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31 mars 2024 7 31 /03 /mars /2024 13:15

Entre l'"Autoportrait de l'homme au repos" et "Une course exemplaire", les vingt-deux nouvelles qui constituent ce recueil racontent toutes un épisode de la vie de sportifs de haut niveau dans divers domaines : ski de fond, saut en hauteur, cyclisme, football, boxe, lancer du poids, patinage artistique, course de haies, rallye automobile, tennis, rugby, sprint, golf, planche à voile, lancer du marteau, volley, basket, saut à la perche, course équestre, avec une nette prédominance du cyclisme toutefois.  

Quel que soit le sport, les mêmes notions reviennent avec plus ou moins d'insistance : entraineur, entrainement, motivation, argent, masseur, psychologue. mental, technique, excellence, admiration, muscles…, et le lexique spécifique de chaque discipline achève de créer l'atmosphère.

Chacune de ces nouvelles est un modèle du genre : souvent un seul personnage principal, un cadre spatio-temporel restreint et réaliste, et le meilleur pour la fin, la chute !

L'humour constitue à mes yeux la plus grande qualité de ce recueil, un humour parfois souriant, mais aussi, assez fréquemment grinçant quant l'évocation se fait satire.

Il faut dire que l'auteur, président de l'Oulipo (Ouvroir de Littérature potentielle) et cycliste, est maitre en la matière. Publié en 1988, ce recueil a été couronné du Goncourt de la nouvelle en 1989.

Extrait choisi dans "Le Tueur" : Après la pesée, il lui restait exactement vingt-sept heures pour devenir un tueur. Il était un athlète permanent, un de ceux qui sont à la salle chaque jour, qui savent se mettre en sueur et qui ne reculent jamais devant une corde à sauter ou un sac de sable.

En trois semaines, monsieur Jean avait fait de lui une lame. Un poids moyen puissant, longiligne, belle allonge, jeu de jambes vif ; la grâce, l’élégance, le punch et ce foutu crochet du gauche meurtrier qui avait couché un à un les voyous de Chevilly, les boxeurs amateurs du département, puis de l’Île-de-France et qui l’avait sans accroc conduit au professionnalisme. Un pro qui allait mener son treizième combat et à qui il restait vingt-sept heures pour devenir un tueur."

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7 février 2024 3 07 /02 /février /2024 18:35

Ce roman de David Foenkinos présente l'histoire de quelques quadragénaires confrontés à divers moments du récit à une sorte d'angoisse existentielle.

Eric le premier, cadre chez Decathlon, a investi toute son énergie pour atteindre les sommets qu'il a atteints certes, mais au prix de son divorce et de l'éloignement de son fils. Le jour où Amélie, ex-camarade de prépa au lycée Châteaubriant à Rennes, lui propose de changer de vie pour venir l'épauler dans son poste au commerce extérieur dans l'équipe du gouvernement Macron, il est surpris, mais il accepte. Ce partenariat le conduit à Séoul d'où il importe le concept vivre sa mort pour revivre.

En effet, c'est bien là le problème de tous les personnages de ce roman à un moment de leur vie : Amélie, Isabelle, Laurent et même Ben ou Magali. Chacun cherche à changer de vie, à revivre dans l'espoir de trouver le bonheur.

Roman écrit à la troisième par un narrateur extradiégétique et omniscient, ce livre ne bouscule pas les codes, si ce n'est par une alternance de chapitres consacrés à Eric ou à Amélie. Il côtoie plutôt la philosophie comme l'indique le titre emprunté à Sénèque. Mais si l'on va au bout de l'idée "Voilà pourquoi les anciens ont prescrit de mener une vie très vertueuse, et non pas très agréable ; ils entendent que, droite et bonne, la volonté ait le plaisir, non pour guide, mais pour compagnon. La nature, en effet, est le guide qu’il faut suivre ; c’est elle que la raison observe et consulte. C’est donc une même chose que vivre heureux et vivre selon la nature.", écrivait Sénèque et la quête de nos personnages tend peut-être vers cette conclusion sans pourtant y parvenir.

extrait : Cette stupéfaction dans le regard des autres le déstabilisa ; on le considérait donc comme un homme prévisible, incapable de hors-piste, un monogame professionnel. En quittant la société après près de vingt ans, il voyait son image changer subitement. Comme il était appelé au gouvernement, la direction facilita les conditions de son préavis, et son pot de départ fut des plus chaleureux. Certains de ses collègues allaient lui manquer, pourtant ils ne se verraient plus vraiment. La vie d’entreprise cimente des relations qui se désagrègent dès lors que l’on quitte les enjeux communs. On n’a subitement plus rien à dire à des personnes avec qui on connversait sans cesse auparavant. Éric échangerait tout de même encore avec un ou deux collaborateurs par messages, mais ce serait de plus en plus rare ; il allait être happé par sa nouvelle vie, oubliant progressivement tout ce qui l’avait tant animé pendant des années.

