Annie Saumont était une nouvelliste hors pair, j'aime la retrouver de temps à autre.
Dans cette nouvelle publiée en 2002 aux éditions Joëlle Losfeld, Annie Saumont tient en haleine ses lecteurs jusqu'au bout mêlant les lieux et les époques dans le récit autobiographique de sa narratrice. Celle-ci tisse des liens arachnéens entre l'histoire de la Renaissance espagnole, le souvenir de quelques jours de sa jeunesse, le présent d'un voyage en voiture avec des inconnus mais aussi entre le bleu et le jaune des cirés des hippies, le rouge des gouttes de sang, le noir de la nuit ou de l'inquisition. A la fin du récit, le lecteur réalise que depuis le début, la narratrice le mettait sur la voie mais entre son récit et le récit enchâssé, sa sagacité est mise à l'épreuve. C'est que la vérité n'était pas facile à dévoiler. Le titre de la nouvelle est pourtant à lui seul tout un programme.
Extrait qui révèle aussi la beauté du texte : "A Madrid, le jeudi matin, ciel de nacre, un soleil fou. Ça avait commencé ainsi. Nous avions déposé les bagages dans un hôtel de la Calle Mayor. Mon frère semblait impatient de partir en promenade. Nous étions allés un peu au hasard jusqu'au bord de l'étroit Manzanares et bientôt nous franchissions les grilles de la Casa del Campo. Le peuple de la ville déambulait autour du lac parmi les taillis des buttes, entre les arbres à présent clairsemés de ce qui avait été autrefois la chasse de Felipe II."