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18 novembre 2017 6 18 /11 /novembre /2017 18:13

Pourquoi Marcello Martini doit-il revenir en France après vingt ans d'absence ? Ce roman

d'Yves Ravey repose sur cette question même si la réponse arrive rapidement dans l'histoire. Au début du livre, Marcello a reçu une convocation du notaire de sa tante qui lui a appris que celle-ci souhaitait le déshériter. Dans cette histoire, Marcello a trois jours pour convaincre sa tante de changer d'avis. Durant ses vingt ans d'absence, Marcello vivait en Afrique où il s'occupait – mais pas dans une grande transparence- d'une organisation humanitaire pour venir en aide aux enfants touchés par la guerre.

 

         Ce livre possède des points communs avec le polar représentant un tête-à-tête entre un neveu qui tente de préserver son héritage et une tante en maison médicalisée qui esquive cette rencontre avec une fausse naïveté. Monsieur Martini apparaît au début comme quelqu'un de sympathique puis se révèle un véritable escroc de petite envergure qui, à vouloir tellement quelque chose, risque de tout perdre. Ce livre est un roman assez épuré qui se lit en une seule fois et nous laisse sur un certain trouble.

 

         Tout d'abord, ce roman est fait d'une écriture vraiment minimaliste, un peu pesante au début mais qui devient, par la suite, un point positif puisqu'il pose une ambiance lourde et oppressante dans l'histoire ce qui rend cette situation plus réaliste. Cette écriture permet de raconter des faits sans analyse psychologique et sans jugement. Cela permet de laisser planer le doute tout le long. Le lecteur rentre très vite dans une situation familiale qui a l'air banale mais qui est en fait inquiétante avec des détails pas vraiment anodins. C'est tout au long de l'histoire que Marcello se révèle grâce à des phases narratives très souvent présentes.

 

         Le roman a toutefois quelques faiblesses. En effet, cette écriture minimaliste peut ennuyer des lecteurs qui préfèrent des histoires plus recherchées. Et la fin de ce livre est très étonnante par rapport à l'écriture qui semblait chercher à laisser le suspens tout le long.

 

         Ce roman peut plaire aux personnes qui ne recherchent pas un style d'écriture élaboré. Pour ma part, j'ai eu beaucoup de mal à plonger dans l'histoire et j'ai été vraiment déçue sur la fin du roman. Il n'est également pas sûr que ce soit un ouvrage susceptible de laisser une trace dans le domaine littéraire et qu'on se souvienne longtemps de l'histoire.

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4 novembre 2017 6 04 /11 /novembre /2017 10:27

Si comme moi, la lecture de La Promesse de l'aube vous a laissé des traces indélébiles, si La

Vie devant soi, J'ai soif d'innocence, et tant d'autres ne quittent pas votre mémoire, alors le livre de François-Henri Désérable est pour vous. Comment, en effet, s'intéresser à ce roman si on ne connaît ni la vie ni l’œuvre de Romain Gary alias Émile Ajar alias Roman Kacew ?

Désérable part sur les traces du jeune Roman Kacew à Vilnius alias Wilno et d'"un certain M. Piekielny" qui avait demandé au jeune Roman de rappeler aux grands de ce monde qu'il ne manquerait pas de rencontrer que "au n°16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait un certain M.Piekielny"

De ce M. Piekelny point de traces, autres que dans les propos de Romain Gary dans La Promesse de l'aube chapitre VII et, à la fin du livre, ceux d'une vieille femme qui habitait aussi au n°16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno. Alors Désérable imagine et reconstitue Pikielny, la "souris grise" qui jouait du violon sans bruit pour ne gêner personne, qui comme la plupart des juifs de Vilnius a peut-être été déporté en Sibérie ou bien qui a dû vivre dans le ghetto, puis a été chassé et sans doute mis à genoux au bord d'un trou, assassiné d'une balle dans la nuque comme le fut, affirme Désérable, le père de Romain Gary (cf. p 164) C'est l'occasion de réunir l'Histoire et ses plus horribles moments avec la fiction.

Sur Romain Gary, le roman est nettement plus précis et documenté. J'ai détesté ces pages où Désérable énumère des allégations de Romain Gary et les taxe systématiquement de "mensonges" mais j'ai savouré les pages où il retrace la rencontre de Gary avec Kennedy à la Maison blanche ou la rencontre avec Modiano lors de l'émission Apostrophe en 1980, deux scènes où se mêlent inextricablement fiction et réalité. L'auteur nous propose même ceci : "Imaginez un instant que vous êtes Romain Gary." Il est vrai qu'en cette année 1980, Gary est bien embarrassé par le double jeu qu'il a lui-même mis en place et qui lui vaut d'être le seul écrivain à avoir reçu deux prix Goncourt. Roman Kacew publie sous deux pseudonymes : Romain Gary et Émile Ajar.