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11 juillet 2023 2 11 /07 /juillet /2023 19:03
Lasse de son poste de secrétaire de direction, Claire Bodin s’est reconvertie pour, après six mois de formation, devenir professeur de secrétariat comptabilité à l’IME de l’embellie en 2012.
Déjà on peut mesurer l’illusion créée par cette institution : comment enseigner le secrétariat comptabilité dans un tel institut médico-éducatif ? Pire encore, comment enseigner dans ce type d’institut après seulement six mois de formation et sans le moindre soutien d’une quelconque équipe éducative ?
Pourtant, Claire fait merveille. Elle parvient à établir avec son petit groupe une relation de confiance mutuelle telle que les jeunes élèves prennent plaisir à apprendre du vocabulaire à lire le Petit Prince, et même à jouer à la marchande. Arrivé en septembre 2016, Gabriel Noblet, toujours tête baissée, toujours prostré, finit par s’ouvrir. Il faut dire que Claire ne néglige pas le criant besoin d’affection qu’il manifeste ! Elle le prend dans ses bras lorsqu’il arrive vers elle, les bras tendus. Sans se méfier. Elle lui donne son numéro de téléphone et échange même avec lui quelques SMS.
Tout bascule lorsque la mère de Gabriel, contacte la directrice, la mal nommée Madame Joyeux , pour se plaindre de l’attitude de Claire… peu après, Claire apprend le suicide de Gabriel chez lui pendant les vacances.
Le titre du récit est déjà un programme : comment se défendre lorsque l’on est innocent ? Le suicide de Gabriel est la marque de l’impuissance d’un innocent. Et la directrice, les parents, tous se défaussent sur Claire, désignée comme coupable avant même d’être jugée. Le récit, fondé sur une histoire vraie, se présente alors comme une chronique judiciaire où l’autrice ménage une telle tension que le livre se lit d’un trait : on s’enthousiasme, on se révolte, on se décourage, on se sent perdu avec l’héroïne à qui rien n’est épargné.
Je connaissais Alice FERNET par son chef-d'œuvre Grâce et dénuement, je découvre ici une autre œuvre. Entre les deux on retrouve la préoccupation de l’accès à la lecture pour ceux qui en sont le plus éloignés. Sujet ô combien passionnant !
 
Extrait choisi : "Dans la cour, l’enseignante s’assoit sur un muret et observe le groupe d’élèves. S’ils partagent tous un caractère identifié qui les a réunis à L’Embellie comme des compagnons d’infortune, la diversité de leurs tempéraments et de leurs aptitudes troublerait ceux qui veulent établir des généralités. Il n’y a pas de généralité, aucune personne n’est déterminée par son code génétique, quel qu’il soit, son histoire s’écrit et continue de la créer. Grégoire est silencieux et indépendant. Il n’a en tête qu’une seule idée : trouver un travail et vivre chez lui, peut-être en colocation, pourquoi pas, il faudrait inventer quelque chose. Il parle peu et écoute beaucoup. Au-delà de ses difficultés, on perçoit au fond de son œil l’éclat d’une perspicacité. Derrière ce visage stigmatisé vibre une personnalité que le handicap ne dépouille pas de sa luxuriance. Certainement il est observateur. Il est doux aussi. Sa réserve se révèle être une délicatesse, il possède la politesse du cœur. Arthur, au contraire, a besoin à la fois de parler et d’être entouré, parce qu’il est fier et meurtri, fragilisé par ses aspirations. Il souffre d’être comme il est, enfermé dans quelque chose qui résistera toujours, une forme inexorable de son être qu’il voudrait briser, piétiner par terre, pour renaître. Mais il sait qu’on ne renaît pas, c’est insupportable. Il se met facilement en colère contre ceux qui ne voient que sa forme et oublient son élan. Il entend établir le contact sur un pied d’égalité. Claire éprouve pour lui une grande estime en même temps que de la compassion, c’est une conjonction inhabituelle de sentiments. Ils me font vivre des émotions rares, raconte-t-elle à son mari, et c’est à Arthur en particulier qu’elle pense. Martin est en grande difficulté, certains jours il est presque prostré. Alicia est timorée alors même qu’elle est, de tous, la plus adaptée à une scolarité classique. Dommage que ses parents ne se soient pas plus engagés pour la maintenir en milieu ordinaire, ici elle ne progresse pas plus que ceux qui sont empêchés, regrette Claire. Louise et Lucie sont joyeuses et pimpantes, expansives, mais l’une est combative quand l’autre est soumise. Il faut se bagarrer, répète Louise, et cela fait rire son amie qui a simplement envie de se sentir bien où elle est. Pour se sentir bien, il faut justement batailler, explique Louise. Plus tard elle veut faire de la politique."
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19 mars 2022 6 19 /03 /mars /2022 10:28

Sous titre : Le guide pour prendre soin de mes abeilles et intervenir au rucher toute l’année

Qui n’a jamais rêver de faire son propre miel ? Mais du rêve à la dégustation, il y a de multiples questions auxquelles tout un chacun n’a pas forcément les réponses. Le guide « 12mois avec mes ruches » permet de mieux appréhender mois par mois ce qu’est le rôle de l’apiculteur tout au long de l’année.

Lorsqu’on pense aux abeilles, on les imagine butinant les fleurs des champs et revenir à la ruche rapporter leur récolte. Si, pendant la belle saison, c’est effectivement ce qui caractérise leur activité, le reste de l’année, l’apiculteur aura à prendre soin de ses ruches et de ses abeilles car contrairement à ce que l’on croit, l’abeille doit faire face à un environnement parfois hostile. Pesticides, rongeurs, mustéléidés, piverts et autres oiseaux, frelon asiatique, teigne, varroa, froid, sécheresse, disette, … menacent la survie de la ruche, selon les saisons et les lieux.

Ce guide présente une multitude d’informations, aussi bien sur les soins à apporter aux abeilles que sur l’utilisation la plus pertinente des outils de l’apiculteur : ruche, enfumoir, cadres, produits de soin. Au delà de la technique, les auteurs nous donnent des astuces d’apiculteurs chevronnés. Le guide est illustré par de nombreuses et belles photos et terminé par un précieux glossaire, le format comme la présentation rendent la lecture très confortable.

