casanova, délaissant Violette et leur petite fille, Léonine. Philippe, l'Apollon Casanova, est issu d'un milieu très bourgeois qui méprise Violette. Celle-ci devient garde-barrière jusqu'à l'électrification des passages à niveaux puis gardienne de cimetière où elle rencontre Sasha, un personnage qui semble sorti d'un conte asiatique qui l'initie à l'art de l'horticulture et au respect de la nature.

Un roman pour les vacances et l'été, prix de la maison de la presse en 2018 et des lecteurs du livre de poche en 2019  !  Je suis prête à parier qu'on en tirera un film !

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22 juin 2025 7 22 /06 /juin /2025 13:45

Depuis la lecture de La Désinvolture est une bien belle chose, de P Jaenada, l'envie de relire Dora Bruder me taraudait. En effet, Philippe Jaenada ne s'en cache pas, il fait sans cesse allusion à Modiano et en particulier à Dora Bruder, elle aussi adolescente rebelle, placée au pensionnat et fugueuse. Jaenada comme Modiano se livre à une déambulation pour une enquête destinée à éclairer une jeune fille disparue.

Mais la similitude s'arrête là : Dora Bruder faisait l'objet d'un avis de recherche dès 1941 "Paris, On recherche une jeune fille, Dora Bruder, 15 ans, 1m55, visage ovale, yeux gris-marron, manteau sport gris, pull-over bordeaux, jupe et chapeau bleu marine, chaussure sport marron. Adresser toutes indications à M et Mme Bruder, 41 boulevard Ornano, Paris" 

Or 1941, Paris, "son couvre-feu, ses soldats, sa police" tout était hostile à Dora comme à sa famille : trois mois après avoir déposé l'avis de recherche, le père de Dora était arrêté, comme beaucoup d'autres victimes de la "traque des juifs" et l'auteur égrène les noms des inspecteurs et commissaires de cette ignoble traque.  

Mêlant intuitions, documents retrouvés, lieux revisités, Modiano explore toutes les pistes pour sortir du néant la jeune fille passée des Tourelles à Drancy puis à Auschwitz, comme des milliers d'autres, mais Dora Bruder seule, avec sa famille fait ici l'objet de l'enquête destinée à la remettre en lumière, à défaut de la faire revivre. Pour cela, l'auteur explore aussi son expérience personnelle du fourgon cellulaire, de la fugue, des déambulations boulevard Ornano ou rue Pic Pus et de ses lectures, notamment de la fuite de Jean Valjean dans Les Misérables de Victor Hugo ou encore des Tourelles dans Miracle de la Rose de Jean Genet.   

Extrait choisi : "Il faut longtemps pour que ressurgisse à la lumière ce qui a été effacé. Des traces subsistent dans des registres et l'on ignore où ils sont cachés et quels gardiens veillent sur eux et si ces gardiens consentiront à vous les montrer. Ou peut-être ont-ils oublié tout simplement que ces registres existaient.

Il suffit d'un peu de patience." 

 

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12 juin 2025 4 12 /06 /juin /2025 15:30

Goncourt des lycéens en 2008, ce roman était dans ma bibliothèque, mais je ne l'ai jamais chroniqué ! Réparons cette injustice ! Un brillant avenir s'ouvre sur le suicide de Jacob, découvert par son épouse, l'héroïne, en 2003 : les ressorts de la tragédie sont en place ! 

Cependant, ce temps où la tragédie s'achève est une entorse au récit qui est réalisé du point de vue d'Elena Tiberescu/Helen Tibb, épouse de Jacob Steinovici entre 1941 et 1975, mais à travers une alternance de points de vue entre Helen et sa belle-fille Marie entre 1988 et 2006. Cela scinde la vie d'Elena/Helen en deux : Le passé de la fuite de la Bessarabie que les Russes envahissaient en 1941 vers la Roumanie où Ceausescu régnait en tyran, période reléguée bien loin par le recours au passé simple comme temps du récit et le passé récent aux États-Unis avec Jacob, mais aussi leur fils unique Alexandru et son épouse française, Marie, période racontée au présent de narration.  Est-ce à dire que le brillant avenir est immanquablement américain ? Au regard de l'actualité brûlante de cette année 2025, cela parait plutôt cocasse !

La période de 1975 à 1988 n'occupe que deux chapitres à peine, mais elle est, elle aussi, relatée au passé simple du point de vue d'Elena. Cette période place au cœur du récit, même si elle est reléguée à la fin du livre la question de l'appartenance à un groupe religieux. Elena est d'origine catholique, Jacob est Juif. En Roumanie, il était regardé avec méfiance, les parents d'Elena ne voulaient pas qu'elle épouse un Juif, mais en Israël, c'est Elena qui est perçue comme  différente : « Elena n’est pas juive. Il faut être juif pour comprendre ce pays. » Plus tard, à Rome, lorsqu'ils s'adressent au Bureau d'aide aux immigrants israélites, ils essuient un refus, car Elena n'est pas juive. Or, Elena veut quitter Israël car elle comprend que l'avenir de son fils y serait sombre.  Et là encore, quelle résonance avec notre époque tourmentée !  En somme, un roman qui traverse l'Histoire et nous fait voir ses effets à long terme ! Mais alors, quel est le brillant avenir annoncé par le titre ?

extrait choisi : "   — Oui, répondit Nancy en hochant la tête. Il n’a pas eu une vie facile. C’est un rescapé d’Auschwitz, et il a perdu son fils cadet en 67. »

Elena ouvrit de grands yeux. « Quelle horreur ! Un accident ?