Finalement, M. Piekelny comme Romain Gary ont à l'issue du roman acquis la part de réalité et la part de fiction qui font d'eux des personnages de roman à part entière. Désérable lui aussi tente de se situer dans cet entre deux qui unit réalité et fiction lorsqu'il se présente comme l'enquêteur mais aussi comme le compagnon de Marion et comme le jeune homme qui entend hurler une mère quand arrive au bas de son immeuble, la civière portant le cadavre de sa fille."Où finit la vérité ? Où commence le mensonge ?"

"Alors, mon Ramouchka, qu'aurais-tu répondu ? Tu t'en serais sorti, comme toujours, par une pirouette, tu m'aurais dit que l'important c'est d'y croire, et que d'ailleurs j'y avais cru, tu m'aurais dit que ça, la littérature, l'irruption de la fiction dans le réel, en parodiant la bonne vieille parade de Boris Vian, tu m'aurais dit mais voyons, mon cher F.-H., cette scène est vraie, puisque je l'ai inventée." p.242

 

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28 octobre 2017 6 28 /10 /octobre /2017 11:27

Publié chez Grasset pour la rentrée littéraire 2017, ce livre arbore dès la couverture le

drapeau d'un genre : roman. Il fait d'ailleurs partie de la dernière sélection Goncourt. Pourtant La Disparition de Josef Mengele est un sujet terriblement réel, les cinq pages de sources et bibliographie, à la fin du livre témoignent d'un travail de recherche particulièrement fouillé. Reste-t-il de la place pour la fiction, élément inhérent au genre romanesque ? Sans doute oui, lorsque le récit retrace les angoisses ou les cauchemars de Mengele, peut-être aussi lorsqu'il évoque sa dégradation physique puis sa mort. Le personnage, après une première période heureuse en Argentine où il refaisait sa vie avec sa belle-sœur et l'argent de sa famille, passe son temps à fuir et devient paranoïaque. L'imaginer dévoré par les douleurs psychologiques ou physiques reste une piètre consolation au regard de la monstruosité des actes de ce tristement célèbre, Josef  Mengele, tortionnaire nazie à Auschwitz  où il mettait ses  compétences  de médecin au service d'expérimentations monstrueuses, sur des êtres humains qui, parce qu'ils étaient juifs, ne lui semblaient même pas humains. L'évocation des horreurs commises par ce "médecin qui riait à Auschwitz et sifflait des airs d'opéra sur la rampe de sélection" (p. 193) est particulièrement frappante. Le  mariage de la fiction et du réel dans ce récit produit ainsi un effet de malaise. Les deux citations données en exergue sur deux pages consécutives me semblent une bonne traduction de ce malaise :

"Toi qui as fait tant de mal à un homme simple

En éclatant de rire à la vue de sa souffrance

Ne te crois pas sauf

Car le poète se souvient " (Czeslaw Milosz)

"Le bonheur n'est que dans ce qui agite, et il n'y a que le crime qui agite : la vertu... ne peut jamais conduire au bonheur. " (Sade )

La valeur de ce livre me semble surtout résider dans sa richesse documentaire : on y comprend mieux pourquoi Mengele a pu échapper en particulier au Mossad, comment il a pu survivre grâce à l'argent de sa famille qui prospérait à Munich dans l'entreprise multinationale de machines agricoles. Elle réside aussi dans sa capacité à rappeler le passé pour tenter d’empêcher qu'il se répète. Sur ce point, on ne peut que souhaiter sa réussite.  

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21 octobre 2017 6 21 /10 /octobre /2017 14:07

Lire La Serpe n'est pas une mince affaire ! plus de 600 pages imprimées en grand format

édité par Julliard, c'est un poids à supporter quand on lit au lit ! Un triple meurtre à la serpe, une nuit de 1941 dans un château du Périgord, ça n'est pas non plus une mince affaire ! Et quand on comprend que l'inculpé puis disculpé sans autre accusé n'est autre que le fils unique du châtelain, Henri Girard alias Georges Arnaud, auteur du célèbre Salaire de la peur, on comprend que le poids du papier n'est rien vis à vis de celui de l'affaire.

