Paru en 2011, ce roman m'avait à l'époque attirée et révulsée. Il est des époques de la vie où certains livres heurtent et sont inaccessibles.
Je viens maintenant de le finir. En refermant ce livre, c'est une famille nombreuse qu'il faut quitter, une famille meurtrie par les disparitions prématurées, les secrets trop bien gardés, les séquelles, les non-dits et la résilience. Delphine de Vigan dresse ainsi un vaste panorama de sa famille et plus largement de la famille de sa mère Lucile. Mais cela conduit à s'interroger sur l'écriture elle-même et c'est aussi ce qui fait l'intérêt de ce récit : "Ai-je pris à ma charge, sans le savoir, le désir de Lucile ? Je ne sais pas. Lorsque j’ai publié pour la première fois, je n’ai pas eu le sentiment d’accomplir quelque chose dont elle avait rêvé ni d’être dans le prolongement d’une démarche inaboutie ou inachevée. Lors des échanges que nous avons pu avoir, Lucile n’a jamais établi aucun lien, ni opposition, entre mon désir d’écrire et le sien, et a gardé secrètes la plupart de ses tentatives de publication. Il me semble, pour elle comme pour moi, qu’il s’agissait d’autre chose. [...] Aujourd’hui, ma sœur et moi seules avons accès aux textes de Lucile, à leur douleur et à leur confusion.
Ces textes me rappellent à l’ordre et me questionnent sans cesse sur l’image que je donne d’elle à travers l’écriture, parfois malgré moi. Lorsque j’écris sa renaissance, c’est mon rêve d’enfant qui ressurgit, ma Mère Courage érigée en héroïne : « Lucile laissa derrière elle ses heures parmi les ombres. Lucile, qui n’avait jamais pu monter à la corde, se hissa hors des profondeurs, sans que l’on sût véritablement comment, en vertu de quel élan, de quelle énergie, de quel ultime instinct de survie. » À la relecture, je ne peux ignorer la mère idéale qui plane malgré moi sur ses lignes. Non contente de s’imposer sans que je la convoque, la mère idéale s’écrit dans un lyrisme de pacotille."
Le titre est issu de la chanson Osez Osez Joséphine d'Alain Bashung, une chanson qui va bien à l'héroïne Lucile.