Ce roman publié aux États-Unis en 2018 a été traduit et publié au Seuil en 2020. Il s'agit du premier et, pour le moment, unique roman de cette romancière et zoologiste jusque là connue comme scientifique.
Or c'est un magnifique roman, un roman très complet : il vous émeut par l'histoire de la jeune Kya "la fille des marais", celle que tous abandonnent et que beaucoup rejettent ; il vous éblouit par la poésie de ses magnifiques descriptions des marais de Barkley Cove en Caroline du Nord, de leur faune, de leur flore ; il vous tient en haleine jusqu'aux toutes dernières pages par l'intrigue policière et par les allers-retours entre les années, de 1952 à 1970 ; il vous cultive par les très nombreuses explications concernant la faune des marais ; il vous donne à réfléchir par les rapprochements établis entre les modes de vie des humains et celui des animaux... Cela justifie peut-être les quatre millions de lecteurs.
Le personnage de Kya, enfant abandonnée et femme indépendante, libre et forte pourrait à lui seul l'expliquer mais ce serait sans compter sans Tate, Jumping et Mabel dont l'humanité rachète un peu le racisme, l'intolérance, l'orgueil, la fourberie des autres représentants de l'espèce.
En somme, un roman à ne surtout pas manquer sous un titre aussi poétique qu'énigmatique, tout à fait révélateur du talent de l'autrice dont j'aimerais lire d'autres récits.
extrait choisi : " La lagune sentait à la fois la vie et la mort, un mélange organique de promesses et de décomposition. Les grenouilles coassaient. Avec mélancolie, elle regarda les lucioles griffer le ciel de la nuit. Elle n’en capturait jamais, on en apprend plus sur les insectes quand ils ne sont pas enfermés dans un bocal. Jodie lui avait expliqué que la luciole femelle produit un clignotement sous sa queue pour faire signe au mâle qu’elle est prête à s’accoupler. Chaque espèce de luciole possède son propre langage de lumières. Tandis que Kya les observait, quelques femelles émettaient leur rayon intermittent tout en dansant en zigzag, tandis que d’autres décrivaient des figures différentes. Les mâles, bien sûr, connaissaient les signaux et ne se dirigeaient que vers les femelles de leur espèce. Puis, ainsi que Jodie le disait, les insectes frottaient leurs derrières l’un contre l’autre comme la plupart des créatures vivantes, pour donner naissance à des petits. Soudain, Kya se redressa et concentra toute son attention : une des femelles venait de changer de code. Elle commença par la séquence ordinaire, points et traits lumineux, attirant un mâle de son espèce, et ils s’accouplèrent. Puis elle se mit à émettre des signaux différents, et un mâle vola vers elle. À lire son message, il s’était persuadé qu’il avait trouvé une femelle de son espèce désireuse de le rencontrer et il s’approcha pour s’accoupler. Mais brusquement, la femelle se releva, le prit entre ses mandibules et l’engloutit, dévorant ses six pattes et ses deux ailes"