Ce livre reflète surtout tout l’amour et la passion de ses auteurs pour les abeilles et cette passion est communicative ! Bref un guide précieux qui s’adresse à des lecteurs déjà un peu avertis.

Extrait :

En hiver, par un phénomène de déplacement, les abeilles de la périphérie rejoignent le centre de la grappe après avoir rempli leur jabot de miel et dégagent ainsi la chaleur nécessaire à leur survie.

Bon à savoir _ Si vous angoissez de savoir si vos colonies d’abeilles sont toujours vivantes, collez votre oreille sur le bois de la ruche et tapotez délicatement avec l’index : un léger bruissement se fera entendre en cas de survie de vos avettes. Un stéthoscope ou une caméra thermique pourront aussi vous rassurer. Attendez des jours meilleurs avant d’ouvrir les ruches.

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24 octobre 2020 6 24 /10 /octobre /2020 13:25

L'oxymore du titre constitue déjà tout un programme ! Comment, pour qui, pourquoi un crime peut-il être sans importance ? C'est aussi ce qui préoccupe Irène Frain qui introduit ainsi son oeuvre : " J’ai entrepris d’écrire ce livre quatorze mois après le meurtre, quand le silence m’est devenu insupportable."

En effet, alors que sa sœur aînée, Denise, a été sauvagement molestée et laissée pour morte dans sa maison de Brétigny-Sur-Orge et qu'elle est restée sept semaines dans le coma avant de décéder après cette violente agression, personne ne s'est donné la peine d'avertir Irène Frain avant son enterrement, personne n'a cherché à resserrer les liens familiaux pour faire face au drame, les policiers en charge de l'enquête trainent à rendre leurs conclusions et la justice est un "Mastodonte" qui peine à réagir. Comment dans ce cas parvenir à faire face à cette catastrophe ? Même si l'autrice n'a pas revu sa sœur depuis des années, Denise était pour elle, sa marraine et même une mère de substitution et un modèle. Elles ont dormi dans le même lit, elles ont lu et nagé ensemble lorsqu'elles habitaient encore à Lorient. La mort atroce de Denise ne cesse de tourmenter l'auteure qui passe de l'espoir à la colère et à la culpabilité, de l'attente à l'action, pour enfin prendre la décision d'écrire ce livre. Alors ce livre, comment le qualifier ? Un roman ? Il est vrai que lasse de n'avoir aucun interlocuteur, l'autrice imagine ses entretiens avec le procureur et retrace ainsi ses relations avec Denise et avec le reste de sa famille. Depuis des années les liens sont rompus, Denise s'est mariée sans inviter sa famille, sa mère, par le biais d'une lettre d'une sœur plus jeune a rendu l'autrice responsable de découvrir ce qui avait conduit Denise à l'hôpital psychiatrique. C'est pour l'autrice, une découverte, elle ignorait que sa sœur, une jeune femme brillante et intellectuellement précoce, était malade. Et comment avoir des réponses alors que le secret médical impose le silence. Elle réussit cependant à apprendre que sa sœur souffrait de bipolarité et le médecin la met en garde car elle est personnellement menacée...

Le texte est écrit naturellement comme composé à partir de notes, cette écriture donne du crédit à la dimension autobiographie du récit et contribue pour une large part à l'émotion que suscite le texte et à l'intérêt qu'il suscite. Les précisions sociologiques qui situent le lieu du crime donnent aussi du relief à ce récit, ancré dans une réalité sociologique et urbanistique. Alors, roman ? Récit autobiographique ? Roman autobiographique ? Chronique judiciaire ?  Ce livre est inclassable mais il est à lire, assurément.

Extrait choisi : " L’automne incendie les rangs de peupliers et les ultimes vestiges des forêts. Entre les taillis, chapelets d’entrepôts, agglomérats de caravanes, puis une plaine d’où surgit un amas d’énormes caisses de tôle qui se donnent des airs de cavernes d’Ali Baba. Interminable ruban d’enseignes. Kiabi, Darty, La Foir’fouille, Picard, Mobalpa, Bébé 9-la Maison du bonheur, Roady, Cuir Center, Castorama, Saint Maclou, Kiloutou, j’en ai déjà le tournis, seulement c’est loin d’être fini, au premier croisement, nouvelle guirlande de néons, Celio, Cuisinella, Gémo, Etam, Carter-Cash. Et McDo, c’était fatal, Buffalo Bill, Pizza Hut, à quoi s’enchaîne l’entière déclinaison des croissanteries, crêperies, sandwicheries.

Un espace de coworking, quelque chose qui ressemble à une banque, on souffle. Et illico ça repart, bijouterie, animalerie, chocolaterie, magasin de téléphonie, de lingerie, de literie. On n’en verra jamais le bout.

Mais si. À l’angle de deux rues, la grande parade de la marchandise s’épuise. On va rejoindre la rocade sur une note gaie : une boutique de cotillons. Au-dessus d’une vitrine où grimacent tous les genres et sous-genres de vampires, sorcières et squelettes, une joyeuse banderole sanguinolente claque au vent : HALLOWEEN !

Halloween : c’est comme pour l’anniversaire de l’enterrement, j’avais oublié. Un an déjà, je n’y crois pas."