Or, c'est un livre qu'on ne peut pas relâcher tant il étonne, surprend, brise les attentes. En lice pour le Goncourt (le narrateur/auteur se soucie d'ailleurs de finir son livre assez vite pour cela), il se doit d'être un roman et s'affirme bien comme tel "Ce livre, ce roman, raconte ce qu'on appelle une histoire vraie." (p. 13) Certes l'image de couverture, les schémas des premières pages suggèrent un roman à énigme, sorte d'Agatha Christie. Pourtant l'auteur se distingue mal du narrateur, la fiction se détache difficilement de la réalité, la structure retrace les faits, le procès, pour ensuite accompagner les investigations minutieuses du narrateur, auteur aux archives et sur les lieux de ce crime vieux de soixante-quinze ans afin de mettre à jour de nouveaux indices menant à de nouvelles hypothèses. Cela s'apparente à une chronique, l'histoire en arrière-plan : l'Occupation, Vichy...

Sauf que ce narrateur/auteur prend très vite l'épaisseur d'un héros de roman, d'un Columbo (auquel lui-même se compare), d'un héros à la fois picaresque et hyper réaliste débarqué à l'hôtel Mercure de Périgueux avec la valise rouge à roulettes de son fils Ernest, le foulard à pois de sa femme Anne-Catherine après un périple chaotique au volant d'une Meriva de location dont le voyant rouge s'allume dès les premiers kilomètres à la sortie de Paris."Il faut, cependant que j'apprenne à relativiser. Au pire, je finis dans la glissière de sécurité. En rade sur le bord de la route avec, peut-être, une ou deux bosses et un peu de sang sur l'arcade. La pauvre Lili aurait signé tout de suite, dans son lointain Périgord."  Des motifs récurrents parcourent le roman, sortes de leitmotivs propres au héros narrateur auteur. Ainsi dès le premier chapitre, l'incipit du Club des Cinq en roulotte  "Quelle malchance ! " est évoqué et on retrouve ainsi comme les cailloux blancs du Petit Poucet, dispersées dans le roman, diverses réflexions sur Le Club des Cinq, ses aventures, ses personnages, le sexisme dans le Club des Cinq...Bref, dans ce roman, le sordide le plus épouvantable côtoie le quotidien, le sarcasme côtoie le lyrisme, le tragique côtoie le comique. Au lecteur, de s'y retrouver et je dois le dire, on se prend au jeu. Pas dans les cent premières pages, non, car pour ma part, j'étais trop déstabilisée par la perturbation des horizons d'attente du genre romanesque mais les cinq cents suivantes se lisent avec gourmandise car Jaenada écrit bien et on se laisse entraîner sans résistance. Je lui souhaite de décrocher le Goncourt !

extrait : "Les énormités de l'enquête déboussolent mais il ne faut pas que je parte dans tous les sens (j'ai mal à la tête.), ou le tunnel va devenir labyrinthe et on n'en sortira jamais. Creusons droit. (Le mois dernier, ma mère m'a envoyé une carte postale avec un proverbe chinois : "Qui veut gravir une montagne commence par le bas." Et qui veut creuser un tunnel dedans commence par l'entrée. Le milieu, c'est plus compliqué.) Avec les jours qui passent dans la salle de lecture, je prends du recul, je vois mieux. Je dois avancer dans l'ordre, en ligne, comme à l'école (ABC ou autre)." p 397 

 

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21 septembre 2017 4 21 /09 /septembre /2017 20:48

Je craignais que Sorj Chalandon ait épuisé la veine de l'écriture romanesque après Profession

du père, Le quatrième mur, Retour à Killybegs, Mon traître... tant de beaux romans qui semblaient tous être nés d'expériences personnelles très puissantes. Le Jour d'avant est pourtant sorti cet été 2017 et comme les précédents, il semble bien avoir un rapport avec l'expérience personnelle, celle du journaliste de Libération qui en 1974 a suivi l'événement de la catastrophe de la mine de Liévin.

Alors une réécriture de Germinal, version XX" siècle ? Certes oui, et les références directes au roman de Zola sont d'ailleurs fréquentes. On croirait presque revoir Étienne descendre dans la mine ou les enfants Maheu au coron...

Cependant, le titre nous en avertit, ce qui intéresse ici le narrateur (intradiégétique) c'est le "jour d'avant" et ce narrateur, Michel,(qui rappelle de plus en plus Meursault) nous entraîne dans une perplexité de plus en plus grande lorsqu'il devient criminel ou presque, puis inculpé muet et condamné résigné alors que sa victime gagne en capital de sympathie à mesure qu'avance le récit. Dans ce roman les êtres sont complexes, une face en cache une autre et on explore ainsi l'extrême richesse de l'âme humaine.

