L’ambition, la sexualité, l’éducation, la réussite, le narcissisme, l’altérité, la justice, la loi, le droit, la société, l’individu, les réseaux sociaux, la solitude, … les choses humaines (reshumana vs respublica ? ) qui sont en jeu dans ce roman conduisent à un constat plutôt désespéré
: « On était souvent déçu par la vie, par soi, par les autres. On pouvait tenter d’être positif, quelqu’un finissait par vous cracher sa négativité au visage, ça s’annulait, on crevait de cet équilibre médiocre, mais lentement, par à-coups, avec des pauses lénifiantes qui proposaient une brève euphorie : une gratification quelconque, l’amour, le sexe – des fulgurances, l’assurance d’être vivant. C’était dans l’ordre des choses. On naissait, on mourait ; entre les deux, avec un peu de chance, on aimait, on était aimé, cela ne durait pas, tôt ou tard, on finissait par être remplacé. Il n’y avait pas à se révolter, c’était le cours invariable des choses humaines. »
Or ce constat est celui d’un jeune homme de 26 ans seulement, Alexandre FAREL, un jeune homme qui vient de poster sur twitter une photo sur le succès de start-up avec les hashtags #Loving #Success #HappyMe #Thanks #Bepositive #Lovemylife. ! un jeune homme bien de son temps, un jeune homme brillant issu d’une famille parisienne qui côtoie les milieux politiques et intellectuels les plus élevés.
Pour en arriver là, il lui a juste fallu un père self-made-man, journaliste politique, égocentrique et phallocrate, une mère féministe, essayiste très en vue, peu encline au maternage, tous deux ayant déserté le logis familial pour tenter de vivre une autre. Il lui a fallu aussi des études de très haut niveau, destinées à lui préparer un brillant avenir. Il lui a enfin fallu croiser le chemin d’une jeune fille d’origine plus modeste, une jeune rescapée de la tuerie de Toulouse en 2012, jeune fille dont la mère et la sœur se sent repliées dans le judaïsme orthodoxe alors qu’elle, Mila Wizman, 18 ans, tente de retrouver une vie normale aux côtés de son père.
Rien ne permettait d’envisager leur rencontre si ce n’est la passion amoureuse du père de Mila et de la mère d’Alexandre et leur installation pour une vie commune. Alors, en une soirée, l’univers bascule.
Ce roman tout à fait trépidant nous plonge dans les arcanes de la justice, nous faisant découvrir avec les personnages les procédures de garde à vue, de mise en examen, de liberté conditionnelle…découvrir les plaidoyers et réquisitoires, les témoignages divers et ainsi toutes les approches envisageables de la question centrale : à partir de quand peut-on s’accorder à parler de viol ?
Des sujets d’actualité, une certaine vision du monde et un art du récit parfaitement maîtrisé, voilà qui aboutit à un très bon roman pour cet automne.