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21 février 2020 5 21 /02 /février /2020 17:57

Citation choisie : page 51

 

« Chère Kitty,

Nous ne savons pas très bien quelle attitude adopter. Jusqu’à présent, assez peu de nouvelles concernant les juifs étaient parvenues jusqu’à nous et il nous avez paru préférable de conserver autant que possible notre bonne humeur. Les rares fois où Miep laissait échapper une allusion au sort effroyable de quelqu’un que nous connaissions, maman ou Mme Van Daan éclatait en sanglots, si bien que Miep avait choisi de ne plus rien dire. Mais Dussel a été immédiatement assailli de questions, et les histoires qu’il nous a racontées étaient si atroces et si barbares qu’elles ne pouvaient pas entrer par une oreille et sortir par l’autre. Pourtant, quand ces nouvelles auront un peu décanté, nous recommencerons sans doute à plaisanter et à nous taquiner. Nous ne nous aidons pas nous-même, ni ceux du dehors, en restant sombre comme nous le sommes tous en ce moment, et à quoi sert-il de faire de l’Annexe une Annexe mélancolique ? ».

Quiz : https://www.babelio.com/quiz/47263/Journal-dAnne-Franck

 

Charline, 4C

Critique :

Ce qui m’a plu ce sont les émotions ressenties par Anne Frank tout le long de son quotidien. On se sent « immergé » dans cette histoire du début jusqu’à la fin. De plus cette histoire est une œuvre culte inspirée

de faits réels ce qui donne un réel plus.

Extrait du livre :

Toi notre benjamine, qui pourtant n’es plus une enfant,
Tu n’as pas la vie facile ; chacun prétend te faire la leçon, à ton grand dam : « tu peux en croire notre expérience ! » « Nous savons tout, fais-nous confiance, et connaissons les bonnes manières. » Voilà ton lot depuis l’année dernière. De ses propres défauts nul n’est jamais gêné, ainsi a-t-on beau jeu de te morigéner. Les fautes d’autrui, elles pèsent lourd et nous, tes parents, ne pouvons pas toujours régler les différends avec sérénité : Reprendre les ainés passe pour déplacé. Est-on parmi de vieux barbons qu’il faut gober tous leurs sermons. Comme on prend une amère potion ; c’est pour garder la paix de la maison. Les mois passés ici ne seront pas perdus, toi-même tu ne l’aurais pas voulu, mais quand toujours on apprend et on lit, on aurait bien du mal à découvrir l’ennui. Mais voilà une autre question, pire tourment : « que vais-je mettre ? Mes vêtements sont trop petits. Je n’ai plus de pantalon, mon chemisier est grand comme un napperon. Et mes chaussures, comme elles me blessent, tout me torture, quelle tristesse !

J’ai choisi cet extrait car c’est un moment important du livre. Anne a ses quatorze ans dans l’Annexe et son père lui offre un cadeau avec les moyens du bord.

Thomas, 4C

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28 décembre 2018 5 28 /12 /décembre /2018 15:09

Curieux roman que celui-ci. Comment conjuguer l’histoire du nationalisme corse avec le rituel de l’enterrement catholique et le questionnement sur l’image ? C’est ce que l’auteur résout dans ce roman en s’appuyant sur un personnage, Antonia, une jeune femme qui relie tous ces fils.

 Antonia a reçu de son parrain un appareil photo dont elle ne peut se départir, elle photographie et fixe ainsi tout ce qu’elle voit dans le temps. Elle devient photographe pour un journal local mais aspire à un travail plus essentiel à ses yeux. Elle part en Yougoslavie quand éclate la guerre et suivant l’itinéraire de Dragan D. un jeune appelé venu de Voïvodine, elle prend des photos impossibles à publier tant elles fixent l’horreur insoutenable. Dragan D après la guerre ne pourra plus se passer de la guerre et s’engagera dans la légion étrangère, Antonia se réfugiera dans la photo de mariage.  

Antonia est aussi la « femme » du nationaliste Pascal B. et suit ainsi l’histoire du nationalisme corse et plus précisément du FLNC de 1979 jusqu’à 1999, ses  conférences de presse, ses plasticages, ses attentats.

Enfin tout le roman ou presque relate la cérémonie d’enterrement d’Antonia, tuée dans un accident de voiture : l’histoire est ainsi rythmée par les prières au bas de l’autel, le Requiem aeternam, le Kyrie eleison, l’épître, le Dies Irae, jusqu’au Libera me.

Majestueuse composition d’où émergent de très beaux portraits parmi lesquels celui du parrain d’Antonia, qui célèbre la cérémonie.

Extrait choisi : « … la mort est passée, en vérité, la mort est déjà passée au moment même où une main anonyme actionne le déclencheur, dans l’immeuble de la Loubianka, les prisons de Phnom Penh ou, plus loin encore, dans un appartement de Santiago du Chili, alors que le soleil éclaire à contrejour le visage d’une étudiante souriante tenant entre ses mains l’étui en cuir d’un appareil photo et qui n’eut d’autre sépulture que ce portrait et alors, peut-être, Antonia aurait pu songer que tous ces clichés dont elle avait si honte d’être l’auteur, les joueurs de pétanque, les comités des fêtes, les élections de miss ou les jeunes gens posant en cagoule dans le maquis, le fusil à la main, sous des drapeaux à tête de Maure disaient au fond eux aussi la même chose, avec la même innocence et, bien sûr, la même absence de pitié. »

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19 janvier 2017 4 19 /01 /janvier /2017 19:15

Beaucoup d'encre a déjà coulé à propos de ce roman sélectionné et élu au Goncourt des Lycéens qui une fois encore distingue un magnifique roman.

Comment rendre compte d'une expérience telle que celle que raconte ici l'auteur, celle du conflit sanguinaire entre Tutsis et Hutus, surtout lorsqu'on s'y est trouvé mêlé de si près ? C'est la question que soulève ce roman.

