"Le monde n'est pas bien rangé, c'est un foutoir.
Je n'essaie pas de le mettre en ordre."
Garry Winogrand
Telle est la citation choisie comme exergue par Yasmina Réza pour Babyone.
Rarement il m'a semblé qu'une citation en exergue exprime aussi bien le contenu d'un livre. Le titre, quant à lui, semble plus éloigné du texte. Certes, il convient de penser à la Babylone mythique, à la fois gigantesque, majestueuse et corrompue, immorale. Toutefois l'univers de ce roman se réduit à un espace bien limité et finalement assez peu peuplé par une bourgoisie parisienne vieillissante réunie un soir pour fêter le printemps. La corruption ou l'immoralité fond comme glace au soleil dans une sorte de banalité du quotidien où finalement s'appeler Jean-Lino Manoscrivi, étouffer sa femme, la plier en quatre pour qu'elle rentre dans une grande valise rouge, entrainer sa voisine dans ses folies, ... tout cela semble tout naturel, tout comme aller se coucher alors que le voisin du dessus vient d'annoncer qu'il a tué sa femme.
Ce roman mêle ainsi dans un délicat équilibre, le loufoque du "foutoir" du monde et le regard mi-mélancolique, mi-sarcastique sur cette bourgeoisie parisienne vieillissante.
" Ce qui compte quand on regarde une photo, c'est le photographe derrière. Pas tellement celui qui a appuyé sur le déclencheur mais celui qui a choisi la photo, qui a dit celle-là je la garde, je la montre." (p 43). Cette phrase où la narratrice Élisabeth commente une nouvelle fois une photo de Robert Frank nous livre peut être aussi une voie d'interprétation des scènes que l'auteur nous donne à voir dans ce roman.