Le chien des étoiles,
C’était un court roman à propos de Gio, un gitan qui revient de l’hôpital après avoir frôlé la mort, un tournevis lui ayant déchiré le crâne. À son retour, il est accueilli les bras ouverts par son père et il découvre qu’il a dans la famille deux personnes de plus : un jeune garçon muet et une jeune fille. Le soir, il s’aperçoit que la jeune fille sert d’esclave sexuelle à son père.
Dès le lendemain, les amis de la famille arrivent et on fauche la clairière car il s’agit de venger l’attaque qu’avait subie Gio. Une fois la clairière préparée, la troupe s’avance vers celle des cousins afin de les défier. Or, le défi tourne vite au drame : le jeune garçon muet tue le chef de famille rivale ! Les deux familles s’entretuent tandis que Gio s’enfuit avec la jeune fille Dolorès et le jeune garçon muet.
Au fil de leur parcours, le lecteur découvre divers personnages ou groupes de personnages, tous à la marge, tous chargés d’une histoire. Celle de Gio, de Dolores et du jeune garçon apparaît comme une cristallisation de la malédiction commune qui voue ces êtres au malheur.
On rencontre rarement des personnages compatissants ou solidaires dans ce roman mais quand même ici et là un gendarme, un vigile et surtout Henrique le cubain exilé devenu entraîneur de boxe après avoir été estropié on ne sait dans quelles circonstances. Henrique comprend que l’envie de vivre a quitté Gio. Il lui offre sa cabane au sommet de la colline à l’écart de la ville et lui apporte chaque jour de quoi manger…. Plus tard Henrique donne un nom à cette colline : la colline aux loups ! Clin d’œil de rappel du roman précédent : décidément l’auteur s’intéresse aux personnes en marge.
Sur le monde des gitans j’ai un souvenir encore très ému du célèbre Grâce et dénuement d’Alice FERNET. Ici le dénuement n’est pas précisément évoqué mais plutôt l’impossibilité d’échapper à ses origines. Quant à la grâce elle est dans le geste de Gio pour effacer les mauvaises actions qui prédestinent Dolorès et le petit muet comme dans sa communion avec les odeurs de la nature, les couleurs et textures des nuages ou du plumage de la chouette.
Surtout la langue de ce récit est particulière, nerveuse, hachée, parfois populaire et déstabilisante : il m’est arrivé de chercher le sens de mots dans le texte sans le trouver. Mais on comprend qu’il s’agit de découvrir un monde à part qu’on ne peut d’ailleurs situer géographiquement .
extrait : Le lendemain, le ciel est maussade et pendant des heures il ne se passe rien. Gio et les deux autres laissent s’effilocher le temps en rêvassant. Subitement une main saisit le rebord du wagon. Ils entendent des jurons, Gio se lève, prêt à frapper au cas où ce serait l’un des cousins. Mais ce n’est qu’un vagabond. Il se hisse à l’intérieur et, dans l’effort, fait le tour des propos obscènes. Sa posture au bord du vide et sa vêture étrange lui font une forme incongrue. C’est bien un homme, avec des jeans dégoûtants et une veste militaire usée, un chapeau de nylon étanche qui ressemble à ce que portent les pêcheurs de carpe, Gio en avait aperçus plusieurs fois dans son enfance, près de la cabane. Le Père se plaisait à les faire fuir en tirant en l’air, et parfois aussi dans leur direction.
L’homme bondit en les découvrant, il les dévisage et glapit.
— Oh, mais bonté divine ! Qu’est-ce que c’est que cette cohorte, un grand type et, c’est quoi cette poupée, ça peut pas être ta femme et ton fils, vous m’avez l’air un peu jeunes pour avoir déjà produit un engin pareil.
Il lorgne Papillon qui lui rend des yeux guerriers. Le vagabond fait le type qui se rend les mains en l’air."