Le héros, lui, avait fait des choix pour se protéger : se retirer du monde, rester dans l'impasse où il vit avec son père, un Français, sa mère, une Rwandaise, sa soeur Ana et quelques employés et où il côtoie quelques camarades. Et lorsque même cette impasse devient dangereuse à son tour, se retirer chez soi, dans l'univers des romans prêtés par la voisine grecque. Plus globalement, Gaby voudrait se réfugier dans l'enfance, celle de l'innocence, du vol des "mangues charnues" du jardin de Madame Economopoulos, des "bouts d'zizis" des jumeaux "partis  au paradis", du vélo volé et retrouvé, des rêves d'amour avec Laure, la correspondante...  Plus tard, retiré en France, il évoque la France telle "un pays comme une impasse, où les bruits de la guerre et la fureur du monde nous parviennent de loin."

Mais se tenir à l'écart du monde, se réfugier dans l'enfance ou dans une impasse se révèle impossible : la famille maternelle de Gaby  est victime du génocide, celle de son voisin aussi, le père de Gaby lui-même est assassiné. Gaby ne pourra plus résister aux pressions, lui aussi participera à la sauvagerie avant de partir. Et plus tard, lorsqu'il revient au pays désormais en paix, c'est sa mère, l'esprit et le corps dévastés par la guerre qu'il retrouve au hasard comme si l'horreur devait lui revenir sous les yeux sans échappatoire possible. 

Pourtant que ce pays de l'enfance était beau ! "Dans le jardin de Jacques, l'herbe était impeccablement tondue par un vieux jardiner qui agitait son coupe-coupe dans un grand mouvement de balancier, comme un swing de golf. Devant nous des colibris vert métallisé s'affairaient à butiner le nectar des hibiscus rouges, offrant un remarquable ballet. Un couple de grues couronnées déambulait à l'ombre des citronniers et des goyaviers. Le jardin de Jacques grouillait de vie, éclatait de couleurs, diffusait un doux parfum de citronnelle. Avec son mélange de boiseries rares issues de la forêt de Nyungwe et de roche noire et poreuse provenant du volcan Nyiragongo, sa maison ressemblait à un chalet suisse."(p.23)

JBicrel, janvier 2017

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       Le livre Petit Pays de Gaël Faye est paru le 24 août 2016 aux éditions Grasset. Ce roman a été récompensé par le prix Goncourt des lycéens mais également nominé pour le prix Renaudot, la même année 2016. Son auteur, connu avant comme auteur-compositeur-interprète, écrit Petit Pays comme premier roman. Il raconte la vie de Gabriel, 10 ans, son père est français et sa mère rwandaise. Il vit dans un quartier aisé d’expatriés au Burundi. Une enfance heureuse entourée de ses parents, sa sœur Ana et ses quatre copains avec qui il passe la plupart de son temps. Sa petite histoire va se déchirer en même temps que l’Histoire du Burundi. Gabriel est un enfant fort, il ne succombera pas à l’effet de violence qui traverse son quartier et sa vie. C’est ce qu’il pensait avant d’être lui-même le protagoniste de ces violences.

       J’ai beaucoup aimé ce livre, il illustre la vision innocente d’un garçon qui voit sa vie basculée en même temps que tout ce en quoi il croyait. La tension qui monte crescendo nous tient en haleine.

Gaël Faye signe, avec ce premier roman, un accord entre la violence de ces révoltes et la douceur de Gabriel. Ce roman s’apprécie par le complément de l’écoute du titre Petit Pays, chanté par l’auteur, sortit en mars 2012, sûrement le préambule du livre.

Suzanne, novembre 2017

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 Petit Pays est le premier roman de Gael Faye qui est un auteur, compositeur, et interprète. Il est paru le 24 août 2016 aux éditions Grasset. Le livre a été plusieurs fois récompensé comme par exemple le Prix Goncourt des lycéens. Il nous témoigne de la vie de Gabriel, un pré-adolescent de 10 ans qui vit au Burundi avec son père d’origine française, sa mère qui est rwandaise et sa petite sœur Ana. Cette petite famille vit dans un confortable quartier d’expatriés. Gabriel passe le plus clair de son temps avec sa bande de copains. Leur quotidien change à l’arrivée du conflit ethnique sans fin, opposant là encore, Tutsis et Hutus. Un massacre va avoir lieu dans son quartier. Gabriel va donc devenir violent et va basculer…

     J’ai trouvé ce roman très intéressant et enrichissant, l’auteur fait surgir un monde oublié, rares sont les personnes qui en parlent. Ce roman nous amène à une certaine réflexion puisque Gabriel va grandir avec la guerre avant de partir en France. Pour moi ce sujet devrait être abordé plus régulièrement. J’ai beaucoup aimé ce livre.

