Ce court roman de presque 250 pages retrace une journée de la vie de Mathilde, veuve, cadre dans une société parisienne,mère de trois enfants un lundi 20 mai exactement et cette même journée de la vie de Thibault, célibataire et médecin à SOS Médecin à Paris. Tous deux, seuls, la quarantaine, vivent une journée très particulière de leur existence : Thibault parce qu'il a quitté la femme qu'il aimait, Lila car manifestement elle ne l'aimait pas. Mathilde car une voyante lui a prédit qu'un homme interviendrait pour la délivrer le 20 mai or elle a atteint un tel niveau de désespoir, qu'elle est prête à renoncer à sa rationalité pour croire une voyante ou s'accrocher à une carte chance que son fils lui a offerte, "Le défenseur de l'Aube d'Argent". Tandis que Thibault se débat pour atteindre les patients qu'il doit soigner et pour supporter le malheur qu'il prévoit parfois pour les malades, Mathilde se débat pour arriver à son travail malgré les surprises du RER et du métro, pour comprendre pourquoi Jacques dont elle était la collaboratrice la harcèle, pour s'adapter aux diverses tactiques que Jacques met en œuvre pour l'exclure, l'humilier, la réduire au néant. Quand la journée s'achève, Mathilde rentre chez elle, elle a démissionné, exactement ce qu'il ne fallait pas faire, elle n'a plus de travail et plus d'espoir, elle rate son train, elle "se tient à l'écart, elle observe les gens, la fatigue sur leur visage, cet air de contrariété, cette amertume sur leurs lèvres [...] Pour autant cela ne les rassemble pas, ne crée aucun lien entre eux." Thibault "maintenant [...] sait combien la ville est brutale et qu'elle fait payer le prix fort à ceux qui prétendent y survivre [...] Il arrive un moment où le prix est devenu trop élevé. Dépasse les ressources. Où il faut sortir du jeu, accepter d'avoir perdu. Il arrive un moment où l'on ne peut pas se baisser plus bas."
Quand cette journée s'achève, le lecteur s'accroche à l'idée qu'ils pourraient au moins se rencontrer, se consoler dans les bras l'un de l'autre et peut-être à partir de là, commencer une nouvelle vie. Ils sont en effet un moment face à face ce soir-là dans le métro mais ce roman n'est pas un conte de fées, le métro n'est pas un lieu de rencontre. "Emporté par le flot dense et désordonné, il a pensé que la ville toujours imposerait sa cadence, son empressement et ses heures d'affluence, qu'elle continuerait d'ignorer ces millions de trajectoires solitaires, à l'intersection desquelles il n'y a rien, rien, rien d'autre que le vide ou bien une étincelle, aussitôt dissipée."
Ce roman réaliste sur la vie urbaine présente une étude très précise et très vraisemblable de ce qu'est le harcèlement au travail, une description lucide des difficultés de circulation à Paris, une observation sans illusions de la solitude dans la ville. C'est un roman moderne et cruel.