L'écriture de Chalandon est toujours aussi efficace et incisive, je ne m'en lasse pas :

"Explosion. Une poche de grisou au creux de mon ventre. Une vague brûlante. Son souffle a enflammé ma poussière de charbon. Dos, bras, jambes. L'air m'a manqué. J'ai ouvert la bouche. Mes épaules se sont affaissées. Mon visage s'est violemment embrasé. Feu aux tempes, sang aux joues. Une larme de sueur a perlé derrière mon oreille. Ne pas abîmer mon regard. Ne pas cesser de sourire. Dans sa main, ma main tremblait. Ses yeux fouillaient les miens. Il prenait ce séisme pour un désarroi. J'ai rassemblé mes forces."

Passage énigmatique n'est-ce pas ? Mais tout le roman est comme ça ! Il faut se laisser intriguer.  

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27 juin 2017 2 27 /06 /juin /2017 21:39

Ce roman couronné par le Goncourt des Lycéens en 2003 et semble-t-il encore largement

plébiscité par les lycéens qui le lisent ou l'étudient est le 3e que je lis de Laurent Gaudé après Le Soleil des Scorta (prix Goncourt 2004) puis Eldorado (2006). Mes lectures se font ainsi en sens inverse de la chronologie. Des trois, c'est celui que j'ai le moins apprécié. C'est à mes yeux une timide réécriture de l'Iliade transposée dans une Afrique légendaire où s'affrontent des êtres aussi fantasques que des amazones, des travestis, des drogués, des hommes fougères...en somme des êtres issus de diverses cultures. Les combats sont sanglants et coriaces comme dans l'Iliade mais comment rivaliser avec le souffle de cet immense poème épique qu'est l'Iliade ? ici Hélène se nomme Samilia et finit par disparaître, son père, le roi Tsongor,  confronté au dilemme du mariage de sa fille, préfère se suicider, livrant sa ville au saccage par les prétendants. Les combats font rage jusqu'à ce qu'il ne reste plus personne, sauf le dernier fils qui revient après ces années de carnage, ayant exécuté les dernières volontés de son père. Le roman n'est pas exempt de poésie mais à mon avis il rivalise avec un titan et c'est une entreprise téméraire.

Voici l'invocation par laquelle commence l'Iliade ( traduction de Frédéric Mugler, Actes Sud, 1995) :

« Chante, ô déesse, le courroux du Péléide Achille,
Courroux fatal qui causa mille maux aux Achéens
Et fit descendre chez Hadès tant d'âmes valeureuses
De héros, dont les corps servirent de pâture aux chiens
Et aux oiseaux sans nombre : ainsi Zeus l’avait-il voulu.
 »

Comment peut-on rivaliser ?

J'ignore ce qui séduit des jeunes lecteurs dans La Mort du roi Tsongor, j'en suis curieuse. Pour les enseignants, c'est évidemment un roman intéressant pour qui veut travailler les réécritures au lycée. A ce titre, je le conserve dans ma bibliothèque mais je préfère de loin Le Soleil des Scorta.

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21 juin 2017 3 21 /06 /juin /2017 21:41

« Une histoire complète de la littérature mondiale en 19 recettes » tel est le sous-titre de La Soupe de Kafka de Mark Crick. Titres pleins de malice tout comme la photo de la jaquette aux éditions BakerStreet. Et pourtant sous les provocations de cette jaquette, on découvre un très beau livre, une couverture de toile blanche sans titre avec la photo imprimée ton sur ton en relief, des gardes de couleurs aux motifs de tapisseries bleu vert, des textes illustrés en pleines pages couleurs… Le livre donc est déjà un très bel objet qui se cache sous la provocation de la jaquette.

La malice on la retrouve bien dans le sommaire et la composition du recueil ; « Agneau à la sauce à l’aneth » à la Raymond Chandler (Je vous le recommande !), « Œufs à l’estragon »  à la Jane Austen (Particulièrement réussis), « Soupe Miso Express » à la Franz Kakfa, « Gâteau au chocolat » à la Irvine Welsh, « Coq au vin » à la Gabriel Garcia Marquez, « Risotto aux champignons » à la John Steinbeck et 13 autres recettes. Vous pouvez déjà mesurer l’éclectisme des écrivains et des recettes.

