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7 avril 2019 7 07 /04 /avril /2019 13:51

Dans ce roman publié en mars 2019 en France mais déjà paru en 2016 en Turquie, Oran Pamuk prix Nobel

de littérature en 2006, jongle de façon étourdissante entre symboles, mythes, Orient, Occident, passé et présent, tradition et modernité, réalisme et merveilleux, réalité et apparence.  Alors que retenir de cette lecture ?

Que l'absence ou le rejet du père est une caractéristique de l'homme moderne ? Ou de l'homme occidental ? Ou les deux, moderne et occidental sont-ils indissociables ? 

Que les mythes induisent immanquablement nos actions ? c'est le cas pour Cem, adolescent sans père qui abandonne à la mort celui qui était pour lui le substitut du père et fait un enfant à la femme qui fut autrefois l'amante de son père. L'histoire d'Oedipe rejouée au XXIe siècle ! Mais c'est le cas aussi de son fils qui le tue d'une balle dans l’œil.  Une fatalité, dépourvue toutefois de noblesse : Cem découvre trente ans plus tard que Mahmut, le puisatier qui lui avait servi de substitut de père, n'est pas mort à cause de lui.  Le père de Cem, Akin, un pharmacien gauchiste a disparu mais ce n'est pas pour fuir une prédiction, plutôt pour retrouver une autre femme. Cem, lui-même est devenu un riche promoteur et son fils, Enver, qui lui a intenté un procès en reconnaissance de paternité est soupçonné de concupiscence. Or, au mythe grec d'Oedipe est associé à plusieurs reprises celui de Rostam qui dans "Le Livre des rois" tue sans préméditation son fils Sohrab. Sohrab est justement le nom que Cem et son épouse ont donné à leur société de promotion immobilière !  Alors, le fatalité a bon dos, non ?

Que les légendes ont fait long feu ? Cette femme aux cheveux roux qui a séduit le père de Cem et a fait un enfant avec Cem, c'est une figure de Jocaste mais fausse rousse, comédienne et souvent aguicheuse au théâtre, voilà une Jocaste qui sent le souffre ! 

Qu'Istanbul s'émancipe et se métamorphose ? Du terrain caillouteux où le puisatier et son apprenti s'évertuent à creuser un puits à la ville tentaculaire moderne, c'est aussi ce qu'observe la narrateur au cours de la trentaine d'années que dure l'histoire.

 

Extrait : L’essentiel de nos fonds passait dans l’achat de terrains ou de vieux immeubles dans des zones vouées à prendre de la valeur, soit pour investir, soit pour obtenir de nouveaux chantiers. Et lorsque j’achetais des parcelles vides en banlieue, j’avais le sentiment d’être comme ces sultans qui tâchent de tromper leur douleur de ne pas avoir d’héritier en annexant de nouvelles provinces à leur empire. Comme Istanbul, Sohrâb connaissait une croissance vertigineuse.

 

Nous fîmes équiper notre voiture d’un GPS. Les yeux fixés sur cet écran nous indiquant l’itinéraire, ma femme et moi nous rendions dans de nouveaux quartiers d’Istanbul qui nous étaient totalement inconnus, sur les collines d’où l’on apercevait les îles des Princes à l’horizon. Nous étions impressionnés par le rythme effréné de la croissance urbaine, mais au lieu de nous lamenter comme tant d’autres sur la destruction et la disparition de la vieille ville, nous accueillions ces nouveaux lieux comme d’heureuses opportunités d’affaires. Au bureau, Ayşe scrutait quotidiennement les annonces de ventes aux enchères judiciaires parues dans le Journal officiel ; elle suivait également la page « immobilier » du journal Hürriyet et d’autres sites.

(chapitre 32)

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