J’ai beaucoup lu Stéphan Zweig mais je n’avais jamais lu ce récit qui n’a été édité que très récemment. Enfin,
en 2008 ... ce qui fait déjà 10 ans. C’est justement presque le temps qui sépare les premiers émois amoureux et les retrouvailles de Louis au début du récit, sorte d’avatar du jeune Frédéric Moreau de L’Education sentimentale et de cette femme _avatar aussi de Mme Arnoux_ dont on ignore le prénom comme le nom. Durant ces 9 années de séparation la première guerre a commencé et fini. Au moment des retrouvailles une manifestation patriotique semble annoncer une nouvelle guerre. Le temps passé aurait-il effacé les mauvais souvenirs de la première guerre du moins assez pour que les hommes en préparent une nouvelle ? Ce temps passé a pourtant un effet contraire sur l’amour : Louis et son amour n’ont rien oublié mais rien n’est plus possible pour eux. Les vers du « Colloque sentimental » Verlaine autrefois récités par la femme reviennent à l’esprit de Louis et sonnent le glas de l’amour :
« Dans le vieux parc solitaire et glacé. »
On retrouve ainsi les thèmes favoris de Zweig dans ce récit mais la mélancolie est prégnante. L’amour ne revient pas, la guerre, si. Louis s’en effraie à leur arrivée à Francfort : « Ils sortirent de la gare, mais à peine passée la porte, un grondement les assaillit scandé par des tambours, traversé de sifflements stridents, vacarme imposant, retentissant - une manifestation patriotique d’associations d’anciens combattants et d’étudiants. Mur mouvant orné de drapeaux, se succédant par rangées de quatre, des hommes à l’allure militaire marchaient au pas de parade, en cadence, comme un seul homme, la nuque raide, rejetée en arrière - résolution violente- la bouche grande ouverte, pour chanter, une voix, un pas, une cadence. Aux premiers rangs, des généraux, sommités chenues, couverts de décorations, flanqués d’une organisation de jeunesse, portaient à la verticale, avec une raideur athlétique, des drapeaux gigantesques, têtes de morts, croix gammées, vieilles bannières de l’Empire, flottant au vent, ils bombaient le torse, le front rejeté en avant, comme s’ils avançaient à la rencontre de batteries ennemies. [...] « Folie » balbutia-t-il à part lui, stupéfait, pris de vertige. Que veulent-ils ? Une fois de plus, une fois de plus ? » p 85-87
Dans cette édition le texte de Zweig écrit en allemand est présenté à la suite du texte traduit par Baptiste Touverey.