Or chacune de ces recettes est une vraie recette qui vous met l’eau à la bouche ou la cuillère en bois en main et aussi chacune est un superbe pastiche de l’écriture d’un auteur. J’ai trouvé particulièrement réussis les pastiches de Jane Austen (dont j’avais récemment lu trois romans), de Charles Dickens, de Marcel Proust, d’Homère et du Marquis de Sade mais comme je ne connais pas tous les auteurs, je ne peux pas vraiment donner un avis sur tous. Celui de Flaubert est très drôle : Emma, la pauvre, regarde la télé et s’éprend de … Donald Trump !

Les illustrations elles aussi sont des pastiches tantôt à la manière d’Andy Warhol, tantôt à la manière de Frida Kahlo ou de Man Ray ou d’une poterie grecque ou de Henri Matisse… et j’en passe beaucoup !

C’est que l’auteur en plus d’être un grand lecteur est aussi photographe, peintre et dessinateur de talent.

Un bémol ? Il écrit en anglais ! Pour cela, chaque recette a dû être traduite mais pas par n’importe qui : 19 traducteurs se sont répartis les 19 pastiches parmi lesquels Patrick Raynal pour Raymond Chandler, Geneviève Brisac pour Jane Austen,  Éliette Abécassis pour Kafka ou Frédéric Jacques Temple pour Sade… Des traducteurs choisis manifestement.

En somme voilà un très beau cadeau à offrir ou à s’offrir et pour ce qui me concerne, un livre précieux que je garderai dans ma bibliothèque et ressortirai sûrement à diverses occasions. Merci Babelio !

Extrait choisi :

"L'estragon français est une herbe aristocratique, et même si je la trouve fondamentalement trop bien pour vos oeufs, je ne peux nier que cela ferait un beau mariage,"dit Lady Camberland.
Mrs B accueillit sans broncher ce commentaire et l'offense faite à ses oeufs ne lui parut pas devoir être relevée. Une recommandation venue de si haut ne pouvait être négligée et le mépris de Mrs B pour l'auguste estragon fut instantanément oublié. La possibilité que ses oeufs pussent se retrouver dans le même plat que la noble herbe plongea alors notre héroïne dans une telle excitation que Lady Camberland se fût levée pour partir, n'eût été la perspective du déjeuner...

 

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19 juin 2017 1 19 /06 /juin /2017 15:11

C'est mon premier manga ! Au départ, cela semble déconcertant mais on s'y fait vite et cela se lit très vite. Celui-ci a un intérêt documentaire évident : on découvre la cuisine turque et la danse ou plutôt les danses orientales en détail. L'intrigue, elle, me parait plus faible et improbable : cela commence par l'enlèvement à Tokyo de Yako une jeune étudiante en école de mode. Le kidnapper est un vieillard, un restaurateur turc qui en est à son troisième enlèvement ! Or, contre toute attente, Yako accepte de devenir serveuse au restaurant, L'akşehir. Le vieil homme l'avait remarquée car elle avait au cou un nazar boncuk , amulette turque destinée à écarter le mauvais oeil. Yako devient alors l'amie de Zakuro, japonaise mais danseuse orientale au restaurant. L'intrigue ainsi lancée marque une pause, jusqu'à ce qu'à la fin, au cours d'une intrigue sentimentale naissante, elle se relance et s'achève sur une énigme : quel est le sens de cette amulette offerte à Yako par une ancienne amie soudain revenue pour la lui offrir avant de se suicider ?
J'ai demandé leur avis à trois collégiennes habituées aux mangas. Toutes trois apprécient la dimension documentaire mais chacune formule un ou deux bémols : il y a trop peu de rebondissements ; les dessins, en particulier de danse, seraient mieux animés ; le contexte japonais n'est pas assez mis en valeur ; enfin l'héroïne est un peu fade par rapport aux personnages secondaires.

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2 juin 2017 5 02 /06 /juin /2017 18:55

Il s'agit d'un récit que j'hésite à nommer roman tant il est bref (à peine 116 pages) pour 27

chapitres. Le film d'Alain Corneau, que je n'ai pas encore vu, a sans doute beaucoup contribué à la renommée de ce roman qui à lui seul ne me semble pas mériter toute l'attention qu'il a pu soulever (grâce notamment aux programmes de l'Éducation nationale).

