Il s'agit d'un récit que j'hésite à nommer roman tant il est bref (à peine 116 pages) pour 27
chapitres. Le film d'Alain Corneau, que je n'ai pas encore vu, a sans doute beaucoup contribué à la renommée de ce roman qui à lui seul ne me semble pas mériter toute l'attention qu'il a pu soulever (grâce notamment aux programmes de l'Éducation nationale).
De quoi s'agit-il ? En 1650, Monsieur de Sainte Colombe, un musicien, perd son épouse et se trouve ainsi chargé d'élever leurs deux filles, Madeleine et Toinette. Il confie le soin de leur éducation à Monsieur de Bures, un représentant des Jansénistes de Port-Royal et passe quant à lui le plus clair de son temps dans sa cabane au fond du jardin où il joue de la viole et compose. Dès que ses filles arrivent en âge, il les initie à son art. Prié de venir à la cour afin de jouer pour le roi, il refuse et se retire encore un peu plus dans sa cabane au bord de la Bièvre. Un jeune homme, chassé de la maîtrise du roi en raison de sa mue, vient lui demander de l'accueillir comme élève. Bien qu'irascible et taciturne, Monsieur de Sainte Colombe accepte. Le jeune homme, Monsieur Marin Marais, séduira à tour de rôle les deux filles avant de se faire chasser pour avoir brûlé sa viole à la chaufferette de la reine. Madeleine sombre dans la dépression et finit par se pendre, sa soeur se marie et devient mère de cinq enfants. Monsieur de Sainte Colombe dans sa cabane a reconstitué la tableau Nature morte aux gaufrettes de Lubin Baugin et lorsqu'il joue de la viole, il parvient à faire revenir son épouse disparue jusqu'au jour où, à son tour il approche à son tour de la mort et confie à Marin Marais "un ou deux arias capables de réveiller les morts."
De 1650 à 1689, c'est donc une quarantaine d'années que l'auteur relate en cette centaine de pages. Les ellipses sont nombreuses, les références (à Port-Royal, au jansénisme, au baroque, aux Libertins) allusives, les écarts érotiques parfois crus détonnent et semblent des concessions incongrues à la modernité voire au commerce, les éclats de colère du héros qui parle peu mais casse beaucoup sont excessifs. La poésie peine à s'insinuer, sauf peut-être dans la description des paysages :
"Il aimait le balancement que donnait l'eau, le feuillage des branches des saules qui tombait sur son visage et le silence et l'attention des pêcheurs plus loin [...] Il écoutait les chevesnes et les goujons s'ébattre et rompre le silence d'un coup de queue ou bien au moyen de leur petites bouches blanches qui s'ouvraient à la surface de l'eau pour manger l'air." (p.35)
En somme, un petit roman, vite lu et sans doute vite oublié si je n'avais pris le temps d'écrire cet article.