— La guerre des Six-Jours.

— Oh, pardon. »

Nancy désigna du doigt une maison qu’elles venaient de dépasser et murmura : « Ils ont perdu leur fils l’an dernier, à la fin de la guerre du Kippour. Un fils unique. Une tragédie. Ils ont émigré de Russie il y a trois ans. — L’an dernier !

Il avait quel âge ?

— Dix-huit ans ? Il allait entrer à l’université pour étudier les sciences politiques. Igor. Un garçon charmant, et un violoniste de talent. Quelle tristesse. »

Dix-huit ans. À peine plus âgé qu’Alexandru. Un enfant. Elena frissonna. Sa belle-mère désigna du menton une autre maison, devant laquelle avait été installée une rampe pour permettre l’accès d’une chaise roulante. « Ici, leur fils a perdu ses deux jambes l’an dernier. À Kiryat Shmona. » 

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1 juin 2025 7 01 /06 /juin /2025 10:07

Si ce livre se lit comme on regarde une série policière, ce n'est malheureusement pas un texte de fiction !

Il a fallu que Dominique Strauss-Kahn en soit victime en 2021 pour que la justice, sollicitée par American Express, soit enfin saisie et que des voleurs soient arrêtés. DSK a pu être remboursé, mais c'est à peu près le seul, car les banques refusent toujours de rembourser, prétextant la faute du client-victime, afin de s'épargner une mauvaise publicité, hantise de la plupart des banques. Pourtant, aussi bien la Banque Postale que la BNP, que la Caisse d'épargne ou le Crédit Mutuel et bien d'autres, toutes les banques sont concernées. Des appels frauduleux usurpant le numéro de conseillers bancaires demandent au client de valider un code pour stopper une fraude en cours et le client valide sans s'en rendre compte une fraude qui parfois vide son compte chèque et tous ses livrets d'épargne, parfois même déclenche en son nom des prêts à la consommation !  Comme Dominique Strauss-Kahn, le Juge Bruguières et des centaines de victimes anonymes  tombent dans le piège et plusieurs se font totalement dépouiller.

C'est que l'usurpation des numéros de téléphone est une simple formalité pour ces voleurs, de même que la copie des numéros de compte, des numéros de cartes bancaires, des cartes d'identités et passeports. Tour se vend sur le Dark-Web et toutes les stratégies s'apprennent sur Telegram. Aujourd'hui, la police a même découvert deux IMSI-catchers, matériel en principe réservé à la DGSE ou à la DGSI, promenés dans Paris l'un dans une ambulance et l'autre dans la voiture d'une jeune fille : avec cet outil, ce sont "toutes les données mobiles des passants dans un rayon de deux cents mètres" qui sont captées. Facile ensuite de leur envoyer SMS, mails ou appels frauduleux.    

La difficulté des banques à embaucher comporte aussi un effet pervers : elle engage des personnes intérimaires (chez Manpower) dont le casier judiciaire n'est pas toujours aussi vierge qu'ils le prétendent ou bien, elles rémunèrent si mal que des employés se laissent convaincre contre récompense financière de voler les coordonnées de clients et la copie de leurs comptes. Lorsqu'ils sont découverts, ils sont licenciés d'une banque sans judiciarisation pour éviter toute mauvaise publicité et aussitôt engagés dans une autre banque. 

Avec désormais le développement de l'intelligence artificielle et l'arrivée de E-Sim, les fraudeurs ont une voie royale devant eux et il ne nous reste qu'à devenir paranoïaques, car ni les banques, ni les fournisseurs d'accès, ni les Gouvernements ne veulent ou ne peuvent arrêter le phénomène alors même que les fraudeurs sont souvent des jeunes sans diplôme, sans emploi qui flambent l'argent volé comme s'ils s'enivraient absurdement et sans le moindre regret ni la moindre pensée pour ceux qu'ils ont ruinés !       

Extrait: "Une enquête récente (2024) du cabinet Deloitte estime que l'intelligence artificielle va multiplier par 3,25 le montant annuel des pertes liées aux arnaques d'ici quatre ans, passant de 12,3 à  40 milliards de dollars aux États-Unis entre 2023 et 2027. Si l'on rapporte cette estimation à la situation française, le montant annuel de la fraude aux moyens de paiement passera de 1,2 (stable depuis 2021) à 3,9 milliards de dollars en 2027. Directement piochés dans les comptes des Français"

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