Voilà, je n'ai pas résisté longtemps, après la lecture de Syngué Sabour, prix Goncourt 2008, j'ai aussi lu Terre et cendres, du même auteur, Atiq Rahimi.
C'est aussi et encore plus un tout petit livre publié en 2000 mais vraiment bouleversant : un grand-père sur un pont attend, longtemps, longtemps, le passage d'une voiture qui pourra le conduire à son fils. A ses côtés, son petit-fils qui ne comprend pas comment la guerre a pu ôter sa voix à son grand-père comme au vigile, sur le pont et même son bruit au caillou qu'il frappe contre un autre caillou. Et enfin, une voiture passe et emporte le grand-père à travers les étendues désertes vers la mine où travaille son fils et les doutes assaillent le vieil homme : doit-il vraiment lui dire ce qui est arrivé au village ? Comment pourra-t-il donner un coup de couteau dans le cœur de son propre fils? ...
On trouve les premières pages sur le site de l'éditeur ici. Il s'agit cette fois d'un livre écrit en persan afghan puis traduit. (Syngué Sabour a été écrit en français directement). Dans cet extrait d'un entretien, Atiq Rahimi présente ses "sources" :
« Nous sommes en 1981, c'est un matin, j'emprunte depuis deux semaines une piste poussiéreuse qui mène à une mine de charbon dans le nord de l'Afghanistan. Je suis là afin de réaliser un reportage sur la vie ouvrière des mineurs. Avant de prendre la piste de la mine, je suis sur un pont, j'aperçois un vieillard adossé au parapet, le regard perdu. À côté de lui, un petit garçon regarde curieusement les passants et les camions qui traversent le pont. Ces deux regards me clouent sur place. Un sentiment étrange m'envahit... Je vois dans leurs yeux toute la catastrophe d'une guerre. L'égarement d'une génération perdue dans les yeux du vieux. Dans le regard de l'enfant, l'interrogation de l'avenir et du devenir. Je veux les prendre en photo, malheureusement ou pas, l'appareil photo ne fonctionne pas. Ces deux visages restent gravés dans mon esprit. Vingt ans après j'emprunte de nouveau la piste poussiéreuse de la mine...»
Ce roman me rappelle tantôt Intérieur de Maeterlinck, tantôt La petite fille de M Linh de Philippe Claudel et encore Le Message d'Andrée Chédid, mais il ne se confond avec aucun : ce livre est à la fois un émouvant témoignage de l'horreur vécue par l'Afghanistan à l'époque de la domination soviétique et un roman de portée universelle, sublime.
En 2004, l'auteur a fait de ce roman un film que je n'ai pas vu et dont voici l'affiche :
Vraiment Atiq Rahimi mérite bien son prix Goncourt !
Il me reste à finir Les Mille maisons du rêve et de la terreur et j'aurai presque fait à l'envers le parcours d'une oeuvre sans égale.
Pour lecteurs confimés, à partir de la 3e ou du lycée.