 

Justine, novembre 2017

 

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12 juillet 2016 2 12 /07 /juillet /2016 16:22

Par ce roman publié en 1997, l'auteure nous fait découvrir la vie d'une famille de gitans relégués sur un terrain vague, en dehors du monde civilisé. Grace à son héroïne, Esther, une "gadjé" dont on ne sait presque rien (elle aurait un mari, et les gitanes se disent qu'il doit être très beau pour qu'elle ne le montre jamais et des fils que l'on ne voit pas davantage), on pénètre avec délicatesse dans le quotidien des gitans : leur fierté, leur mise à l'écart, leur promiscuité, leur pauvreté mais leur générosité lorsqu'ils invitent des plus pauvres à partager leur noël, leurs valeurs, le rôle des femmes, celui des maris, l'importance des enfants, le respect de l'aïeule ... Lorsque naît le petit garçon de Lulu, le père n'est pas admis à l'hôpital et son épouse l'est tout juste pour accoucher ; l'enfant n'est même pas déclaré à l'état civil, Lorsqu' Esther, qu' Angélique, la matrone du camp, finira par appeler "ma fille" parvient enfin à convaincre la directrice de l'école d'y inscrire la petite Anita, une porte semble enfin s'ouvrir mais peu après, les gitans sont chassés du terrain vague où ils séjournaient, Ester les voit moins régulièrement. Or, sa venue régulière au camp était pour les enfants puis pour tous un moment précieux car chaque semaine, elle lisait aux enfants de nouveaux livres et les écoutait réagir. A travers elle, le lecteur aussi découvre la sensibilité et l'intelligence de ces enfants avides de découvrir le monde et de rêver comme tous les enfants :

"Chaque mercredi (vers onze heures) Ester les installait l'un après l'autre dans la voiture. Elle laissait tourner le moteur et mettait le chauffage au plus fort. Tu vas bouziller ta batterie, disait Sandro. Tu crois ? s'inquiétait Esther. Il hochait la tête. Je coupe ? demandait-elle. Non ! hurlaient les enfants.Ils riaient. C'était toujours le même plaisir. La petite soufflerie ronflait. Esther prenait son livre. Ils ne bougeaient plus et hormis quelques reniflements, le silence était total. Elle ignorait qui, de la chaleur ou de l'histoire, les apaisait d'un seul coup, sans qu'ils ne demandent rien? Ils ne sont pas difficiles, se disait elle. Jamais ils ne réclamaient, jamais ils n'avaient soif ou faim comme d’autres enfants qui ont sans arrêt besoin de quelque chose . Elle lisait dans le calme. On entendait juste le ronflement d'air chaud. Les enfants avaient posé leurs mains sur leurs cuisses. "Un âne comme Cadichon est un âne à part. - Bah! tous les ânes se ressemblent et ont beau faire, ils ne sont jamais que des ânes. ". Ils entraient petit à petit dans la chose du papier, ce miracle, cet entre deux-deux. "Il y a âne et âne. " Certaines tournures leur semblaient drôle. Ils riaient sans retenue. Esther ne s'arrêtait plus de lire pendant près d'une heure, et quand elle finissait, ils s'étiraient, revenant de l'autre monde, plus enveloppant, plus rond, plus chaud que celui dans lequel ils retournaient à peine sortis de la voiture et qui les mordait au visage comme un chien fou."p 110, 111, Babel, Acte Sud

En somme, un très beau roman, plein de délicatesse.

J Bicrel

 

Grâce et dénuement est une œuvre d’Alice FERNEY éditée chez   Actes Sud et parue en 1997. Alice FERNEY alias Cécile Brossollet est née le 21 novembre 1961, elle vit à Paris et enseigne à Orléans, elle a déjà publié chez Actes Sud Le Ventre de la fée (1993) et L’Elégance des veuves (1995).

Sujet :

                C’est l’histoire d’une bibliothécaire du nom d’Esther, une « mangeuse de livre » qui un jour a commencé à faire la lecture aux enfants dans un camp de gitans. Au début, les parents étaient réticents mais ils la laissaient faire pour le plus grand bonheur des enfants. Suite à cela, les principaux membres du camp se sont mis à l’apprécier et à la considérer de la famille. Tout les mercredis matin elle allait faire la lecture, une des filles allait même à l’école grâce à elle. Mais des événements ont tout fait basculer, la mort d’un des enfants, l’exclusion d’un autre et la mort d’Angeline, la grand-mère du camp. Suite à cela, Les gitans ont déménagé plus loin c’est pourquoi Esther ne va plus aussi souvent leur faire la lecture.

Verbe :

Alice Ferney manifeste notamment une prédilection pour le style indirect libre et elle aime croiser les consciences de ses personnages. Elle emploi e aussi le discours direct.

Voici l’extrait que j’ai choisi, il est situé aux pages 25,26 :

« Le petit éléphant volant », ce fut son prénom. Le dernier-né de Misia s’appela Djumbo. Parce que sa mère n’avait pas d’idée et que son père lui trouvait de grandes oreilles. Djumbo naquit le premier sur ce nouveau territoire, mais pas plus que les autres n’y reçut sa place.

 Le voyage en camion, le travail pour s’installer et l’anxiété naturelle de la mère dans ce grand remuement s’étaient confondus avec le terme. Le lendemain de leur arrivée au potager, dans une aube fraiche et mouillée de banlieue, Misia et Lulu partirent pour l’hopital. Ils se perdirent dans le dessin inconnu des rues toutes semblables qu’ils découvraient ce matin-là. Et il devrait y avoir un dieu des mères et des enfants, puisqu’ils finirent par s’y retrouver dans le plan qu’ils consultaient.

                Tout d’abord, on les renvoya. La grossesse s’était passée ailleurs, la future mère n’était pas inscrite à la maternité. Mais l’homme qui ne portait pas son enfant souffrait plus que la mère qui le mettait au monde. Il  laissa se crever la boule d’amour et d’impuissance qui s’était faite en lui. De Misia blanche et ronde, et même plus que blanche, si blême et silencieuse, personne ne se préoccupait : Lulu devint fou. Il hurla de toute sa juste colère, le bruit qu’il fit réussit à convaincre. Un interne se mit à crier lui aussi, après ce cirque et cette honte, pour qu’enfin vienne une sage-femme. La conscience médicale acheva de faire ce qui était dû : on voyait les cheveux de l’enfant. »

Jai choisi cet extrait car pour moi il est représentatif du livre et également de la vie des gitans. Jai été scandalisée par ce passage en voyant à quel point ils étaient exclus. Une femme était sur le point d’accoucher et les services médicaux ne réagissaient pas. Je trouve cela extrêmement grave.

