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3 décembre 2023 7 03 /12 /décembre /2023 18:25

Prix Goncourt 2023, ce roman présente l'agonie du personnage principal en 580 pages ! Cette agonie offre l'occasion à Mimo de revoir toute son existence, ce qui permet au lecteur de découvrir de façon chronologique son enfance en France, la mort de son père, la pauvreté puis son départ pour l'Italie, pays d'origine de sa famille. Sa mère l'avait confié à un ami sculpteur qui devait le conduire à un cousin italien. La vie du jeune Mimo semble devoir s'écouler sur le mode Sans Famille. Tout va mal pour lui, même son talent pour la sculpture lui cause des ennuis. Les âmes charitables qu'il croise dans sa vie son comme lui, des êtres atypiques, marginaux comme Bizarro et sa sœur Sarah qui l'engagent un temps dans leur cirque, car sa petite taille sied au rôle du spectacle présenté au cirque.

Pourtant, le vent tourne lorsque Mimo rencontre, dans un cimetière, celle qui deviendra pour lui une sorte d'âme sœur, Viola Orsini. Cette rencontre, tout à fait improbable, est l'occasion de scènes dignes de romans pour jeunes lecteurs et même, plus tard, d'une scène grotesque : la fessée publique de Mimo chez les Orsini !

Or Viola a beau être d'un autre monde, elle aussi est atypique, ce qui irrite bien sa famille : non seulement elle s'allonge sur les tombes pour communiquer avec les morts, mais en plus, le jour de ses fiançailles, elle se lance d'un toit, espérant voler. Plus tard, elle veut aller en Amérique et plus tard encore, elle est candidate aux élections dans une Italie à peine remise du régime de Mussolini !

Alors bien sûr, on parcourt avec plaisir Florence et même Rome, on balaie l'histoire de l'Italie de la première guerre mondiale aux années 55-60, mais cela reste un peu superficiel à mon avis.

En somme, un roman qui se lit facilement, mais qu'en restera-t-il ?

Extrait représentatif un des premiers dialogues entre Mimo et Viola Orsini :  

"– C’est le caveau de ma famille. Virgilio est là, maintenant.

– C’est votre frère ?

– Arrête de me vouvoyer, ça m’énerve. Oui, c’est mon frère. Virgilio était très intelligent. Je n’ai même jamais rencontré quelqu’un d’aussi intelligent.

– Mon père est mort à la guerre, lui aussi.

– Foutue guerre, maugréa Viola. Tu en penses quoi ?

– De la guerre ?

– Oui. Moi, je crois que l’entrée des États-Unis va changer la donne, et que Caporetto n’était qu’un revers passager davantage dû à l’impréparation de Cardona et aux circonstances météorologiques. Mais je me méfie des promesses qui nous ont fait rejoindre la Triple Entente. Je veux dire, c’est bien gentil que les Français nous promettent les terres irrédentes, mais tu ne crois pas que Wilson aura son mot à dire ? Ça risque de mal finir, non ?

– Euh, oui.

– « Euh oui » ?

– Je sais pas trop, je n’y connais rien.

– Tu attends quoi, la visite du Saint-Esprit ?

– Comment tu sais tout ça ? demandai-je, un peu vexé.

– Comme tout le monde. Je lis les journaux. Je n’ai pas le droit, ma mère dit que ça brouille le teint d’une jeune fille. Mais quand mon père jette son Corriere della Sera, le jardinier me le redonne avant de le brûler, en échange de quelques lires.

– Tu as de l’argent ?

– Je le vole à mes parents. C’est pour leur bien, pour qu’ils n’aient pas une fille ignare. Ça t’intéresse que je te prête des livres ?

– Des livres sur quoi ?

– Qu’est-ce que tu connais bien ?

– La sculpture.

– Alors sur tout, sauf la sculpture. Encore que… Quelles sont les dates de naissance et de mort de Michelangelo Buonarroti ?

– Hmm…

– 1475-1564. Tu n’y connais rien en sculpture. En fait, tu ne sais rien de rien. Je vais t’aider. Pour moi c’est facile, si je vois ou si j’entends quelque chose, je le retiens.

J’appuyai sur mes yeux – tout allait trop vite. Viola, au fond, était futuriste. Lui parler, c’était rouler à tombeau ouvert sur une route de montagne. J’en revins toujours épuisé, terrifié, exalté, ou un mélange des trois.

Nos souffles se condensaient en boules blanches dans l’air froid de la nuit. Viola lissa sa robe.

– Ta mère, reprit Viola, elle est où ?

– Loin.

– Elle sent quoi ?

– Hein ?

– Une mère, ça sent toujours quelque chose. Elle sent quoi, la tienne ?

– Rien. Enfin si, le pain. Et la vanille, de quand elle fait les canestrelli. Et aussi l’eau de rose que mon père lui avait offerte pour son anniversaire. Et un peu la sueur. Et la tienne, elle sent quoi ?

– Le chagrin. Bon, il faut que je rentre.

– Déjà ?

– Si je ne suis pas à l’heure pour la messe de minuit, ça va barder.

– Quelle messe de minuit ?

– La messe de Noël, idiot.

Mon deuxième Noël loin de ma famille. Cette fois, j’avais jugé bon de l’oublier complètement.

– Qu’est-ce que tu as demandé comme cadeau ? voulut savoir Viola.

Je dus improviser.

– Un couteau. Avec un manche en corne. Et une automobile miniature. Et toi ?

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