Le sujet n'est pas engageant, certes : L'effondrement est la mort du frère aîné de l'auteur, à seulement 38 ans, rongé par le ressentiment et par l'alcoolisme. Triste sort !
Mais, outre l'écriture, toujours aussi vivante et puissante, ce qui m'a passionnée dans ce nouveau livre de l'auteur, de nouveau consacré aux dysfonctionnements de sa famille, c'est la quête du sens et en même temps le rejet viscéral qui se conjuguent étrangement dans l'approche du narrateur. Alors qu'il n'éprouve rien à l'annonce du décès de son frère et qu'il refuse de dépenser de l'argent pour organiser ses obsèques, le narrateur fouille ses souvenirs, interroge les femmes de la vie de son frère et tous les témoins possibles, cherche à comprendre en lisant Ludwig Binswanger, Anne Carson, Joan Didon de même que Michel Foucault ou Sigmund Freud ! Il aboutit à des images contradictoires : romantisme sentimental et violence bestiale, générosité et égoïsme, intelligence et sottise... Abandonné par son père, méprisé par son beau-père, emporté par des rêves de grandeur et sans cesse rabaissé, ce frère pouvait quand même être un trésor de sensibilité tout comme un monstre violent. Le milieu dans lequel il a vécu explique un peu, mais n'explique pas tout. Le narrateur cherche un sens à l'histoire de son frère et ne le trouve pas.
Extrait : Anne Carson note à la mort de son frère : « Nous voulons des autres qu’ils aient un centre, une histoire, une explication, quelque chose qui ait du sens. Nous voulons être capable de dire Voilà ce qu’il a fait et voilà pourquoi. Cela forme un rempart contre l’oubli. »
Peut-être que je ne sais rien de mon frère, mais j’ai besoin de croire que je sais. Peut-être que j’ai besoin d’une histoire, d’une explication, de quelque chose qui ait un sens. D’un rempart contre l’oubli.