Complément :

Pour ma part, j’ai vraiment dévoré ce livre, du début jusque la fin. Il était à la fois émouvant et instructif.  Malgré les mésaventures, leur clan a toujours été soudé et Esther qui ramenait toujours un peu de bonheur dans ses lectures.

Ce livre met beaucoup en valeur le respect des uns envers les autres, quelle que soit l'origine. Mais il fait également énormément ressortir  les relations entre la femme et son mari. La mort est elle aussi très présente.

Clémence, 1S2

Sujet :

Des Gitans viennent occuper l’ancien potager, qui restait totalement inconstructible, d’une institutrice retraitée, celle-ci ne voulant, en effet pas le vendre à la commune. Ces gens du voyage forment une famille, effectivement la mère, Angéline, vit avec ses cinq fils, ses quatre belles-filles et ses nombreux petits-enfants. Cette famille est en marge de la société et plongée dans une grande misère. Cependant elle ne recherche pas de soutien auprès du reste de la population, d’autant plus que celle-ci  ne l’accueille pas avec joie. On observe donc deux mondes opposés qui se côtoient. Mais un jour, une bibliothécaire nommé Esther DUVAUX, va venir discuter avec Angéline, le pilier de cette tribu. Pendant un an, elle rendra visite à celle-ci, jusqu’au jour où elle propose à Angéline de venir, chaque semaine, lire des histoires aux enfants illettrés. Mais c’est tout d’abord avec un peu de nonchalance qu’Esther DUVAUX est accueillie, effectivement la vieille n’aime pas montrer qu’elle manque de quelque chose même si elle sait que des livres, jamais elle n’en a possédé. Angéline finit par accepter le projet de la bibliothécaire, les enfants s’attachent alors de plus en plus à cette femme, jusqu’à ne plus pouvoir s’en passer. Les femmes commencent à venir écouter ses histoires et même Angelo (le seul des fils d’Angéline qui n’a pas de femme). Celui-ci devient même amoureux (en secret) de cette bibliothécaire. Elle fait ainsi rêver les petits et les grands.

Verbe :

Alice FERNEY nous raconte cette histoire à travers une écriture au style plutôt courant et sobre, où elle exprime de nombreux sentiments tels que la fierté, l’amour, la haine, la tristesse… Elle emploie une majorité de phrases assez longues mais souvent ponctuées par des virgules. Ses paragraphes aussi sont très longs et sondent patiemment les secrets des gitans et les replis de l’âme. Elle nous décrit en effet la misère que vivent ces Gitans et nous fait part du portrait de ceux-ci. Cela permet ainsi aux lecteurs de rentrer dans l’intrigue et surtout de mieux pénétrer l’univers secret des gitans..

Extrait :

«Un peu plus loin, du côté des caravanes, les femmes étaient aussi entre elles-groupées autour du feu comme autour de leurs secrets, qui n’étaient pas tant ce qu’elles savaient ou fabriquaient et qu’elles auraient voulu taire, mais ce qu’elles ressentaient et qu’elles ne pouvaient pas dire. Parce qu’on a beau vouloir croire le contraire, un homme, un mari, ça ne comprend pas tout. Ça comprend rien ! disait Angéline qui pensait à ses nuits de désirs muets que l’époux n’avait pas soupçonné, lui qui avait pu dormir à coté d’elle sans la toucher. Oh mais oui ! Il avait refusé cette nature flamboyante qui avait fait cinq fils sans se coucher. Elle le répétait : Les hommes et les femmes, c’est rien de commun, et ça tient toujours à cause des femmes. Parce qu’elles en finissent assez vite de s’aveugler et de vouloir. Elles voient, après la chair, l’amour et les caresses qu’ils s’arrêtent jamais de prendre, et qu’il y a rien d’autre à faire que donner. Et ce qu’elle-même avait donné, non décidément elle ne l’avait plus, pensait Angéline, son ventre, sa douceur de nid, son élan pour diriger la vie sur un bon chemin et la gaieté d’avoir à le faire. Toute cette grâce pour vivre s’était diluée dans une grande fatigue. L’épuisement était entré en elle imperceptiblement, un jour derrière l’autre à se dire qu’elle se sentirait mieux le lendemain, un mois glacé après un autre, une année mauvaise suivant une qui n’avait pas été facile (on passe son temps à attendre au lieu d’être). L’épuisement avait d’abord emporté la fraicheur de son visage - sans que personne n’y vit rien car elle continuait de sourire elle était encore jolie. Puis la force incroyable de son corps, la vitalité inaltérable qui le portait vers une tâche, cela s’était perdu ensuite. Son visage alors était devenu ridé et gris (lui qui avait était rond et fruité) et ses yeux étaient entrés dans deux petites cavernes bleues dont elle ne sortirait plus jamais, et elle avait grossi à force de moins se remuer. Pour finir il n’était rien resté de ce qui avait fait la femme et la mère. Quand l’immense appétit (de plaisir et d’enfants, de vin, de fêtes, de bon sommeil et de vie) s’était usé contre le mari endormi, affalé, mort enfin, elle était restée seule avec une étrangère : elle-même veuve et vieillie elle était lasse maintenant, et lui, ce mari qui l’avait prise et gardée tout de même n’en était pas venu à bout : il était mort avant elle. Elle n’en avait choisi d’autre. Non qu’elle n’avait pas eu de nouvelle envie d’amour, mais c’était une envie simple et minuscule, elle aurait voulu cette fois ne donner que sa peau. Or sa peau ne pouvait suffire (ça ne suffisait jamais d’ailleurs), elle était fripée depuis longtemps. Que la vie est triste ! se disait quelque fois Angéline, on ne fait que décliner après avoir travaillé, et nous les Gitanes, on a pas le temps d’apprendre quelque chose, un métier, le monde comment il est tourné, que déjà on se trouve grosse, accaparée par les enfants et le mari. »

Ce passage se situe entre la page 46 et la page 47. Il se trouve dans la deuxième partie de l’œuvre.

