La dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil
Voilà un titre à rallonges qui en dit beaucoup sur le sujet sans pourtant le dévoiler !
Ce titre est à l’image du récit qui ajoute sans cesse une nouvelle énigme, un nouveau personnage ou une nouvelle aventure à l’histoire de Dany Longo, une jeune femme blonde et myope, employée dans une agence de publicité parisienne.
On se trouve avec elle régulièrement confronté à d’impossibles énigmes : Pourquoi Dany a-t-elle été blessée à la main gauche lors d’une agression dans les toilettes d’une station service alors que personne n’a vu qui que soit entrer ou sortir des toilettes ? comment Dany s’est-elle retrouvée avec un cadavre dans le coffre de sa Thunderbird alors qu’il n’y était pas peu avant ? Pourquoi retrouve-t-elle son manteau chez une personne alors qu’elle n’est jamais chez elle ni même dans sa région ? Pourquoi Dany découvre-t-elle à plusieurs reprises des preuves de son passage où elle n’est jamais venue ? Pourquoi la maison du cadavre à Villeneuve-les-Avignons ressemble-t-elle tant à celle du patron à Paris ?
Face à ces invraisemblances, Dany se demande si elle rêve ou si elle est folle, si elle est victime ou si elle est coupable et le lecteur se le demande aussi, car reviennent en mémoire de Dany des souvenirs brutaux : elle avait battu et chassé son amie Anita qui se livrait à des frasques dans son appartement, elle avait manqué la mort de maman-sup qui était sa maman de remplacement à l’orphelinat ; sa mère et son père étaient morts dès son très jeune âge de façon très brutale, elle-même avait avorté d’un enfant conçu avec un homme déjà marié… les pensées se bousculent et Dany se retrouve à demander à plusieurs fois à diverses personnes des informations sur elle-même auxquelles on répond invariablement qu’elle doit bien savoir elle-même.
Or Dany est une personne plutôt fantasque : elle se nomme Marie Virginie Longo mais se fait appeler Dany Longo, elle conduit une magnifique Thunderbird à la demande de son patron alors qu’elle sait à peine conduire et au lieu de ramener la voiture chez le patron, elle décide d’aller voir la mer à Cassis ou à Monte-Carlo ! Ainsi, le lecteur est confronté à des anomalies temporelles comme géographiques qui sans cesse le déstabilisent.
Le narrateur adopte le point de vue de l’héroïne presque tout le récit et cela donne au texte une belle fraicheur, car Dany se sait menteuse et myope, elle manque de confiance en elle ce qui ne l’empêche pas de rêver d’aller voir la mer, de prendre l’avion…, de faire comme les autres, pense-t-elle. Au cours de son aventure, elle multiplie rencontres et retrouvailles parfois improbables qui sont autant de personnages vigoureusement campés.
Écrit en trois semaines parait-il, ce roman se lit d’une traite et il faut attendre, comme l’héroïne, la découverte d’une seconde enveloppe de paye ou la fin du récit pour obtenir des réponses aux questions qui se posent.:
Extrait : "Je me suis habillée, _ tailleur blanc, pansement mouillé, lunettes noires _ après m'être aperçue, en cherchant un peigne dans mon sac à main, que Philippe ne m'avait pas abandonnée une seconde fois sans me prendre mon argent. Mon enveloppe salaire était vide, mon portefeuille aussi.
Je ne crois pas avoir ressenti d'amertume. C'était enfin quelque chose de naturel, que je pouvais m'expliquer facilement."