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28 septembre 2023 4 28 /09 /septembre /2023 08:29

Dans ce roman, tout est dédoublé : l’auteur lui-même a son double qui écrit un roman qu’il intitule «  La mangeuse de tableau ». Ce romancier écrit à sa demande l’histoire de Sarah, une jeune femme qui vit en Bretagne et choisit de doubler cette histoire par celle de Suzanne, une autre jeune femme de son invention qui vit à Dijon. Or ces deux femmes ont quasiment la même vie.  L’une est architecte, l’autre est généalogiste et toutes deux vivent dans une famille bourgeoise avec deux adolescents et un mari avocat fiscaliste.


Toutes deux en rémission d’un cancer du sein quittent leur emploi et décident de se réaliser, l’une par la création d’œuvres d’art architecturales dans son jardin, l’autre par l’écriture. Or la passion que toutes deux manifestent à créer s’accompagne d’un repli de leur conjoint qui déjà s’était montré très distant face à leur maladie. Puis ce mari ne se contente pas d’être distant, il se révèle aussi calculateur, froid, cruel et Sarah comme Suzanne finissent par aller vivre ailleurs, juste le temps qu’il réfléchisse. Elles ne s’en doutaient pas, mais elles allaient alors vivre un enfer : impossible de rentrer à la maison. Le mari est aux abonnés absents, la fille est fâchée et le fils finit aussi par prendre ses distances. Voilà qui les conduit à l’hôpital où leur mari ne trouve rien de mieux à faire qu’à leur présenter les papiers d’un divorce avec des clauses très défavorables à leur épouse. De guerre lasse, Sarah signe…
Tout au long de cette descente aux enfers, on souffre avec les héroïnes, on compatit et on s’accroche pour aller jusqu’au bout de la dégringolade de plus en plus violente.
On retrouve ici bien des thèmes et des techniques d’écriture communs avec l’amour et les forêts, mais poussés à leur paroxysme. Le roman, très bien écrit, joue sans cesse avec les notions de personnes et de personnages, de similitudes et de différences, de mises en abyme et de parallèle, de beauté et d’art. 

Extrait choisi : — Dix mille, je ne peux pas. Vraiment. Huit mille, en revanche… peut-être que je… oui, pourquoi pas, je suis d’accord. Va pour huit mille. Huit mille c’est déjà énorme pour un tableau qui en vaut deux mille. Faisons vite fait cette transaction et n’en parlons plus.

— Dix mille euros. C’est mon dernier prix. Je n’en bougerai pas, soyez-en assurée.

— Vous êtes cruel.

— Je ne crois pas, non. Je mets un juste prix à l’attachement qui est le mien pour cette peinture, voilà tout. Je ne vous force pas à l’acheter. La décision vous appartient, ne m’en faites pas porter le poids – sur le plan moral je veux dire. Ce serait un comble.

— …

— …

— OK. Comment fait-on ? Un chèque ?

— Et puis quoi encore ? En bons du Trésor tant que vous y êtes ! Il ne va pas falloir essayer de m’arnaquer ma petite dame.

— Un virement via mon appli bancaire ?

— Pour qu’il me soit signifié dans deux jours que le virement a été rejeté pour cause de fonds insuffisants ?

— Je vous montre mon solde si vous voulez, il est positif, j’ai largement de quoi payer. Donnez-moi vos coordonnées bancaires, je les rentre, je vous montre mon solde et je fais le virement sous vos yeux, ça vous va ? — Ça me va. Je vais vous chercher mon RIB. Je vous emballe votre tableau ? Je crois que j’ai gardé le papier kraft et la ficelle de l’antiquaire de Dijon, je dois avoir mis ça quelque part, attendez ici quelques instants.

Susanne va acheter ce tableau dix mille euros ?

Oui.

Vous êtes cruel comme écrivain.

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