Je trouve cet extrait représentatif de ce roman, en effet dans ce passage on en apprend davantage sur la vie antérieure d’Angéline car la narration se mélange au propos rapportés dAngéline. J’ai trouvé cela pertinent puisque c’est elle qui dirige la tribu, qui est le pilier de celle-ci. De plus dans cet extrait on remarque que les femmes restent ensemble et on voit le caractère franc d’Angéline lorsqu’elle affirme à ses belles-filles : « un homme, un mari, ça ne comprend pas tout. Ca ne comprend rien ! ». Je trouve aussi que cet extrait représentait bien le titre de ce roman, on y retrouve la grâce de cette vieille dame puisqu’en effet elle continue de sourire mais avec l’épuisement et le dénuement dans lequel cette famille est contrainte, Angéline perd sa force et sa vitalité.

 

Complément :

J’ai très vite accroché au roman, en effet l’action démarre in medias res et cela permet une immersion dans l’histoire. De plus j’aime beaucoup les romans qui nous racontent la vie de personnes, et en particulier dans celui-ci j’ai été très touchée par la misère de ces Gitans, d’autant plus qu’il y a des enfants, et que ces derniers ne sont même pas scolarisés. Ils ne savent ainsi ni lire, ni écrire, ni compter. C’était alors une très bonne idée de faire intervenir une bibliothécaire, qui fait preuve d’une grande patience et d’une grande générosité. Cela montre aussi à quel point la lecture peut faire oublier pendant quelques instants la misère. J’ai trouvé cela magnifique. De plus cette famille me passionnait et en particulier Angéline, qui est une femme de caractère mais elle était très touchante car à certains moments j’ai pu éprouver une certaine pitié à son égard. En effet les conditions dans lesquelles elle vit ne sont vraiment pas faciles pour une femme de cet age. Mais tous les personnages m’ont quand même intéressée, car on a l’impression de vivre leur quotidien avec eux. L’histoire nous tient en haleine jusqu’au bout, avec une fin très touchante et toujours avec l’envie d’en apprendre plus sur cette famille ! Je conseille alors vivement cette lecture, dont je me souviendrai longtemps. Un roman à ne pas rater !!       

Pauline, 1S2   

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15 avril 2016 5 15 /04 /avril /2016 19:36
FOENKINOS, David, Le Mystère Henri Pick

J'ai écrit en septembre dernier une critique très mitigée de La Délicatesse. Cette fois, je me dois de rendre justice à David Foenkinos : son Mystère Henri Pick est un vrai régal ! Bien sûr cette histoire de bibliothèque des refusés à Crozon est déjà une promesse tant l'idée est romanesque mais ensuite la promesse est tenue, jusqu'aux dernières lignes : les histoires s'entrelacent, se nouent ou se dénouent sans cesse, plus improbables les unes que les autres et l'auteur manie les fils en virtuose. L'histoire de la plantureuse bibliothécaire prête à quitter son mécanicien de mari pour un jeune poète rimbaldien est un sommet de cet art ! "C'est vrai que Magali n'était pas du genre à partir comme ça, sans prévenir ; de manière générale, elle n'était pas du tout du genre à faire quoi que ce soit de non prémédité ; son existence était une succession de planifications. [...] Elle ouvrit la porte de la bibliothèque au petit matin, tout était tellement calme, comme si les livres eux aussi dormaient, et traversa les rayonnages pour rejoindre son bureau. Son cœur battait d'une manière nouvelle, sur un rythme inédit. Elle aurait pu marcher vite, se précipiter vers ce qu'elle allait découvrir, mais elle aimait ce temps d'attente ; pendant quelques mètres, quelques secondes, tout était encore possible." (p. 219). Le narrateur, qui manifeste de temps en temps son omniscience, ménage le suspense et nous fait ici attendre avec Magali de découvrir si, oui ou non, Jérémie est encore là. Outre ces deux personnages, c'est tout une galerie de portraits que l'auteur trace avec précision et... délicatesse !

Au cœur de ce récit publié chez Gallimard, c'est aussi tout le monde de l'édition que l'on explore à travers les intrigues et les personnages : c'est chez Grasset que les choses se passent mais on devine bien que cela peut concerner la plupart des grands éditeurs. On découvre ici comment peut se créer un événement, de toute pièce, dans le monde littéraire et comment on accompagne la sortie d'un livre que l'on veut promouvoir pour des questions d'argent et plus encore pour des questions de renommée. On explore un monde d'ambitieux, de déchus, de ratés et de secrets. Cette histoire-là est moins légère et plus mélancolique mais l'auteur l'aborde sans pesanteur, l'entrelaçant avec les histoires de vies, romanesques et sentimentales.

En somme, un très bon moment de lecture, à ne surtout pas manquer !

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