De quoi s'agit-il ? En 1650, Monsieur de Sainte Colombe, un musicien, perd  son épouse et se trouve ainsi chargé d'élever leurs deux filles, Madeleine et Toinette. Il confie le soin de leur éducation à Monsieur de Bures, un représentant des Jansénistes de Port-Royal et passe quant à lui le plus clair de son temps dans sa cabane au fond du jardin où il joue de la viole et compose. Dès que ses filles arrivent en âge, il les initie à son art. Prié de venir à la cour afin de jouer pour le roi, il refuse et se retire encore un peu plus dans sa cabane au bord de la Bièvre. Un jeune homme, chassé de la maîtrise du roi en raison de sa mue, vient lui demander de l'accueillir comme élève. Bien qu'irascible et taciturne, Monsieur de Sainte Colombe accepte. Le jeune homme, Monsieur Marin Marais, séduira à tour de rôle les deux filles avant de se faire chasser pour avoir brûlé sa viole à la chaufferette de la reine. Madeleine sombre dans la dépression et finit par se pendre, sa soeur se marie et devient mère de cinq enfants. Monsieur de Sainte Colombe dans sa cabane a reconstitué la tableau Nature morte aux gaufrettes de Lubin Baugin et lorsqu'il joue de la viole, il parvient à faire revenir son épouse disparue jusqu'au jour où, à son tour il approche à son tour de la mort et confie à Marin Marais "un ou deux arias capables de réveiller les morts."

De 1650 à 1689, c'est donc une quarantaine d'années que l'auteur relate en cette centaine de pages. Les ellipses sont nombreuses, les références (à Port-Royal, au jansénisme, au baroque, aux Libertins) allusives, les écarts érotiques parfois crus détonnent et semblent des concessions incongrues à la modernité voire au commerce, les éclats de colère du héros qui parle peu mais casse beaucoup sont excessifs. La poésie peine à s'insinuer, sauf peut-être dans la description des paysages :

"Il aimait le balancement que donnait l'eau, le feuillage des branches des saules qui tombait sur son visage et le silence et l'attention des pêcheurs plus loin [...] Il écoutait les chevesnes et les goujons s'ébattre et rompre le silence d'un coup de queue ou bien au moyen de leur petites bouches blanches qui s'ouvraient à la surface de l'eau pour manger l'air."  (p.35)

En somme, un petit roman, vite lu et sans doute vite oublié si je n'avais pris le temps d'écrire cet article.

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31 mai 2017 3 31 /05 /mai /2017 16:00

Je viens de lire ce roman publié en 2008 à propos de la trahison de Tyrone Meehan.

C'est dans Retour à Killybegs, publié en 2011 que l'on comprend comment ce héros de  l'IRA a pu devenir un traître. J'ai donc lu l'explication avant le récit de la trahison. C'est un itinéraire que je conseille car ainsi le personnage prend chair de manière plus puissante.

Le titre de ce roman peut surprendre : "Mon traître". La lecture de l'oeuvre l'éclaire : de même que dans l'incipit du Quatrième mur, publié en 2013, le narrateur désigne son ami Marwan par "mon druze", le narrateur désigne ainsi son ami "traître". Entre déterminant et nom, il y a comme un oxymore, un hiatus que le héros narrateur, Antoine, un luthier parisien, peine à transformer.

Ce roman, comme la plupart de ceux de cet auteur, est largement inspiré de la réalité : quand Sorj Chalandon, grand reporter à Libération, rencontre Denis Donaldson, leader charismatique de l’IRA et de sa branche politique, le Sinn Fein, ils deviennent amis. Le roman est surtout un hymne à l'amitié, thème qui se retrouve aussi dans Une Promesse, publié en 2006, à l'époque du jugement de l'ami traître, renommé Tyrone Meehan. Mise à mal par la trahison, l'amitié qui unit le luthier parisien et le membre de l'IRA est ici présentée de sa naissance à la disparition  de Tyrone, assassiné à Killybegs.La rencontre d'une vieille irlandaise permet cependant de conclure sur une note apaisée :

"Elle a dit qu'il y avait des Tyrone partout, dans les guerres comme dans les paix, et que cela ne changeait rien. Ni à la paix, ni à la guerre. Ni même à Tyrone.Elle a dit que nous l'avions aimé sans retenue parce que c'était lui.Et que nous lui avions donné notre confiance parce que c'était lui. J'ai hoché la tête. J'ai souri. J'ai revu nos gestes. Cette façon que nous avions de relever nos cols de vestes à la pluie. Ms pas dans les siens. Son regard sous la visière. Nos verres levés. Sa main. J'ai regardé la salle. J'ai laissé faire une larme." (p 216)

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